C'est toujours avec beaucoup d’attention que j’écoute les propos de Michel Mercier. Je sais par expérience que nous aboutissons toujours à faire converger les points de vue. Nous le ferons sur ce texte comme sur d’autres.
Lorsqu’on est ministre de l’intérieur, il y a un avant et un après. Vient le moment où l’on commence à connaître et à mesurer l’importance de la menace. Je crois qu’aujourd'hui elle est grande. On prend alors conscience qu’il faut effectivement faire évoluer les choses, ne pas être dans l’état d’urgence permanent. Cependant, dans le même temps, nos services doivent avoir les moyens de mener à bien leurs missions ; sinon, c'est la vie de nos concitoyens que nous exposerions.
Je l’ai dit dans mon intervention liminaire, nous avons évité depuis le 1er janvier dernier un certain nombre d’attentats. Je le rappelle, la tentative d’attentat sur les Champs-Élysées aurait pu faire de nombreuses victimes parmi les gendarmes présents ce jour-là. J’en suis certain, si cet attentat avait malheureusement eu lieu, nous n’aurions pas le même type de discussion que celle que nous avons aujourd'hui.
Vous avez relevé les dispositions déjà prises, en particulier par le Sénat. Je n’ai jamais été de ceux qui pensaient qu’il y avait un « avant » et un « après » qui changeait radicalement. Le Premier ministre l’a indiqué dans la déclaration de politique générale que je vous ai lue cet après-midi, il y a une continuité de notre République et de ses expériences. Chaque étape constitue un progrès. Il est vrai que le Sénat a été, sur ces problématiques, particulièrement à l’œuvre, en apportant de la matière à la réflexion du Gouvernement. Je ne doute pas qu’il continuera à le faire demain.
Néanmoins, notre réflexion doit intervenir davantage en amont. Vous l’avez dit, il est toujours possible de rétablir l’état d’urgence. La dernière fois que nous l’avons fait, c’était après les attentats. Chaque soir, j’ai peur d’être réveillé pendant la nuit, car je sais combien la menace est importante. Celui qui lit un certain nombre de fiches s’aperçoit que le danger est très grand.
J’écoutais Mme Assassi évoquer « l’urgence sociale ». Je suis d’accord, cette urgence sociale existe. La situation dans notre pays est extrêmement dégradée, ce qui fournit peut-être un soubassement à des dérives particulières. Nous devons traiter ces problèmes de fond. En tant que futur ex-maire de Lyon, j’estime que les problèmes ne se résolvent pas simplement par des mesures de sécurité : il faut aussi changer l’environnement. Mais si l’on a échoué à changer cet environnement, la sécurité s’impose alors.
Je me suis déplacé dans certaines communes de la première couronne de l’agglomération parisienne. J’y ai constaté le caractère dégradé des conditions de sécurité. Pour ma première visite en tant que ministre de l’intérieur, juste après la passation de pouvoirs, je me suis rendu dans une commune où un individu en avait tué un autre à la kalachnikov. J’ai vu comment les choses avaient pu s’enchaîner : misère sociale, trafic de stupéfiants, embrigadement. Dans ce cercle infernal, grand banditisme et terrorisme peuvent se mélanger.
C'est la raison pour laquelle nous vous proposons aujourd'hui de proroger l’état d’urgence. Demain, la commission des lois examinera le projet de loi dans lequel nous avons essayé de permettre à nos forces de sécurité de continuer leur action, mais avec de grandes précautions.