Intervention de Vincent Capo-Canellas

Réunion du 10 juillet 2017 à 16h00
Rétablissement de la confiance dans l'action publique — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi et d'un projet de loi organique dans les textes de la commission

Photo de Vincent Capo-CanellasVincent Capo-Canellas :

Ce sont également les conditions de prise en charge des frais induits par l’exercice du mandat. Je salue, à cet égard, le travail de la commission des lois et de son rapporteur, qui a œuvré avec la précision et la prudence de l’horloger.

Plusieurs collègues auront des propositions à formuler pour nourrir un débat qui nous réunira à plusieurs reprises dans l’année qui vient. Je ne doute pas que nous parviendrons à définir d’ici à la révision constitutionnelle un équilibre satisfaisant sur lequel nous pourrons construire un Parlement avec, certes, moins d’élus, mais une efficacité qui n’en sera que plus grande.

Plus que du statut du parlementaire, ces deux textes posent frontalement la question du statut du collaborateur parlementaire. Personne n’en est dupe, ils trouvent leur origine dans l’article d’un hebdomadaire satirique bien connu daté du 26 janvier dernier.

Sans doute la pratique dite des « emplois familiaux » a-t-elle été montée en épingle. Combien d’emplois fictifs pour de vrais collaborateurs ? Très peu, évidemment, même si un seul serait déjà de trop. Ce texte conduira à la rupture de contrat de nombreux assistants de grande valeur, qui travaillent dans des conditions pour le moins assez frustes. Nous aurons des propositions à faire valoir au cours de ce débat pour sortir de cette situation avec humanité et dignité.

En deçà de ce problème, il apparaît que les dérives liées au détournement du crédit accordé pour la rémunération des collaborateurs procèdent de ce que ces derniers n’ont pas eu, pendant trop longtemps, d’existence textuelle avérée au-delà de leurs contrats.

À cet égard, les assemblées parlementaires ont effectué d’importants progrès ces dernières années. Le régime d’emploi des collaborateurs est désormais inscrit dans notre règlement. Bien évidemment, beaucoup reste à faire. C’est justement dans les interstices de cet édifice en construction que se nichent les voies de ceux, peu nombreux, qui abusent du système.

Les présents projets de loi ont le mérite de clarifier ce problème, bien qu’ils n’abordent pas la question dans sa globalité. Aussi prenons date, dès maintenant, pour engager le travail sur le parachèvement du statut de collaborateur parlementaire. Peut-être l’examen des amendements permettra-t-il d’avancer en la matière.

J’évoquerai brièvement la question des moyens d’action du parlementaire.

Le Parlement du non-cumul ne doit pas conduire à une fracture entre représentation nationale et action locale. Le mandat du parlementaire ne saurait être une mission purement juridique, textuelle et abstraite. L’action politique se nourrit du concret, donc de la relation à l’action locale. À cet égard, la suppression de la réserve parlementaire, certes compréhensible, peut susciter des interrogations.

En effet, la réserve demeure le seul moyen d’action locale propre au mandat parlementaire. J’entends par là le seul moyen concret, au-delà de l’influence et de la capacité que peut avoir un parlementaire à interpeller les pouvoirs publics sur les demandes des collectivités. Il est pourtant limité. La réserve représente en effet une somme de 146 millions d’euros, dont un peu moins de la moitié est dédiée aux collectivités territoriales.

Nous savons en outre que les finances locales, rigidifiées par la contribution au redressement des finances publiques, ne permettent pas à de nombreuses communes rurales, mais aussi urbaines, de réaliser des projets d’investissements importants tels que des travaux d’accessibilité, la réfection d’un monument ou l’équipement en défibrillateurs.

Je salue le travail réalisé par le rapporteur général de la commission des finances et par la commission des lois. Là encore, nous aurons un équilibre à définir en séance pour vous convaincre, madame la garde des sceaux, de sauvegarder un mécanisme de soutien à l’investissement local équilibré et dans lequel les parlementaires pourront jouer un rôle entier. La commission des lois a fait œuvre utile en la matière.

J’en viens à ma dernière question, à savoir le financement de la vie politique. Cette question nous concerne tous en tant qu’élus. Mesurons-le pleinement, après des évolutions électorales parfois brutales, aucune formation politique n’est désormais à l’abri du risque bancaire. Je pense à une crise de liquidité provoquée par le refus continuel d’une ligne de crédit. Les affaires, encore et toujours, ont conduit de nombreuses banques à considérer les partis politiques comme des débiteurs à risque, tout au moins en termes d’image. Il s’agit d’un immense problème de confiance entre les banques et la vie démocratique.

Comme beaucoup d’autres, j’ai pu expérimenter une telle situation, et je crains que le dispositif proposé par le Gouvernement ne soit quelque peu sous-dimensionné.

Concernant le médiateur du crédit, permettez-moi de formuler quelques réserves. Quels seront ses moyens d’action ? Comment l’État parviendra-t-il à le doter du capital de confiance nécessaire, dont il aura pour mission d’abonder les partis aux yeux des banques ?

Concernant la banque de la démocratie, nous craignons que le dispositif ne soit pas encore arrivé à maturité. En effet, sur le strict plan constitutionnel, il semble impossible que le Conseil constitutionnel, dont vous connaissez les habitudes mieux que nous, madame la garde des sceaux, valide une habilitation à légiférer par ordonnance dont le champ est fonction d’une enquête conjointe de l’IGA, l’Inspection générale de l’administration, et de l’IGF, l’Inspection générale des finances, toujours en cours.

Une hirondelle ne fait pas le printemps, et deux projets de loi ne suffiront pas à rétablir la confiance de nos concitoyens dans la vie publique. Oui aux dispositions qui concourent à une meilleure régulation de notre vie publique, mais il faut, dans le même temps, doter les parlementaires d’un vrai statut, tout comme leurs collaborateurs, et de moyens d’action. De ce point de vue, vos textes restent, selon nous, au milieu du gué.

Madame la garde des sceaux, nos concitoyens n’ont rien à gagner d’un Parlement affaibli. Faire du Parlement une cible serait le symptôme d’une crise démocratique sans doute plus grave encore que la crise de confiance que ces deux textes cherchent à combattre. En disant cela, je ne vous en fais pas le procès. Au contraire, je souhaite que nous indiquions à tous, ensemble, que nous sommes attachés au parlementarisme, qu’il convient de rénover. Il ne s’agit pas de jeter l’opprobre sur tous.

Selon moi, nous pouvons, avec ces deux projets de loi, construire les fondations d’un nouvel acte de renforcement du parlementarisme à la française, après la révision du 23 juillet 2008. Nous devrons mener ce travail tout au long du chantier ouvert par le Président de la République, en gardant toujours à l’esprit qu’un Parlement affaibli est le symptôme d’une démocratie malade.

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