… mais parce que le bicamérisme prend plus encore son sens aujourd’hui qu’hier.
D’un côté, nous avons une Assemblée nationale profondément renouvelée. Ce renouvellement était nécessaire. Il était voulu par les Français. Il a été démocratique, clair. Il est une chance pour notre pays.
De l’autre côté, nous avons un Sénat où siègent « des élus élus par des élus », des élus qui connaissent mieux que personne la réalité des territoires de la République et qui incarnent une expérience des territoires et du processus législatif.
Le Sénat a renoncé depuis longtemps aux clivages artificiels. On y pratique le sens du consensus et du compromis. On y aime la discussion, le dialogue. On sait y marier les bonnes volontés.
Le Sénat, de ce point de vue, a probablement largement anticipé la logique que nous connaissons aujourd’hui.
Cette expérience, nous en aurons besoin pour préparer les réformes constitutionnelles dont le Président de la République a dessiné les contours avant-hier, devant le Parlement réuni en Congrès.
Réduction d’un tiers du nombre de parlementaires, limitation à trois du nombre de mandats successifs, suppression de la Cour de justice de la République, refonte du Conseil économique, social et environnemental, évolution du travail parlementaire pour le rendre plus efficace et, quand cela est nécessaire, plus rapide : ces réformes seront d’une ampleur dont je ne sais si elle est inédite, mais qui, à l’évidence, sera considérable.
Le Sénat, sous l’impulsion de son président Gérard Larcher, a pris les devants. Le 11 mars 2015, votre conférence des présidents a adopté 46 mesures qui ont conduit à une modification du règlement du Sénat le 13 mai 2015 et qui ont en particulier valorisé le travail en commission.
Cette expérience, vous aurez l’occasion de la faire valoir par l’intermédiaire de votre président dans le cadre de la réflexion qui s’engage avec le président de l’Assemblée nationale, le ministre d’État, ministre de l’intérieur, et la garde des sceaux. J’y serai pour ma part très attentif.
Elle nous montre une chose importante, que vous-mêmes en tant que législateurs avez en tête, à savoir que tout ne passe pas par la norme constitutionnelle ni même par la loi. En effet, à Constitution identique, les méthodes de travail peuvent être différentes. Pour régler les problèmes, il faut donc s’inspirer non pas simplement des modifications de normes, mais aussi des usages et des règles qu’adoptent les assemblées et qui fonctionnent bien.
Le second sujet que je voulais aborder avec vous concerne l’organisation territoriale de notre pays.
Je l’ai dit hier devant l’Assemblée nationale : les jardins à la française ont leur charme, mais ils se prêtent assez peu au foisonnement d’initiatives dont le pays a besoin et auquel les collectivités sont prêtes.
Nous voulons que les collectivités locales soient fortes et libres : libres de s’organiser en développant des communes nouvelles ou des regroupements de départements à condition, bien sûr, que ces fusions ne soient pas contraires à l’intérêt général ; libres d’exercer de nouvelles compétences ; libres aussi de mieux se les répartir au moyen, par exemple, du mandat de délégation ; enfin, libres d’expérimenter non seulement de nouvelles organisations et de nouvelles compétences, mais aussi de nouvelles règles d’exercice de ces compétences dans le cadre d’un élargissement du pouvoir réglementaire local.
Liberté et confiance, tels sont les deux fondements de la décentralisation d’aujourd’hui.
Une décentralisation qui ne se décrète plus depuis Paris, mais qui s’expérimente, se teste et s’adapte.
Il ne faut plus décider pour les autres – même si cela peut arriver –, il faut dans toute la mesure possible inciter !
Incitons les territoires à adapter localement leur organisation pour tendre partout où cela sera possible vers deux niveaux d’administration locale en dessous du niveau régional. Ce ne sera pas le même schéma partout. Essayons de susciter parmi les collectivités, leurs élus, les discussions qui nous permettraient, le cas échéant, à tel endroit de privilégier tel ou tel interlocuteur, à tel endroit, et librement, de privilégier telle ou telle autre organisation.
Cette simplification répond à une exigence de bonne gestion. Elle répond aussi à une exigence de lisibilité : l’empilement actuel n’est pas toujours compris de nos concitoyens.
Bien évidemment, cette liberté s’accompagnera de solidarité.
Une solidarité qui s’exprime d’abord, au niveau de l’État, au travers de la création d’un ministère de la cohésion des territoires dont le titulaire est issu de vos rangs.
Cette solidarité s’exprimera aussi par de grands chantiers sectoriels.
Dans le domaine de la santé : j’ai demandé à la ministre de préparer pour le mois de septembre un plan de lutte contre les déserts médicaux. Je sais que le Sénat a beaucoup travaillé sur ce sujet crucial pour l’égalité entre nos territoires. Ce plan sera construit dans le dialogue avec les élus locaux et les professionnels de santé pour trouver des solutions adaptées à chacun des territoires.
Ce sera long car, à l’évidence, il n’y a pas simplement un problème de répartition immédiate sur le territoire. Il n’est pas possible d’imposer depuis Paris une répartition brutale et immédiate des professionnels de santé sur l’ensemble du territoire. Grâce à une meilleure organisation et de meilleures relations avec ceux qui défendent les intérêts des professions médicales, nous pouvons cependant faire en sorte d’améliorer cette répartition et de créer des mécanismes incitatifs pour que, au fur et à mesure de notre action, la question, terrible pour nos concitoyens, des déserts médicaux, qui ne se réduisent plus aujourd'hui à quelques territoires et deviennent presque la norme, puisse être résolue dans les meilleures conditions.