Il convient de toujours garder ce point à l’esprit.
Le texte que nous examinerons dans une dizaine de jours prévoira plus de pouvoir pour l’autorité de police administrative, en même temps que plus de contrôle, ce qui est normal. Nous sommes tous d’accord, y compris le Gouvernement : la démocratie ne peut se défendre que par ses propres armes et non en utilisant celles de ses adversaires, sinon elle disparaît. C’est tout cela qui s’est passé pendant ces vingt et un mois.
Vous avez rappelé à juste titre, monsieur le ministre d’État, que l’état d’urgence avait permis de déjouer de nombreux attentats. N’aurait-il permis d’en déjouer qu’un seul, que cela suffirait ! Cette efficacité, nous la devons à l’ensemble de nos services de la police, de la gendarmerie, des douanes, des pompiers, qui se sont tous mobilisés pour la lutte antiterroriste.
Permettez-moi de revenir sur deux ou trois mesures, même si vous avez dressé un bilan très exhaustif, auquel je ne trouve rien à redire.
J’évoquerai tout d’abord les assignations à résidence et les perquisitions administratives. Ces dernières sont aujourd'hui plus ciblées et moins nombreuses. Elles sont bien organisées. Je dirai un mot de Paris, où il y a très peu de perquisitions administratives – trois, si je ne m’abuse. Si j’ai bien compris tout ce qui ne m’a pas été dit, il devrait y en avoir une autre dans quelques jours, pas très loin… Mais pourquoi y en a-t-il si peu à Paris et beaucoup plus sur le reste du territoire ?
Si l’on a doté l’État d’armes juridiques, on peut regretter que l’État n’ait pas fait l’effort de mieux s’organiser pour lutter contre le terrorisme. De nombreuses réformes juridiques ont accru les pouvoirs de l’autorité de police administrative, mais il n’y a pas eu de véritable réforme de l’organisation de l’État, visant à rendre ce dernier plus efficient.
Il convient de reconnaître la quasi-perfection de la préfecture de police de Paris, qui est un outil admirable et d’une efficacité rare ; je l’avais un peu étudiée lors de mes lointaines études de droit, grâce aux travaux sur la police administrative de M. Gleizal, professeur d’université et par ailleurs ancien collègue de parti de M. Collomb. Il est bien dommage que la totalité de notre pays ne bénéficie pas d’une organisation similaire à celle de la préfecture de police à Paris, laquelle dialogue avec le procureur de Paris et permet de judiciariser l’ensemble des procédures.
Je ne puis qu’inviter vos services, monsieur le ministre d’État, à réfléchir à une organisation de l’État dédiée tout entière à la lutte contre le terrorisme. Doit-on impliquer les préfets de région ou autres, je l’ignore, mais il faut a minima atteindre ce niveau pour parvenir à mettre sur pied une véritable autorité. Cela signifie également que votre collègue garde des sceaux doit prendre sa part de responsabilité dans cette réforme, pourquoi pas à travers les groupes d’intervention régionaux, les GIR.
En ce qui concerne les assignations à résidence, nous avons essayé d’introduire un contrôle du juge. Techniquement, ce n’était pas parfait, puisque nous avions prévu qu’en cas de renouvellement de l’assignation à résidence le juge des référés du Conseil d’État pouvait donner son autorisation.
Le Conseil d’État était très opposé à cette mesure. Or, comme tout cela n’était pas très bien rédigé – nous aurions mieux fait de faire figurer dans le texte à la fois le juge des référés et celui du tribunal administratif –, le Conseil constitutionnel, trop heureux d’avoir un motif d’annulation, a refusé le dispositif au motif qu’il empêchait le double degré de juridiction.
En conséquence, après un an, on ne peut pratiquement plus prévoir d’augmenter la durée de l’assignation à résidence, puisqu’il faut prouver qu’il existe un moyen nouveau ou des circonstances nouvelles attestant que la personne continue à constituer un danger grave. Bien sûr, c’est impossible !
Le tribunal de Lille vient de prendre une décision sur ce point, qui a été confirmée par le juge des référés du Conseil d’État. Nous savons tous que même s’il y a un moyen nouveau, il doit être tenu caché pour préserver le secret de l’enquête et garantir son efficacité. La future loi que nous examinerons dans dix jours devra régler le problème des assignations à résidence, monsieur le ministre d’État. C’est la raison pour laquelle j’ai affronté ce matin les embouteillages pour venir insister auprès de vous sur ce point. Il y va de l’efficacité de l’action de l’État.
Je ne m’étendrai pas longuement sur les autres mesures du texte. Nous avons accepté en commission un amendement du Gouvernement visant à traduire une décision du Conseil constitutionnel relative aux interdictions de séjour, la haute juridiction estimant que la loi actuellement en vigueur ne prévoyait pas suffisamment de conditions et de contrôles en la matière.
Mes chers collègues, sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois vous propose d’adopter cette sixième prorogation de l’État d’urgence, sachant que c’est la dernière fois qu’il s’agit de le prolonger. Néanmoins, ce n’est pas la dernière fois que nous abordons les questions de lutte contre le terrorisme ; nous y reviendrons dès la semaine prochaine. J’espère que, alors, l’actualité sera la plus calme possible.
Qu’il me soit permis pour finir de remercier une nouvelle fois tous ceux qui travaillent à la paix civile !