Intervention de Laurence Cohen

Commission des affaires sociales — Réunion du 5 juillet 2017 à 9h30
Unités hospitalières spécialement aménagées uhsa — Présentation du rapport d'information

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen, rapporteure :

Plusieurs difficultés demeurent néanmoins, dont certaines sont propres aux UHSA, tandis que d'autres sont le reflet des difficultés de notre système pénitentiaire dans son ensemble.

Les UHSA sont par nature des structures particulièrement coûteuses sur le plan de la psychiatrie et de la santé mentale, ainsi que l'a relevé la Cour des comptes dans son rapport de 2011.

Outre l'investissement immobilier très lourd, puisqu'il s'agit de construire à neuf un service hospitalier et une enceinte de prison, les frais de personnel sont difficiles à assumer, particulièrement du côté de l'administration pénitentiaire, qui a vu le nombre de gardiens diminuer dans le cadre de la RGPP.

De plus, les moyens de l'administration pénitentiaire sont très variables localement.

Dans certaines régions, l'administration pénitentiaire a eu recours, pour les transports de détenus qu'elle doit assurer, à des contrats de partenariat public-privé qui s'avèrent très insatisfaisants. Les représentants de l'administration ont insisté sur ce point à Lyon : malgré un coût important, il n'y a pas suffisamment de chauffeurs et de véhicules pour assurer le transport des détenus de toute une région vers et depuis l'UHSA.

Surtout la population des UHSA est par nature difficile. Elle est composée d'une majorité de criminels condamnés pour des crimes de sang. La nécessité pour les personnels soignants d'appeler en renfort les gardiens de prison varie fortement d'un établissement à l'autre mais, à Toulouse notamment, le rapport annuel de l'UHSA constate depuis deux ans une augmentation de l'insécurité au sein des unités de soins.

Plus largement, les critiques adressées aux UHSA rejoignent celles relatives à notre système pénitentiaire en général et, plus spécifiquement, à l'incarcération des personnes atteintes de troubles mentaux. C'est sur un fond de polémique que les UHSA ont été créées, polémique nourrie par une déclaration du Président de la République de l'époque, qui avait parlé d'« hôpital-prison ».

On a pu craindre que ces unités servent à cautionner l'enfermement des personnes malades dans une optique de protection de la société peu compatible, vous en conviendrez, avec le respect des droits individuels. L'équipe médicale de l'UHSA du Vinatier nous a expliqué le long travail de discussion en son sein et auprès des autres psychiatres pour fonder et expliquer leur projet thérapeutique.

L'équipe accueille certains patients qui viennent d'être incarcérés et qui sont en attente que la justice statue sur leur responsabilité pénale. Le but n'est pas de permettre de les garder en prison mais de poser le diagnostic le plus exact, et de mettre en place le plus rapidement possible la prise en charge.

De même, pour les personnes condamnées, il ne s'agit pas de permettre leur maintien en prison, mais bien de leur apporter les soins qu'elles nécessitent dans les meilleures conditions.

Nous nous sommes néanmoins interrogées lors de notre visite sur le fait de savoir si parfois, quand l'équipe n'a pas mis en place une prise en charge séquencée destinée à accompagner la progression des malades, ceux-ci ne se trouvent pas soumis à une « camisole chimique » qui rend leur état compatible avec le retour en prison « ordinaire ».

De fait, plusieurs types de patients pris en charge au sein des UHSA amènent les équipes à s'interroger sur la meilleure démarche à suivre et sur la cohérence d'ensemble du système. Leur présence en prison apparaît effectivement comme contestable. Il y a ceux qui sont trop malades pour que l'incarcération ait un véritable sens pour eux, mais qui ont été reconnus responsables de leurs actes. Ceux-là tendent à occuper durablement les lits des structures où ils sont transférés.

À Toulouse, on nous a indiqué que l'unité venait de transférer vers une unité pour malades dangereux, afin de lui faire subir un traitement par électroconvulsivothérapie, un patient qui se trouvait au sein de l'UHSA depuis son ouverture, soit cinq ans.

Ces durées d'hospitalisation hors norme se reproduisent pour quelques cas dans chaque UHSA. Elles nous imposent de prendre avec circonspection les statistiques relatives à la durée moyenne d'hospitalisation, mais surtout nous conduisent à nous interroger sur le sens qu'il y a à mettre en prison, plutôt que directement à l'hôpital, quelqu'un qui a besoin à l'évidence de soins lourds.

À l'UHSA de l'hôpital Paul Guiraud, on nous a particulièrement signalé le cas de jeunes pour lesquels le passage à l'acte est le premier signe de leur pathologie mentale, et ceux incarcérés pour un acte délictuel et dont on découvre à cette occasion qu'ils souffrent d'une pathologie mentale lourde.

Ce phénomène est parfois amplifié pour les jeunes migrants. Pour eux se pose la question de l'articulation des soins dans et hors prison.

Parmi les patients atteints de pathologies mentales, plusieurs supportent mal l'incarcération en milieu ordinaire où ils sont victimes de violences du fait de leur inadaptation. La tentation peut donc être de garder ces malades en hospitalisation pour les protéger. Ici encore, la question de l'adaptation des moyens aux fins doit être posée.

Un dernier type de patients doit également être mentionné, ceux dont la pathologie, notamment dépressive, se chronicise du fait de la prison.

Or les magistrats ont tendance à prévoir une incarcération en UHSA pour s'assurer qu'une personne sera soignée. De même, l'administration pénitentiaire a parfois tendance à psychiatriser tous les comportements difficiles. Les équipes du Vinatier nous ont ainsi indiqué qu'après avoir tenté d'orienter vers l'UHSA les délinquants sexuels, on avait tenté de leur faire prendre en charge la radicalisation, ce pourquoi ils ne sont pas formés.

Par ailleurs, le nombre de détenus pour lesquels des consultations doivent être organisées dans les centres hospitaliers spécialisés en psychiatrie reste très élevé, ce qui indique que les UHSA ne suffisent pas à répondre aux besoins. L'UHSA de l'Hôpital Paul Guiraud est ainsi notoirement insuffisante avec ses soixante places pour répondre aux besoins des 13 000 détenus d'Ile-de-France.

Le manque de places entraine des difficultés dans l'organisation des soins. La contrôleure générale des lieux de privation de liberté a ainsi dénoncé lors de son audition le fait que des mineurs soient pris en charge avec des majeurs au sein des unités, d'autant qu'elles ne disposent pas de personnels spécialisés pour les prendre en charge.

La première vague de construction des UHSA s'est avérée particulièrement lente et la deuxième vague n'a pas été engagée. En effet, le programme aurait du^ s'étaler entre 2008 et 2011, mais sur les neuf unités de la première tranche, qui comporte 440 lits, trois unités ont ouvert entre 2010 et 2012, quatre seulement en 2013 et une en 2015. Celle de Marseille vient tout juste d'ouvrir.

La deuxième vague devrait apporter 300 places supplémentaires et voir notamment la création de trois établissements dans les outre-mer.

Faut-il l'engager ? Oui, nous le pensons toutes les trois, mais sous certaines conditions : poursuivre le travail de coordination entre les UHSA pour permettre d'identifier leurs problèmes communs et de définir les meilleures pratiques, prévoir de présenter les missions et le fonctionnement des UHSA aux magistrats dès leur formation et organiser des contacts plus fréquents entre eux et les équipes des UHSA afin qu'ils connaissent leur rôle exact.

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