Monsieur le président, mes chers collègues, le travail au long cours dans lequel nous nous sommes lancées, mes corapporteures et moi-même, s'inscrit dans la suite des précédents travaux de contrôle effectués par notre commission. La question des UHSA a été abordée une première fois en 2010 dans un rapport conjoint avec la commission des lois, pour lequel nos rapporteurs étaient Christiane Demontès et Gilbert Barbier puis, en 2012, dans le rapport du président Milon sur la prise en charge psychiatrique des personnes atteintes de troubles mentaux.
Nous avons considéré, avec le président, que le moment était venu de nous pencher à nouveau sur cette question. En effet, les UHSA sont un dispositif très spécifique destiné à apporter une réponse à un problème grave : la prise en charge psychiatrique des personnes détenues.
Elles ont été créées par la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, dite loi Perben I, qui a inscrit dans le code de la santé publique la disposition suivante : « L'hospitalisation, avec ou sans son consentement, d'une personne détenue atteinte de troubles mentaux est réalisée dans un établissement de santé, au sein d'une unité spécialement aménagée ».
Ce dispositif a depuis été précisé, en dernier lieu par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé. Nous avons visité trois des huit UHSA actuellement en fonctionnement, celle du Vinatier à Lyon, la première UHSA, inaugurée en 2010, celle de Fresnes rattachée au centre hospitalier Paul Guiraud, ouverte en 2013 et, peu avant la suspension des travaux en séance publique, celle de l'hôpital Gérard Marchant à Toulouse, la deuxième UHSA, qui a ouvert ses portes en 2012. Je précise que l'UHSA de Lyon porte le nom de Simone Veil...
Le principe fondamental concernant les soins en prison est que les personnes détenues doivent bénéficier, dans toute la mesure du possible, des prises en charge accessibles à l'ensemble de la population.
Ainsi, depuis 1994, l'organisation des soins dans les établissements pénitentiaires ne dépend plus du ministère de la justice mais de celui de la santé, qui affecte aux unités de soins en prison des personnels hospitaliers et contractuels.
Historiquement, deux niveaux de structure existent pour la prise en charge des soins somatiques et psychiatriques.
Le premier est constitué par les unités de consultations et de soins ambulatoires (UCSA) situées au sein de chaque établissement. Il y en a 179. Elles ont vocation à prendre en charge les soins ambulatoires tant pour ce qui concerne la santé physique que mentale.
Le deuxième niveau de prise en charge est spécifique à la santé mentale. Il est constitué de 26 services médicaux psychologiques régionaux (SMPR) qui doivent proposer des consultations psychiatriques spécialisées voire une hospitalisation de jour.
En mettant en place ces structures, on espérait couvrir les besoins en santé physique et mentale de la population détenue. Force est cependant de constater que ces moyens sont parfois insuffisants, sans parler du fait que la santé physique et mentale des personnes détenues est beaucoup plus dégradée que celles de la population générale.
De nombreuses études de prévalence ont été menées au début des années 2000, au moment où la question de la « dangerosité » agitait le débat public.
Il en ressort que la prévalence des maladies mentales en prison est particulièrement importante, soit que l'on incarcère des personnes atteintes de troubles mentaux -nous y reviendrons plus tard- soit que la prison soit elle-même pathogène. Les deux explications se cumulent.
Le dispositif d'accès aux soins des détenus prévoit que, si une consultation spécialisée est nécessaire et qu'elle ne peut être organisée au sein de l'UCSA, elle doit l'être dans le centre hospitalier dont dépend la prison. Mais, en pratique, il est souvent difficile d'organiser la sortie, on parle d'extraction, d'une personne détenue pour une consultation de spécialistes ou une hospitalisation.
Cette difficulté tient au fait que toute sortie d'un détenu se fait sous escorte. Du fait des difficultés de coordination avec la gendarmerie, celles-ci sont désormais uniquement assurées par les surveillants pénitentiaires. Or ils sont peu nombreux -nous avons pu nous-mêmes le constater- et les moyens de transports dont ils disposent varient d'un département à l'autre.
Concrètement, il est donc difficile de mobiliser les moyens pour qu'un détenu puisse se rendre à une consultation à l'hôpital, d'autant plus que la demande doit correspondre aux capacités d'organisation des services hospitaliers. Tant qu'un détenu est à l'hôpital, il doit se trouver sous surveillance de l'administration pénitentiaire ou être dans un local sécurisé.
Ceci aboutit à ce que la contrainte de surveillance prime sur les besoins en matière de soins, particulièrement pour ce qui relève de la psychiatrie. Les détenus nécessitant une hospitalisation en établissement psychiatrique se trouvaient parfois placés d'office dans les chambres d'isolement ou orientés vers les unités pour malades difficiles, quelle que soit la pathologie dont ils souffraient, et même si cette forme de prise en charge s'avérait inappropriée, voire contre-productive.