Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, pour la sixième fois depuis le 20 novembre 2015, nous voici réunis afin d’examiner une demande de prorogation de l’état d’urgence.
La dernière fois que nous avons évoqué cette question dans l’hémicycle, c’était en décembre dernier. Depuis cette date, nous avons de nouveau été frappés par le terrorisme. Récemment, à deux reprises et en plein cœur de Paris, des policiers ont encore été pris pour cible par des individus armés. Xavier Jugelé l’a payé de sa vie. Nos voisins européens n’ont pas été épargnés : Berlin, Londres, Manchester, Saint-Pétersbourg ou encore Stockholm ont récemment été victimes de cette barbarie.
Malgré tout, cette nouvelle prolongation pourrait légitimement susciter des interrogations. Chacun sait ici qu’au cours des derniers mois nous avons déjà modifié un certain nombre de dispositions de droit commun renforçant sensiblement les moyens de la lutte antiterroriste afin de préparer une sortie de l’état d’urgence.
Cette perspective de sortie est d’ailleurs évoquée par le Conseil d’État dans chacun des avis qu’il a rendus depuis la première prorogation. Comme le Conseil, plusieurs d’entre nous ont remarqué, à juste titre, que l’état d’urgence n’avait pas vocation à être prolongé indéfiniment. Nous devons conserver à l’esprit cet impératif.
Mais la question la plus fondamentale, qui doit rester notre préoccupation immédiate, est la sécurité de nos concitoyens : l’état d’urgence est-il toujours justifié, étant donné le niveau de menace pesant sur le France ? Les moyens donnés par l’état d’urgence sont-ils toujours indispensables ?
Notre groupe, dans son ensemble, est convenu que la prévention mais aussi la résilience face au terrorisme sont plus que jamais d’actualité. Au regard de la persistance durable de la menace terroriste à un niveau très élevé sur notre territoire, la prolongation de l’état d’urgence s’avère être nécessaire. Mais cette sixième prorogation doit être la dernière. Le Président de la République l’a solennellement annoncé à Versailles ; nous espérons que cet engagement pourra être et sera tenu.
Des éléments figurant dans l’exposé des motifs du projet de loi que nous examinerons cet été nous incitent à le penser. Plusieurs mesures permanentes prévues dans ce texte renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme visent ainsi à prévenir de manière plus efficace les actes de terrorisme et devraient permettre – nous l’espérons très fort – « une sortie maîtrisée de l’état d’urgence ».
Par ailleurs, ce projet de loi est utile : il nous offre la possibilité de tirer les conséquences de la décision QPC du 9 juin 2017 du Conseil constitutionnel, par laquelle ce dernier a déclaré contraires à la Constitution les dispositions relatives à l’interdiction de séjour de la loi de 1955.
L’amendement du Gouvernement, adopté en commission, vise à rétablir la possibilité pour les préfets de prendre des mesures d’interdiction de séjour en respectant les prescriptions du Conseil constitutionnel. Sans cette modification, l’interdiction de séjour dans le cadre de l’état d’urgence aurait été abrogée le 15 juillet 2017, ce que nous ne pouvions bien évidemment nous permettre.
Je tiens à saluer le travail et l’implication de notre collègue Michel Mercier sur ce dossier. Cela fait presque deux ans maintenant que son analyse et sa parfaite connaissance du sujet nous permettent de voter de manière éclairée – du moins nous l’espérons fort.
Nous devons à nos concitoyens un discours de vérité : non, l’état d’urgence ne permet pas d’éviter les attentats et nous en avons eu la terrible démonstration au cours de ces derniers mois.
Non, l’état d’urgence n’est pas suffisant pour faire face à cette menace sans précédent. Pour autant, il demeure aujourd’hui absolument nécessaire. Cela ne doit pas nous faire perdre de vue que la voie judiciaire est l’outil premier et incontournable de la lutte antiterroriste et que, très vite, c’est dans un système hors urgence, pérenne, que notre pays devra s’inscrire et s’adapter à la menace.
Nous ne gagnerons la guerre contre le terrorisme qu’en réformant la justice, en préservant et en respectant les libertés individuelles, et donc aussi, comme l’a souligné hier le Président de la République, les juridictions de l’ordre judiciaire.
Nous ne gagnerons la guerre contre le terrorisme qu’en poursuivant et en accroissant au niveau européen, comme le fait déjà avec force Eurojust, une coordination étroite de nos systèmes d’information.
Vous l’aurez compris, monsieur le ministre d’État, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe Union Centriste votera la prorogation de l’état d’urgence, cadre encore indispensable pour lutter contre la menace terroriste qui pèse sur notre pays.