Nous sommes heureux de vous présenter nos conclusions, au terme de six mois de travaux, d'auditions - nous avons entendu environ 70 personnes - et de déplacements en Seine-Saint-Denis, en Haute-Garonne, dans le Tarn, dans la Sarthe, en Seine-Maritime et en Haute-Savoie.
Un rappel du contexte de la réforme et de l'histoire dans laquelle elle s'est inscrite permettra de mieux comprendre le sens des conclusions et des recommandations que nous vous présentons. Après trois années de mise en oeuvre de la réforme, on tend en effet à oublier qu'en 2012, il existait un consensus scientifique et politique sur la nécessité de réformer les rythmes scolaires à l'école primaire.
En supprimant - sans concertation ni fondement éducatif, mais pour « permettre aux familles de se retrouver » - l'enseignement le samedi matin à l'école primaire, la réforme « Darcos » de 2008 a conduit à la généralisation de la semaine de quatre jours. Cette organisation du temps scolaire était déjà mise en oeuvre auparavant par environ un quart des écoles, qui compensaient la matinée du samedi supprimée par une réduction à due concurrence des vacances scolaires ; à partir de 2008, cela n'avait plus lieu d'être. Pour être précise, il convient de rappeler que la réforme « Darcos » n'imposait pas stricto sensu la semaine de quatre jours : les conseils d'école pouvaient également choisir de travailler quatre jours et demi, le mercredi matin inclus. Lorsque Luc Chatel était ministre de l'éducation nationale, la mise en oeuvre de cette dernière option était même encouragée par le ministère.
Malgré cela, en 2012, la semaine de quatre jours et demi demeurait marginale : plus de 98 % des écoles publiques mettaient en oeuvre la semaine de quatre jours, certaines prévoyant tout de même une aide personnalisée le mercredi matin. En 2010, devant nos collègues députés, Jean-Michel Blanquer, alors directeur général de l'enseignement scolaire, le résumait ainsi : « le monde des adultes s'est entendu sur le monde des enfants ».
La généralisation de la semaine de quatre jours - sans réduction des vacances scolaires - a ainsi mené à une concentration inédite des enseignements. La comparaison avec les autres pays développés montre qu'après 2008, les écoliers français, dont le volume horaire annuel d'enseignement est de 864 heures, soit l'un des plus élevés d'Europe, étaient ceux ayant le moins de jours de classe : 144 jours répartis sur 36 semaines. Cela était bien en deçà de la moyenne des pays de l'OCDE, qui s'élevait à 187 jours de classe par an répartis sur 38 à 40 semaines. La semaine de quatre jours était incontestablement une exception : ailleurs, la semaine scolaire de cinq jours pleins est la règle, parfois même de cinq jours et demi.
De nombreux travaux scientifiques, rapports parlementaires et d'inspection ont mis en évidence le caractère préjudiciable de la semaine de quatre jours. Alors que le Gouvernement envisage aujourd'hui de permettre d'y revenir, il me paraît important de rappeler ces constats.
En premier lieu, on observait auprès des élèves soumis à la semaine de quatre jours une baisse de vigilance et de performance liée à la désynchronisation et une fatigue accrue. La semaine de quatre jours était particulièrement défavorable aux élèves fragiles et issus de milieux défavorisés, pour lesquels le temps « libéré » se traduisait par du temps livré à eux-mêmes ou passé devant la télévision ou l'ordinateur.
De plus, la semaine de quatre jours se traduisait également par un resserrement des temps et des contenus d'enseignement : certaines matières n'étaient pas enseignées à la hauteur de leur horaire réglementaire et, dans certains, cas, l'aide personnalisée, créée par la réforme de 2008, n'était même pas dispensée. En ont également souffert le temps de dialogue avec les familles et le temps de concertation des enseignants.
En conséquence, à partir de 2010, le retour à une semaine scolaire d'au moins quatre jours et demi est proposé à de multiples reprises par l'Académie nationale de médecine, l'Institut Montaigne, un rapport d'information de nos collègues députés Xavier Breton et Yves Durand, puis, en 2011, par la conférence nationale sur les rythmes scolaires lancée par le ministre de l'éducation nationale Luc Chatel, et dont étaient membres nos collègues Jacques Grosperrin et Catherine Morin-Desailly.
Rappelons que la conférence nationale sur les rythmes scolaires proposait de revenir à une semaine scolaire d'au moins quatre jours et demi sans trancher entre le mercredi et le samedi, de limiter la durée totale des cours à 23 heures hebdomadaires et à quatre heures par jour à l'école élémentaire et d'y proposer deux heures par jour d'accompagnement éducatif. Enfin, la conférence nationale proposait de porter la durée de l'année scolaire à 38 semaines, contre 36 aujourd'hui, en réduisant les vacances d'été de deux semaines et en instaurant un zonage, une plage commune étant maintenue pour l'ensemble des zones entre le 13 juillet et le 16 août.
La réforme des rythmes scolaires à l'école primaire est ainsi apparue comme l'un des leviers permettant d'améliorer la réussite des élèves et l'efficience du système éducatif ; ce n'était sûrement pas le seul, ni même le plus important, mais il importait néanmoins de s'en saisir.
Si Luc Chatel était ouvertement favorable au retour à une semaine de quatre jours et demi, cela ne fut pas fait avant 2012, car le Gouvernement d'alors n'y était « pas prêt » à la veille des élections présidentielle et législatives.
On le voit, la réforme, tout du moins dans son principe - revenir à une semaine scolaire d'au moins quatre jours et demi à l'école primaire - faisait l'objet, en 2012, d'un certain consensus. On ne peut malheureusement pas en dire autant s'agissant de la méthode et des modalités de mise en oeuvre de la réforme.