Intervention de Didier Migaud

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 31 mai 2017 à 9h35
Résultats de l'exécution de l'exercice 2016 et certification des comptes de l'état pour l'exercice 2016 — Audition de M. Didier Migaud

Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes :

La Cour des comptes ne peut qu'observer des éléments d'insincérité, mais c'est le Conseil constitutionnel qui est le juge de la sincérité. Sa jurisprudence est de ne prendre en compte l'insincérité que lorsque les grandes lignes de la loi de finances initiales sont faussées. En l'espèce, les éléments d'insincérité se multiplient, et portent sur plusieurs milliards d'euros... Cela pose un problème !

Je ne saurais trahir le secret des délibérés, mais la distinction entre réserves substantielles et autres réserves a été faite par la Cour dès le début de la certification des comptes. Nous n'avons plus que des réserves substantielles, grâce à la levée de certaines réserves partielles. Oui, nous constatons des anomalies. Cela ne signifie pas que la direction du budget ou que la direction générale des finances publiques en soient responsables : en démocratie, les arbitrages sont rendus par les responsables politiques. D'où l'importance d'une juridiction indépendante à même de signaler ces anomalies au législateur, qui vote les lois de finances. Mais, pour répondre à Maurice Vincent, nous n'allons pas sur le terrain politique : nous formulons des constats objectifs et la mise en perspective est du ressort des parlementaires. D'ailleurs, nous ne vous avons présenté que les résultats de l'État, dont le solde est plutôt stable, en effet. L'amélioration globale du solde de toutes les administrations publiques est faible, comparée à nos voisins. C'est un choix politique, que la Cour n'a pas à apprécier, si ce n'est que cette lenteur du redressement des finances publiques doit être compatible avec les engagements pris par la France vis-à-vis de ses partenaires européens. Nous reconnaissons d'ailleurs que l'État a supporté le coût du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et du Pacte de responsabilité et compense les allègements de charges à la Sécurité sociale.

Nous ne contestons pas le principe des décrets d'avance, pourvu qu'ils soient utilisés pour faire face à des aléas. Nous nous étonnons, en revanche, lorsqu'un collectif rouvre des crédits qui viennent d'être annulés - parfois pour les geler dans la foulée ! Cela ne contribue pas à la lisibilité des politiques publiques...

De même, nous ne commentons pas la décision politique de ne pas affecter 2 milliards d'euros au désendettement. Nous signalons simplement qu'elle permet une amélioration du solde budgétaire en trompe-l'oeil.

Il est très difficile d'anticiper le produit de l'impôt sur les sociétés, car les acomptes peuvent être déterminés en fonction de la politique de l'entreprise. L'audit révèlera peut-être de bonnes nouvelles pour le début de l'année 2017... Et il est exact que les chiffres du fonds de compensation de la TVA traduisent une baisse de l'investissement.

La loi ordinaire suffit à encadrer les opérateurs. La difficulté réside dans leur nombre, et dans leur variété.

Nous ne portons pas de jugement sur l'usage des primes d'émission, même si celui-ci s'est récemment accru. Certains pays ne le pratiquent pas. C'est le cas de l'Allemagne, dont la situation financière est certes différente de la nôtre... Et le Royaume Uni et l'Espagne, qui le pratiquent aussi, ne sont pas dans une situation très enviable. De fait, cette pratique ne fait que reporter l'endettement dans le temps, et ne le maîtrise nullement.

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