Intervention de Gérard Longuet

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 7 juin 2017 à 14h30

Photo de Gérard LonguetGérard Longuet, rapporteur :

Mireille Jouve a eu raison de rappeler les errements et l'instabilité qui ont caractérisé la période 2008-2017.

Le retour à la semaine de quatre jours et demi après 2012 n'était pas une surprise, puisque cette proposition figurait dans le programme du candidat à la présidence de la République François Hollande, même si les modalités n'en étaient pas précisées. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale, a annoncé, dès sa prise de fonction, le retour à la semaine de quatre jours et demi dès la rentrée de 2013. Il s'agissait d'un acte de foi, fondé sur une conception de la conduite du changement qui, hélas, ne correspond plus à la complexité des situations.

Dans le bureau du ministre de l'éducation nationale, un formidable tableau représente une classe de jeunes élèves du primaire sous la IIIe République. Les ministres avaient l'habitude de dire qu'ils pouvaient deviner l'heure et le jour de cette séance, parce que les horaires étaient alors définis au niveau national pour l'ensemble des classes.

Sans doute Vincent Peillon a-t-il pensé de bonne foi qu'en affichant une conviction forte et en donnant un calendrier rapide, il épargnait aux élèves une période dilatoire qui aurait, par la stratégie dite « de l'édredon », rendu cette réforme ineffective.

Le ministre a toutefois été contredit rapidement par le Président de la République, qui, à l'occasion du congrès annuel de l'Association des maires de France en novembre 2012, a annoncé aux élus qu'il accordait un an de sursis à ceux qui ne pourraient mettre en oeuvre la réforme dès la rentrée de 2013 ou qui voudraient une année de réflexion supplémentaire. Seulement 17 % des communes ont ainsi choisi de mettre en oeuvre la réforme à la rentrée de 2013. En effet, revenir à quatre jours et demi posait à la fois le problème de la coordination entre le ramassage scolaire et les heures scolaires effectives et celui des 45 minutes libérées pendant lesquelles les collectivités locales doivent assurer la garde des enfants. Les 83 % de communes concernées qui ont reporté à 2014 la mise en oeuvre des nouveaux rythmes ne faisaient donc pas preuve de mauvaise volonté mais prenaient le temps de la réflexion.

Le décret du 24 janvier 2013 constitue le cadre juridique de la réforme. En se concentrant exclusivement sur les horaires quotidiens et hebdomadaires, il évacue toute réflexion sur le calendrier scolaire manuel.

La matinée supplémentaire est obtenue grâce à la réduction de 45 minutes par jour du temps d'enseignement sur les quatre autres jours. Il fixe le volume hebdomadaire d'enseignement de 24 heures avec un maximum quotidien de cinq heures et demie et une pause méridienne d'au moins une heure et demie. Par ailleurs, nos auditions nous ont permis d'établir que les services déconcentrés de l'éducation nationale ont été assez réticents à accorder les quelques dérogations prévues par le décret, en particulier s'agissant du placement de la cinquième matinée le samedi.

Les élus ont donc été confrontés à un vrai problème, d'autant que, si l'école est communale et souvent intercommunale en milieu rural, les transports scolaires étaient alors de la compétence des conseils départementaux lorsque le décret a été pris : les choix de ces derniers ont limité les marges de manoeuvre des communes.

Par ailleurs, la mise en place des fameux temps d'activité périscolaire (TAP) suscite de nombreuses interrogations. Les TAP sont de qualité très inégale et leur coût ainsi que la part à la charge des familles sont très variables. On peut qualifier ce climat de « désordre créatif » si l'on est optimiste ou, si l'on est réaliste, de « contrainte mal vécue ».

Les aides financières de l'État ont fait l'objet d'atermoiements avant leur pérennisation - Thierry Foucaud y reviendra. La question des expérimentations rendues possibles par le décret « Hamon » du 7 mai 2014 sera également abordée. Le fait que le ministère de l'éducation nationale n'ait pas prévu de modalités d'évaluation des nouveaux horaires est pour beaucoup dans les frustrations qu'il a suscitées. L'éducation nationale aurait dû mettre en place immédiatement un système d'évaluation avec des groupes témoins afin de déterminer les bénéfices pédagogiques des nouveaux horaires et le système le plus adapté selon les âges. Une évaluation n'a été lancée qu'à la rentrée de 2015, soit deux ans après l'entrée en vigueur de la réforme : en l'absence de groupe témoin, elle ne pourra que comparer les différentes organisations du temps scolaire issues de la réforme, sans évaluer l'impact du passage de la semaine de quatre jours à quatre jours et demi.

En l'absence de cette évaluation, nous manquons de recul sur le bilan de cette réforme, ce qui aurait permis de trancher le débat.

Pour conclure, je citerai l'inspection générale de l'éducation nationale, qui soulignait dans un rapport de juin 2015 « le paradoxe étonnant d'une réforme visant l'amélioration des résultats des élèves au prix de modifications importantes impliquant tant l'éducation nationale que les communes, avec un coût élevé pour la nation, ne se donnant pas les moyens d'évaluer l'atteinte de ses objectifs ».

La méthode volontariste employée pour l'application de cette réforme a suscité des réactions qui ont sans doute escamoté son importance, en focalisant l'attention sur ses modalités qui n'étaient pas forcément pertinentes alors que ses principes le sont.

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