Intervention de Pierre-Yves Collombat

Réunion du 10 juillet 2017 à 16h00
Rétablissement de la confiance dans l'action publique — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi et d'un projet de loi organique dans les textes de la commission

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, qu’il soit urgent de se préoccuper de la défiance des Français envers les institutions et le personnel politique est une évidence.

Nul besoin de sondages, d’ailleurs dénués de toute rigueur scientifique, pour s’en convaincre. Il suffit de regarder les résultats des dernières élections : Emmanuel Macron aura été élu par seulement 43, 6 % des électeurs inscrits, l’abstention et les votes blancs ou nuls atteignant, quant à eux, 34 % des inscrits.

Le désintérêt pour les législatives a été encore plus grand : au second tour, l’abstention, plus les blancs et nuls, atteignaient 62, 3 % du jamais vu pour une consultation de cette importance. Ce qui signifie donc que 32, 8 % seulement des électeurs inscrits ont choisi leur candidat, soit un score moyen de l’ordre de 20 % pour les heureux élus. Merveilleux système qui transforme une poignée d’électeurs en majorité écrasante !

Et l’on voudrait nous faire croire que c’est avec des projets de loi tels que ceux que nous examinons aujourd’hui que l’on renforcera « le lien qui existe entre les citoyens et leurs représentants », que l’on affermira « les fondements du contrat social ». Les comportements indélicats, parfois clairement délictueux, d’un certain nombre d’élus ou d’administrateurs, s’ils n’arrangent évidemment pas les choses, ne sont pas l’explication fondamentale de la décrédibilisation de l’action publique et de ses acteurs.

Comme la loi d’octobre 2013, née de la panique de l’Olympe face à « l’affaire Cahuzac », cette loi d’exorcisme n’a pas plus de chance de rétablir «la confiance dans l’action publique » que de mieux « réguler la vie publique ». Elle la compliquera seulement un peu plus.

Destinée à faire oublier « l’affaire Fillon » et celles qui l’ont suivie, touchant, cette fois, la nouvelle majorité, elle n’est pas une réponse à cette sécession civique. Et ce d’autant moins qu’elle n’a plus grand-chose à voir avec l’intention première de son initiateur, François Bayrou, qui, lui, voulait « lutter contre l’influence des intérêts industriels et financiers dans la vie politique ».

L’origine de cette sécession, sur fond de langueur économique depuis 2008, de crainte de déclassement pour les classes moyennes, ou de précarisation pour les plus exposés, c’est le verrouillage du système politique, le constat que changer la tête de l’État ne revenait qu’à perpétuer la même politique particulièrement efficace.

On comprend que ce système, dépourvu de perspectives, finisse par lasser et engendrer ce qui ressemble de plus en plus à des « émeutes électorales » aux effets imprévisibles.

Réservant l’analyse du détail des projets de loi pour l’examen des articles, vous me permettrez de revenir sur les raisons de cette sécession civique et sur la fonction des boucs émissaires en post-démocratie libérale.

Custine définissait le régime tsariste comme une « monarchie absolue, tempérée par l’assassinat ».

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion