Intervention de Vincent Capo-Canellas

Réunion du 10 juillet 2017 à 16h00
Rétablissement de la confiance dans l'action publique — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi et d'un projet de loi organique dans les textes de la commission

Photo de Vincent Capo-CanellasVincent Capo-Canellas :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, les deux projets de loi qui nous réunissent aujourd'hui ont pour principal objet de répondre à un engagement de campagne du Président de la République, inspiré à cet égard par François Bayrou : moraliser la vie publique.

C’est un sujet ancien, presque éternel. J’ai relu sur ce point Montesquieu : « C’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites », écrivait-il. On peut également lire, toujours dans L’Esprit des lois : « Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. »

Trouver la bonne limite, empêcher les abus, tels doivent être nos objectifs, sans pour autant en venir à un autre danger. En effet, cultiver l’antiparlementarisme, flatter la dénonciation gratuite des élus de la République serait tout aussi choquant.

Oui, la transparence à l’égard des citoyens, la probité des élus et l’exemplarité de leur comportement, constituent autant d’exigences démocratiques essentielles. Toutefois, vous l’avez rappelé, madame la garde des sceaux, la quasi-totalité des élus exercent leur mandat avec rigueur, abnégation et un grand sens du service public, et il faut le réaffirmer ici.

Certes, la campagne électorale de 2017 a été ce qu’elle fut. Sans doute aurait-elle pu être d’une qualité supérieure. Il n’en demeure pas moins que les « affaires », une fois de plus et toujours une fois de trop, ont obstrué le débat public. Cette situation n’est pas neuve. Ces dernières années, on ne compte plus les chroniques relatant les turpitudes de tel ministre en délicatesse avec ses déclarations d’impôts ou de tel autre aux prises avec des comptes à l’étranger.

Il ne tient qu’à nous, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, d’y mettre un terme. Rien ne serait pire qu’une énième loi de circonstance !

Au demeurant, le Président de la République nous a communiqué lundi dernier lors de la réunion du Congrès son souhait d’ouvrir le débat sur la modernisation de nos institutions, notamment du Parlement. Nous avons donc une double exigence à respecter : être collectivement à la hauteur du débat que nos concitoyens attendent de nous et engager le chantier de la rénovation de nos pratiques institutionnelles.

Pour y parvenir, nous devons, au travers de l’examen de ces deux projets de loi, nous poser quatre séries de questions, dont la réponse aura nécessairement une grande importance dans les mois à venir.

La première question a trait au statut des parlementaires de demain. Je dirai ensuite un mot des collaborateurs parlementaires, puis des moyens d’action du parlementaire, enfin du financement de la vie politique.

La loi de 2013 interdisant le cumul des mandats et le futur texte visant à limiter le cumul dans le temps bouleverseront la démographie de la vie politique nationale. Nous avons vu de nombreux collègues députés renoncer à se présenter à un nouveau mandat. L’accélération des parcours politiques pose la question du statut, dans le sens où elle impose une réflexion sur la formation du parlementaire, sa reconversion et, donc, la prévention des conflits d’intérêts pendant l’exercice de son mandat.

À cet égard, le mécanisme de déport prévu par le projet de loi ordinaire interpelle. Comment évaluer les critères en fonction desquels un médecin devenu parlementaire serait de facto empêché de siéger à la commission des affaires sociales, sauf à renoncer à son droit de vote ? Faut-il que les anciens avocats cessent de participer à la commission des lois ? Derrière l’aspect provocateur de la question, on comprend la nécessité, madame la garde des sceaux, de définir un juste équilibre permettant à nos institutions de profiter de l’expérience passée acquise par les uns et les autres, tout en luttant, bien évidemment, contre le conflit d’intérêts.

Au passage, j’ose une deuxième provocation et un rappel : le meilleur moyen de lutter contre le conflit d’intérêts est de garantir l’attractivité du mandat parlementaire.

Le sujet de l’indemnité, même s’il est toujours difficile à aborder publiquement, mérite d’être éclairé. L’indemnité parlementaire – législative, disait-on à l’époque – a été créée par le décret du 5 mars 1848 instituant le suffrage universel. Dans l’esprit des révolutionnaires de 1848, l’indemnité participait de l’abolition du cens, qui concernait aussi les conditions d’éligibilité.

Ici, je citerai l’un de nos illustres prédécesseurs sur ces bancs, Georges Clemenceau, sénateur du Var : « Sous la Restauration, vous l’avez déjà deviné, pas d’indemnité. Sous Louis-Philippe, pas d’indemnité. Régime censitaire. » Clemenceau affirmait ainsi le caractère démocratique de l’indemnité parlementaire, qui assure aux représentants du peuple leur indépendance face aux pressions de toutes sortes. Par les temps qui courent, il me semble bon de le rappeler !

L’attractivité du mandat, c’est aussi la considération portée au travail parlementaire, souvent discret, hors du champ des caméras ou des fils d’information.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion