J'en viens aux conséquences financières de la réforme pour les collectivités territoriales. Si, selon le Conseil d'État, celle-ci n'a pas constitué, juridiquement, un transfert de compétence obligatoire, elle s'est néanmoins traduite par un surcroît de dépenses pour les collectivités territoriales, qui n'a pas été intégralement compensé - tant s'en faut - par les aides de l'État et des caisses d'allocations familiales (CAF).
S'agissant des aides de l'État, l'article 67 de la loi du 8 juillet 2013 a créé un fonds d'amorçage de la réforme des rythmes scolaires (FARRS), qui avait pour vocation d'inciter les communes à mettre en oeuvre la réforme des rythmes scolaires dès la rentrée de 2013 en les aidant à redéployer les activités périscolaires existantes et à en proposer de nouvelles, ainsi qu'à garantir la prise en charge de tous les enfants jusqu'à 16 h 30 au moins. Cet instrument était donc envisagé, au départ, comme un dispositif temporaire, ayant pour seule fonction de faciliter l'introduction des nouveaux rythmes. Ce fonds a cependant été prorogé par la loi de finances pour 2014, puis pérennisé par la loi de finances pour 2015 sous la forme d'un fonds de soutien au développement des activités périscolaires, sous la pression des élus locaux et des parlementaires.
Au regard du coût de la réforme pour les collectivités territoriales, il est permis de s'étonner que le gouvernement ait même envisagé la réduction et la suppression des aides de l'État en 2014.
Toutes les communes se sont ainsi vu allouer une dotation forfaitaire de 50 euros par élève. En outre, les communes urbaines ou rurales les plus en difficulté, dites « DSU cible » et « DSR cible », ont bénéficié d'une majoration d'un montant de 40 euros par élève. D'après les données transmises par la direction du budget, 6 millions d'élèves sont aujourd'hui couverts par la part forfaitaire et 2 millions par la dotation majorée. Depuis la rentrée de 2015, le versement de ces aides a cependant été conditionné à l'établissement d'un projet éducatif territorial (PEDT).
La direction des affaires financières du ministère de l'éducation nationale, que nous avons entendue en audition, nous a indiqué que, début 2017, près de 96 % des communes disposant d'une école étaient couvertes par un PEDT et étaient donc éligibles aux aides du fonds de soutien. Ainsi, 28 millions d'euros ont été versés aux communes en 2013, 181 millions d'euros en 2014, 367 millions d'euros en 2015 et 373 millions d'euros en 2016. En outre, 373 millions d'euros ont été inscrits dans la loi de finances pour 2017.
Par ailleurs, afin d'accompagner la mise en oeuvre de la réforme, l'État et la Caisse nationale des allocations familiales sont convenus, dans le cadre de la convention d'objectifs et de gestion 2013-2017, que la branche famille contribuerait financièrement via la création d'une aide spécifique aux trois nouvelles heures d'accueil périscolaire libérées par la réforme.
En 2015, le montant de l'aide spécifique rythmes éducatifs (ASRE) s'élevait à 52 centimes d'euro par heure et par enfant. En 2016, l'aide a été portée à 53 centimes d'euro. Son montant est plafonné à trois heures par semaine et à 36 semaines par an et par enfant.
Pour bénéficier de cette aide, le service doit respecter la réglementation relative aux accueils collectifs de mineurs. En outre, seule la participation effective des enfants aux activités périscolaires ouvre droit à cette aide. Les communes sont donc tenues de transmettre des justificatifs de présence aux caisses d'allocations familiales.
Les élus que nous avons rencontrés nous ont tous indiqué que les obligations administratives auxquelles étaient astreintes les communes pour bénéficier des aides des caisses d'allocations familiales étaient excessives, voire dissuasives pour certaines d'entre elles. Un effort de simplification mériterait par conséquent d'être mené.
En 2013, 17 millions d'euros ont été versés par les caisses d'allocations familiales au titre de l'aide spécifique rythmes éducatifs. En 2015, ce montant s'élevait à près de 97 millions d'euros. Au total, les aides versées tant par l'État que par les caisses d'allocations familiales ne correspondent, selon les communes, qu'à une part comprise entre un tiers et la moitié du coût total lié à la mise en oeuvre de la réforme. Pour l'Association des maires de France, celui-ci s'élevait à 231 euros par an et par enfant pour les communes et à 243 euros pour les intercommunalités. Le coût net, c'est-à-dire déduction faite des aides de l'État et des caisses d'allocations familiales, s'élevait quant à lui à 161 euros.
Ces montants moyens correspondent globalement à ceux qui nous ont été présentés par les élus que nous avons rencontrés. Pour autant, de même qu'aucune évaluation de l'impact pédagogique de la réforme n'avait été anticipée, comme l'a rappelé Gérard Longuet, aucune évaluation du coût n'a été envisagée par les services de l'État, ni en amont ni en aval de la réforme. Le ministère de l'éducation nationale a ainsi reconnu ne pas avoir prévu d'impact financier direct sur les compétences obligatoires et facultatives des collectivités territoriales. C'est pourquoi il nous semble indispensable qu'une méthodologie du calcul des coûts induits par la réforme soit rapidement établie par les services de l'État. En particulier, si le Gouvernement devait laisser aux communes la possibilité de revenir à la semaine de quatre jours, ce qui n'est pas préconisé par notre groupe de travail mais semble néanmoins envisagé, il nous semble indispensable que l'accompagnement financier de l'État soit maintenu et même réévalué pour celles qui choisiront de conserver le principe de la réforme.