Intervention de Daniel Reiner

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 24 mai 2017 à 9h30

Photo de Daniel ReinerDaniel Reiner, corapporteur :

Je distingue également trois thèmes.

Le premier concerne les OPEX. Cette question a fait l'objet d'un rapport de notre commission, concluant que gagner la guerre ne signifiait pas gagner la paix. L'intervention militaire n'est qu'un élément de la résolution du conflit, laquelle est toujours politique. On fait la guerre quand on ne sait plus quoi faire, mais cela ne résout pas le problème. Je vous renvoie à ce travail, qui pose toutes les questions, sans apporter les réponses, évidemment.

Sans vision politique, il n'est pas possible de sortir de la crise. Nous sommes allés en Centrafrique, nous avons analysé l'opération Sangaris et nous avons compris pourquoi il fallait en sortir, mais nous mesurions parfaitement alors que la crise était là, qui couvait. Les Centrafricains nous disaient à quel point ils ne croyaient pas à l'efficacité des 12 000 hommes de la MINUSCA. Nous avons expliqué ce que l'on pouvait attendre de l'apport des forces de maintien de la paix et ce qu'il était illusoire d'en espérer. Nous attendions de l'Europe un effort en matière de développement et d'accompagnement politique, y compris sécuritaire, pour donner les moyens nécessaires à l'État. Cela n'a pas été le cas jusqu'à maintenant.

Fallait-il aller en Syrie et en Irak ? Je partage le sentiment de Jacques Legendre. Le livre blanc sur la défense définissait des périmètres d'intervention privilégiée et des zones où nous n'avons qu'un rôle limité à jouer. Notre périmètre d'élection comprend la Méditerranée et l'Afrique, mais beaucoup moins le Moyen-Orient. Nous y sommes intervenus parce que les attentats de Paris avaient été préparés là-bas. Nous avons seulement accompagné la coalition, et nous avons consacré peu de forces à l'opération Chammal. L'essentiel des efforts a porté sur Serval et Barkhane. Au Moyen-Orient, nous sommes seulement dans une coalition, et nous n'avons d'ailleurs pas hésité à en retirer notre porte-avions.

Concernant le service national, je partage les propos du Président Jean-Pierre Raffarin. J'ai vécu comme député la suppression du service militaire. J'ai parcouru récemment le rapport de Philippe Séguin sur cette question. Il se posait déjà les questions que nous nous posons aujourd'hui, et préconisait de mettre un terme à ce dispositif.

Aujourd'hui, la question qui nous est posée n'est pas militaire, mais sociale. Des dispositifs existent pour améliorer la citoyenneté en s'appuyant sur le domaine militaire : service militaire adapté outre-mer, service militaire volontaire, cadets de la défense... Ils s'adressent à des publics identifiés. La généralisation est une autre question. Prenons le temps de la réflexion en restant attentifs à ne pas pénaliser la défense et son budget.

L'Europe est un sujet important. Que peut-on attendre de la solidarité européenne ? Nous essayons de construire une base industrielle et technologique de défense (BITD) européenne depuis la création d'EADS en 1998. Nous avons obtenu des réussites, comme MBDA, mais aussi des échecs, sur les chantiers navals, par exemple, qui restent en concurrence. Si nous faisions un front commun européen, nous l'emporterions plus souvent, mais nous n'y sommes pas parvenus. Des efforts ont été réalisés en matière d'armement terrestre, avec le rapprochement réalisé entre Nexter Systems et Krauss-Maffei Wegmann ou la vente en cours de Renault Trucks.

L'exercice est long et difficile. Notre industrie d'armement est la plus puissante en Europe. C'est un atout à faire valoir, mais l'on nous accuse parfois de chercher à mettre à notre botte toute l'industrie européenne ! Nous avançons donc doucement.

N'oublions pas l'OTAN, car nous la France en est désormais pleinement membre. Bien sûr, c'est l'OTAN qui a empêché la création d'une Union européenne de la défense. La Commission européenne est toutefois de bonne volonté. Le Sénat a voté une résolution pour évoquer les perspectives financières de l'Union européenne en matière de recherche et de défense à partir de 2020. Elle a été reprise dans nos propres termes et a été très utile, j'en suis persuadé, à Michel Barnier, qui était en charge de ce dossier. Nous sommes donc entendus à Bruxelles.

Concernant les 2 %, en effet, les chiffres sont détaillés dans le rapport. Nous écrivons surtout ces lignes fondamentales : « Dans le contexte actuel, tant international qu'interne, l'enjeu pour notre pays n'est pas d'affecter au budget de la défense une part de richesse nationale abstraitement prédéterminée : il est de définir des moyens militaires, et donc un budget, qui répondent comme il convient aux besoins précis que commandent l'ensemble des menaces pesant sur notre sécurité et, à la fois, les ambitions stratégiques que la France entend assumer. En d'autres termes, il s'agit de donner à nos armées les moyens de leurs missions - ni plus ni moins. »

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