Intervention de Nicole Belloubet

Réunion du 10 juillet 2017 à 16h00
Rétablissement de la confiance dans l'action publique — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi et d'un projet de loi organique dans les textes de la commission

Nicole Belloubet :

Vous devez pouvoir légiférer et contrôler l’action du Gouvernement en toute indépendance, sans subir en aucune manière le jeu des puissances ou des lobbies. Je sais combien vous êtes attachés à cette indépendance.

Les mesures applicables aux membres du Sénat et de l’Assemblée nationale sont donc au cœur des projets de loi et de loi organique. Elles ont été conçues – je le répète, parce que c’est important – dans le respect de la séparation des pouvoirs et de l’autonomie des assemblées, qui en découle.

Un renvoi au règlement des assemblées pour la mise en œuvre des dispositions a ainsi été prévu chaque fois que nécessaire, dans la limite du champ de compétence défini par le Conseil constitutionnel, à savoir l’organisation ou le fonctionnement des assemblées, la procédure législative et le contrôle de l’action du Gouvernement.

Votre commission a parfois adapté les dispositifs en prévoyant la compétence du bureau du Sénat ; le Gouvernement comprend les raisons qui peuvent dicter ce choix. Je précise en outre que, chaque fois que cela se justifiait, les mesures applicables aux parlementaires nationaux ont été étendues aux représentants français au Parlement européen.

Quatre aspects de l’exercice du mandat parlementaire sont traités : l’inéligibilité et l’incompatibilité, les conflits d’intérêts, l’indemnité représentative de frais de mandat, l’IRFM, et la réserve parlementaire.

Tout d'abord, de nouveaux cas d’inéligibilité et d’incompatibilité sont créés.

En premier lieu, les parlementaires dans l’incapacité de justifier qu’ils ont satisfait à leurs obligations fiscales ne pourront plus rester en fonction. Saisi par le bureau de l’assemblée, le Conseil constitutionnel pourra prononcer la démission d’office du parlementaire.

En second lieu, les incompatibilités relatives à l’activité de conseil sont renforcées et étendues. À l’heure actuelle, seule l’impossibilité pour un parlementaire de commencer, pendant son mandat, une activité de conseil existe. Cette interdiction ne s’applique d’ailleurs pas aux professions libérales réglementées, comme la profession d’avocat.

Cette disposition est apparue très insuffisante en raison des risques de conflits d’intérêts liés à ce type d’activité. Ce dispositif est donc complété selon trois axes complémentaires.

Tout d’abord, un parlementaire ne pourra commencer à exercer de telles activités pendant son mandat et devra cesser celles qui ont débuté au cours des douze mois précédant le début de son mandat. La dérogation qui s’applique pour les professions réglementées est par ailleurs supprimée.

Ensuite, les fonctions de direction exercées dans une société de conseil sont désormais prises en compte.

Enfin, le contrôle par un parlementaire d’une société de conseil est également visé. En effet, un parlementaire qui détient une société de conseil peut être influencé par les intérêts de ses clients, comme s’il en était le dirigeant. Actuellement, le code électoral ne prévoit rien ; le projet de loi y remédie.

Le dispositif proposé par le Gouvernement en matière d’encadrement des activités de conseil assure une conciliation entre les objectifs d’intérêt général visés par le texte, tels que l’indépendance des élus ou la prévention des risques de conflits d’intérêts, et d’autres droits et libertés constitutionnellement garantis, en particulier la liberté d’entreprendre reconnue au parlementaire comme à tout citoyen. Les dispositions prévues devraient permettre d’éviter les écueils constitutionnels mis en évidence par la décision du Conseil constitutionnel du 9 octobre 2013, qui avait censuré une interdiction trop générale.

Deuxième aspect, ces nouvelles règles sont complétées par des dispositions renforçant la prévention des conflits d’intérêts.

Le choix assumé du Gouvernement est de retenir une définition de la notion de conflit d’intérêts moins englobante que celle qui figure dans les lois du 11 octobre 2013 et du 20 avril 2016. Ce choix est justifié par le souci de ne pas mettre les parlementaires exerçant d’autres responsabilités, notamment électives, les conduisant à assumer un autre intérêt public, par exemple local, dans l’impossibilité récurrente de participer aux travaux du Parlement.

Il reviendra à chaque assemblée de préciser les règles internes de prévention et de traitement de ces situations de conflits d’intérêts.

Troisième aspect, dans un souci de transparence concernant les frais engagés par les parlementaires dans l’exercice de leur mandat, le projet du Gouvernement a prévu que l’indemnité représentative de frais de mandat, l’IRFM, soit remplacée par un remboursement de ces frais, sur une base réelle et sur présentation de justificatifs.

La commission des lois a adopté un nouveau dispositif dont nous débattrons, le Gouvernement étant attaché à quelques principes simples et lisibles sur ce sujet : il appartient aux assemblées de définir les conditions et les plafonds de remboursement des frais de mandats ; les frais doivent naturellement être réellement exposés et faire l’objet de justificatifs ; ils doivent faire l’objet de remboursements et non d’une indemnisation a priori. Nous débattrons au cours des prochains jours de ces sujets.

Enfin, quatrième aspect, le projet de loi organique met fin à la pratique de la « réserve parlementaire », pratique contestée et qui répond à une logique contraire à l’article 40 de la Constitution, …

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