Intervention de Jean-Pierre Raffarin

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 24 mai 2017 à 9h30

Photo de Jean-Pierre RaffarinJean-Pierre Raffarin, président :

Je distingue trois sujets dans ce débat.

Concernant le service national, nous sommes d'accord sur la ligne directrice. Il faut bien expliquer aux Français que nos armées ont changé. Nos soldats sont aujourd'hui aussi des techniciens et des ingénieurs. Aujourd'hui, on fait la guerre avec un niveau de technologie exceptionnel. La qualité de nos équipes militaires est frappante, mais les Français croient que notre armée est toujours celle pour laquelle le service militaire avait un sens. Au-delà de la question de la cohésion sociale, il s'agit donc de travailler sur le visage de notre armée et de promouvoir l'évolution de la défense et sa place dans l'innovation.

Le deuxième sujet est l'Europe. Évitons de faire croire aux Français que la défense européenne est l'issue évidente de nos débats et que des progrès stratégiques interviendront dans ce domaine à très court terme ! Si nous ne faisons pas les efforts nécessaires, les autres ne les feront pas non plus. En outre, la souveraineté est au coeur de notre indépendance nationale et doit nous conduire à assumer nous-mêmes les grands sujets de notre défense.

En revanche, il faut avancer sur le plan industriel. C'est complexe, car même après le Brexit, nous restons liés par les traités de Lancester House, qui peuvent nous profiter mutuellement.

Nous devons aborder le sujet européen par les grands projets, sans pour autant laisser penser, par exemple, que le drone européen serait la solution unique. Je le dis d'autant plus librement que notre ministre chargée de la défense dispose d'une culture très européenne. Prenons garde à ce qu'un mythe européen ne nous éloigne pas des réalités et de nos responsabilités. Gérons cela à la manière chinoise, en ménageant le « yin » et le « yang » ! Le Président de la République a eu raison d'évoquer une implication européenne, et les Français sont prêts à y croire, mais nous devons nous garder de susciter des rêves démobilisateurs.

Concernant la politique étrangère et défense, nous devons inclure le mot « paix » dans nos stratégies. Les menaces sont réelles. Nous sortons d'une période où la guerre était impossible ; nous entrons dans une période où elle est de nouveau possible.

Or la défense ne porte pas en elle-même la paix, comme le montre la situation de l'Irak. Il faut donc aussi des solutions politiques. C'est la sagesse du Sénat que de lier les deux. La France a une occasion exceptionnelle de le faire, car un bon ministre de la défense est devenu ministre des affaires étrangères. Il a pu, par exemple, constater en Libye que, pour battre les Frères musulmans, il était possible de nouer des alliances avec ceux qui les combattaient déjà, comme les Égyptiens ou le général Haftar. Ce n'était pas une évidence pour nos diplomates. Nous devons donc bâtir l'idée selon laquelle les opérations militaires s'accompagnent de dialogue et de solutions politiques.

Dans la perspective de la paix, défense et diplomatie sont les étapes d'un même chemin. La diplomatie a besoin de la capacité d'intervention, laquelle - la Libye le montre bien - est impuissante sans solution politique. L'objectif de la France doit donc être de faire de notre indépendance nationale un acteur de paix dans le monde. Il ne s'agit pas de guerroyer dans le monde entier, mais de protéger les Français et de lutter contre les forces de déstabilisation. Notre stratégie, c'est l'indépendance pour la paix.

Dernier point, pour Cédric Perrin : nous évoquons 2 % dans le rapport parce que c'est un objectif mobilisateur et consensuel, mais nos chiffres sont bien inscrits en valeur absolue. Nous indiquons bien la somme de 39,5 milliards d'euros pour 2020. C'est pour cela que nous tirons la sonnette d'alarme aujourd'hui : si nous voulons faire un saut de 2 milliards d'euros par an à compter de 2018, nous devons être prêts dès 2017.

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