Intervention de Anne Émery-Dumas

Commission des affaires sociales — Réunion du 28 juin 2017 à 9h35
Prise en charge sociale des mineurs isolés étrangers — Présentation du rapport d'information

Photo de Anne Émery-DumasAnne Émery-Dumas, rapporteur :

Venons-en maintenant à la typologie des fraudes. Elle varie en fonction de la nature des prestations.

Pour la branche famille, il s'agit en premier lieu de l'absence de déclarations de ressources, suivie de la fraude à l'isolement, puis de la production de faux ou de l'escroquerie.

Pour la branche maladie, il s'agit de la fraude des établissements - fraude à la tarification à l'activité, recote en libéral de prestations incluses dans le forfait en EHPAD... -, de la fraude aux prestations en nature - actes fictifs -, de la fraude aux prestations en espèces ou encore de la fraude à l'obtention des droits (CMU-c). La fraude est plus complexe, dans la mesure où il ne s'agit pas seulement d'une relation entre la caisse et un allocataire, mais d'une relation tripartite qui fait intervenir un tiers, établissement de santé ou professionnel de santé.

Pour la branche retraite, il s'agit de fraude aux minima sociaux, de fraude par non-signalement de décès, qui reste la seule possible une fois le montant de la rente sécurisé, ou plus en amont de fraude sur la reconstitution de la carrière.

Comme pour la fraude aux cotisations, la politique de sanctions de la fraude aux prestations a évolué, avec l'objectif de sanctionner de façon appropriée toutes les fraudes.

Un barème national a été défini. Au-delà d'un certain montant - quatre fois le plafond mensuel de la sécurité sociale pour les prestations vieillesse, soit 13 076 euros, et huit fois le plafond mensuel de la sécurité sociale pour les autres prestations, soit 26 152 euros -, les caisses ont l'obligation légale, depuis 2005, de déposer une plainte au pénal, aux termes de l'article L. 114-9 du code de la sécurité sociale. Depuis lors, le nombre de condamnations pour fraude sociale a doublé, pour s'élever désormais à environ 600. La caisse nationale se joint très fréquemment aux actions des caisses locales.

L'assurance maladie a également la possibilité de saisir les juridictions ordinales de la section des assurances sociales du conseil régional d'un ordre : il y a eu 81 dossiers en 2015. Ces plaintes se traduisent le plus souvent - à hauteur de 87 % en 2015 - par une interdiction de donner des soins aux assurés sociaux.

Le recours à la voie judiciaire, où les infractions sont mises en regard d'autres atteintes aux biens ou aux personnes qui peuvent sembler plus graves, débouche souvent sur des classements sans suite ou des sanctions peu élevées.

Comme dans d'autres domaines, la tendance est au développement des sanctions administratives, qui - on a pu le constater - sont plus efficaces. Les pénalités administratives, introduites en 2007, ont été réformées par l'article 87 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.

Le barème de pénalités établi en fonction du montant de l'indu a été remplacé par des sanctions « plafond » et « plancher » accordant une plus grande marge de manoeuvre aux caisses dans la détermination du montant de la pénalité. En cas de fraude avérée, la pénalité est fixée au minimum à un dixième du plafond mensuel de la sécurité sociale et au maximum à quatre fois ce plafond. En cas de fraude non avérée, la pénalité est fixée dans la limite de deux fois le plafond mensuel de la sécurité sociale.

La branche vieillesse a ainsi prononcé 750 pénalités financières en 2015, pour un montant total de 400 000 euros.

Les avertissements concernent les cas de fraude de moindre gravité et de situation très difficile de l'allocataire.

Au sein de la branche famille, 100 % des fraudes détectées sont sanctionnées, même si 30 % le sont par de simples avertissements.

D'après les personnes que nous avons entendues, le taux de recouvrement du montant des fraudes détectées n'est pas un sujet aussi problématique qu'en matière de fraude aux cotisations sociales, sauf lorsque les fraudeurs identifiés sont à l'étranger et qu'il s'agit de pensions de faible montant. Les outils disponibles, comme les mesures conservatoires, récemment améliorés par le recours à l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), pourraient néanmoins être plus systématiquement utilisés par les caisses.

Quel bilan tirer de cette lutte contre la fraude ? Au cours des dix dernières années, elle s'est développée et ses résultats se sont améliorés. Il reste difficile d'évaluer s'ils sont à la hauteur des enjeux. Dans son rapport sur la certification des comptes des différentes branches, la Cour des comptes considère que c'est loin d'être le cas.

Pour la branche maladie, elle estime tout d'abord que « les principaux risques de fraude ne sont pas suffisamment analysés et que les programmes de contrôle ont une efficacité très limitée ». Elle considère que les règles de calcul de la CNAM tendent à surestimer le préjudice évité.

Elle note également que, « malgré le nombre élevé de programmes de lutte contre les activités frauduleuses et fautives, seul un nombre limité d'entre eux présentent des résultats significatifs ». Les établissements de santé sont insuffisamment contrôlés, tandis que le ciblage des contrôles sur les professionnels de santé laisse subsister des risques élevés de pratiques frauduleuses.

La Cour est à peine plus clémente à l'égard de la branche famille, pour laquelle elle note que « les résultats des actions de lutte contre la fraude traduisent une maîtrise encore insuffisante des risques de versement d'indus de prestations ».

Pour ce qui concerne la branche vieillesse, la Cour considère que « le dispositif de lutte contre les fraudes ne permet pas encore de couvrir de manière satisfaisante les risques inhérents », en raison notamment de la faiblesse des contrôles sur les pensions versées à l'étranger.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion