Intervention de François Patriat

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 7 juin 2017 à 9h40
Contrôle budgétaire — Missions locales - communication

Photo de François PatriatFrançois Patriat, co-rapporteur :

Habitant moi-même l'Autunois, je prends la suite avec plaisir. J'ai créé une mission locale en 1991, sur un territoire rural qui comptait treize cantons. Les missions locales ont un rôle irremplaçable pour les quelque 1,4 million de jeunes qui s'y rendent chaque année. Elles sont des acteurs absolument indispensables du service public de l'emploi, aucune autre structure n'étant en capacité, ne serait-ce que matérielle, d'accueillir un tel flux. Au-delà de l'aspect quantitatif, avec une expérience de plus de trente-cinq ans, les missions locales ont su développer une réelle expertise et enregistrent des résultats globalement positifs. Saluons donc leur immense travail d'écoute et d'accompagnement des jeunes.

Le taux de sorties positives, c'est-à-dire le nombre de jeunes en emploi ou en formation à l'issue d'un accompagnement en mission locale rapporté au nombre de jeunes reçus en entretien individuel, s'élevait, en 2016, à 46 %. La qualité des emplois occupés par les jeunes sortis de parcours d'accompagnement nationaux apparaît en outre très satisfaisante puisque, selon un rapport de l'Igas, il s'agit pour 84 % d'entre eux d'emplois durables. Ces résultats doivent en outre s'analyser au regard du public accueilli par les missions locales et dont Jean-Claude Requier vous a présenté les principales caractéristiques. Au total, tant du point de vue quantitatif que qualitatif, l'action des missions locales apparaît donc positive. Il nous semble par conséquent nécessaire de conforter ces structures en y apportant des améliorations.

Parmi les points de vigilance que nous avons identifiés, il y a d'abord la question de leur financement. Celui-ci présente en effet la double caractéristique d'être à la fois éclaté et très fluctuant. Il fait intervenir plus d'une dizaine de sources différentes : l'État, les communes, les régions, les départements, les fonds européens, etc. Les procédures sont lourdes et les délais de paiement peuvent être longs. En outre, la part représentée par chaque financeur varie fortement selon les régions et les structures.

Avec 455 millions d'euros en autorisations d'engagement et près de 377 millions d'euros en crédits de paiement inscrits en 2017, l'État constitue le premier contributeur au budget des missions locales. Mais, sur ces montants, 205 millions d'euros seulement sont consacrés au financement du réseau et de l'animation régionale, et leur budgétisation ne semble pas réellement prendre en compte le niveau d'exécution de l'année précédente - malgré un effort pour l'exercice 2017. La part restante finance la mise en oeuvre des dispositifs d'accompagnement nationaux tels que la garantie jeunes ou les emplois d'avenir.

Le financement des missions locales est en outre fluctuant. La baisse des dotations aux collectivités territoriales a pu se traduire par un désengagement de certaines d'entre elles, pouvant atteindre jusqu'à 10 % dans certaines régions comme l'Île-de-France ou la région Rhône-Alpes, alors que l'activité des missions locales n'a jamais été aussi importante. Par ailleurs, le fait que la majeure partie de leur financement soit liée à la mise en oeuvre de dispositifs dont la durée de vie peut être limitée, comme cela a été le cas du dispositif prévu par l'accord national interprofessionnel de 2011, se traduit par un manque de visibilité. Les missions locales qui avaient redimensionné leurs équipes afin de faire face à l'accroissement de leur activité lié au déploiement de ce dispositif ont ainsi pu se retrouver en difficulté lors de sa suppression fin 2015. Enfin, les financements de l'État accordés au titre de la mise en oeuvre de la garantie jeunes sont conditionnés, d'une part, à la réalisation d'objectifs quantitatifs et ambitieux et, d'autre part, au respect de procédures administratives très lourdes. Ainsi, selon la mission locale de Paris, sur les 1 600 euros de crédits d'accompagnement devant être versés par jeune bénéficiaire de la garantie jeunes, seuls 70 % en moyenne sont effectivement perçus par la structure.

Au total, la situation financière des missions locales semble équilibrée au niveau national, le bilan du réseau laissant apparaître en 2015 un excédent de plus de 9 millions d'euros. Néanmoins, au niveau local, certaines structures présentent d'importantes fragilités.

Un autre point de vigilance que nous avons identifié réside dans le positionnement des missions locales par rapport aux autres acteurs du service public de l'emploi, et notamment par rapport à Pôle emploi. Malgré la répartition des compétences prévue par un accord cadre de partenariat, la mise en place d'un « accompagnement intensif jeune » par Pôle emploi crée un risque de doublon alors que, d'une part, Pôle emploi doit déjà répondre aux attentes des demandeurs d'emploi et que, d'autre part, les missions locales semblent mieux armées pour proposer ce type de services aux jeunes.

Enfin, nous avons constaté que la mesure de la performance des missions locales, faite de manière globale et non dispositif par dispositif, était insuffisante. Pris dans une réforme de la gouvernance du réseau qui ne s'est achevée qu'à l'automne 2016, le Conseil national des missions locales, dont les missions comprenaient l'établissement des rapports d'activité, n'a ainsi été mesure de produire de bilan au titre des années 2014 et 2015 qu'en avril 2017. Les données produites pourraient en outre être plus synthétiques afin d'être mieux exploitables. Les taux de sorties positives par type de sortie pourraient ainsi être davantage détaillés et les évolutions mieux expliquées.

Nos recommandations s'organisent autour de trois axes. D'abord, sécuriser les financements. Nous préconisons un assouplissement des conditions de versement des crédits consacrés à l'accompagnement de la garantie jeunes par la fixation d'objectifs plus réalistes, notamment en termes de sorties positives. C'est indispensable si nous voulons éviter l'essoufflement du système. Il nous semble en outre que la mise en place au niveau local de conférences des financeurs, comme c'est le cas au niveau national, permettrait à l'ensemble des parties prenantes de connaître l'évolution des financements de chaque structure et donc de mieux corréler le niveau de financement à leur activité et aux résultats enregistrés. Comme président de région, j'aurais aimé disposer d'une telle structure.

Deuxième axe : il faut procéder à une nouvelle clarification de la répartition des compétences entre Pôle emploi et les missions locales.

Nous recommandons aussi d'améliorer la qualité du suivi de l'activité des missions locales. Un bilan annuel de l'activité des missions locales doit être établi par le délégué ministériel aux missions locales. Celui-ci devra comporter la synthèse et l'analyse de quelques indicateurs pertinents : nombre de jeunes accueillis, taux de sorties positives par type de sorties au niveau global et par dispositif, évolution de chaque source de financement, difficultés rencontrées par le réseau, etc.

Enfin, il faut poursuivre la rationalisation du réseau. Celle-ci peut passer par un renforcement de l'échelon régional et par la mutualisation de certaines fonctions telles que les ressources humaines, les finances ou encore l'immobilier. Le délégué ministériel aux missions locales doit constituer une véritable tête de pont du réseau permettant de développer encore davantage les échanges de bonnes pratiques et la mise en place de référentiels communs.

Vu les résultats des missions locales, nous devons encourager leur activité en simplifiant le dispositif autant que possible.

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