Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes pour la sixième fois saisis d’un texte tendant à proroger l’état d’urgence. Ce sera, nous a-t-on dit, la dernière fois : M. le Président de la République l’a annoncé, suivi par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, et vous venez à l’instant de le répéter, monsieur le ministre d’État.
Je souhaite tout de même rappeler que le Gouvernement, réuni en conseil des ministres par le Premier ministre, peut à tout moment réintroduire l’état d’urgence, ainsi qu’il l’avait fait dans la nuit au mois de novembre 2015, après les attentats du Bataclan.
Nous ne devons pas nous priver d’un tel outil, surtout après le bilan particulièrement flatteur que vous venez de dresser de sa mise en œuvre, monsieur le ministre d’État. En vous écoutant, je me demandais s’il était vraiment pertinent de le supprimer et s’il ne vaudrait pas mieux, au contraire, aller plus loin dans son utilisation.
Il me semble utile de dresser le bilan de ces vingt et un mois d’application de l’état d’urgence, soit la plus longue durée sous la Ve République. Je rappelle que l’état d’urgence n’avait pas été utilisé sous la IVe République, le gouvernement Edgar Faure étant tombé deux jours après l’adoption du texte et le gouvernement Guy Mollet, qui lui a succédé, ayant fait voter la loi sur les pouvoirs spéciaux, abrogée par la suite.
De ces presque deux années d’application de l’état d’urgence, je retiens tout d’abord une mobilisation des Françaises et des Français, de tous les services de police, de gendarmerie, de secours, de sapeurs-pompiers, ainsi que de tous les parlementaires, dont le concours n’a pas manqué au Gouvernement. Le pays est aujourd'hui mieux armé pour lutter contre le terrorisme, grâce à la mobilisation des esprits permise par l’état d’urgence.
Nous sommes allés plus loin. Alors même que le Parlement prorogeait l’état d’urgence, il adoptait de nombreux textes augmentant les pouvoirs de l’autorité administrative en matière de police administrative ou dotant l’autorité judiciaire de la possibilité de recourir à des technologies dont l’utilisation venait d’être accordée aux services de renseignement.
Je souhaite évoquer deux textes antérieurs à la mise en œuvre de l’état d’urgence, mais qui me semblent essentiels à l’action des services de police : la loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme et, surtout, la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement.
Si l’on peut aujourd'hui procéder différemment pour décider des assignations à résidence ou des perquisitions, c’est parce que ces textes ont autorisé l’utilisation de nouvelles technologies. J’aimerais également mentionner la loi du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs, la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale et la loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique.
L’arsenal législatif dont nous disposons désormais, en parallèle de l’état d’urgence, s’est constitué progressivement ; il dote l’autorité administrative de véritables moyens de lutte face au terrorisme.
Je souligne également que le contrôle de l’état d’urgence par le juge s’est profondément transformé. Comme souvent en France, la situation est quelque peu compliquée. Il y a des divergences d’interprétation de l’article 66 de la Constitution, selon que l’on se situe avant ou après 1999, avant ou après M. Schoettl…
C’est difficile, parce que vous-même, monsieur le ministre d’État, en citant l’article II de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, vous oubliez que le constituant de 1789 parle de « sûreté » au sens de l’Habeas corpus, et non au sens de sécurité…