Intervention de Marie-Pierre Monier

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 5 juillet 2017 : 1ère réunion
Examen du rapport d'information « femmes et agriculture »

Photo de Marie-Pierre MonierMarie-Pierre Monier, co-rapporteure :

Je voudrais tout d'abord remercier la Présidente d'avoir accepté ce sujet de travail, et vous faire part de la satisfaction que j'ai eue à faire plusieurs déplacements sur le terrain. Cela a été un grand moment de vous côtoyer tous et toutes en dehors du Sénat.

Je vais vous parler de l'installation des agricultrices et de la problématique de l'articulation des temps personnel et professionnel, qui font l'objet des recommandations n° 1 à 14.

Je rappellerai en préambule que l'installation est un enjeu pour l'agriculture dans son ensemble, alors que le nombre d'agriculteurs en Europe baisse de 25 % tous les dix ans. En France, la diminution est de 56 % en 25 ans, de 1988 à 2013. Les personnes qui souhaitent s'installer en tant qu'exploitant agricole se heurtent à deux principales difficultés : l'accès aux capitaux pour les aider à financer leurs investissements de départ, et l'accès à la terre, dans un contexte d'accroissement de la pression foncière. Il semblerait que ces difficultés soient parfois plus prononcées pour les femmes que pour les hommes, comme l'avait souligné la sociologue Sabrina Dahache au cours du colloque du 22 février dernier.

En effet, les jeunes femmes qui souhaitent s'installer ne sont pas toujours éligibles aux aides à l'installation - ou plus difficilement que les hommes. Ainsi, en 2010, seules 28 % des nouvelles installées ont bénéficié de la dotation jeune agriculteur (DJA), pour 39 % des hommes installés au même âge.

Nous avons identifié plusieurs causes à cette situation :

- premièrement, pour bénéficier de la DJA, le projet doit entre autres remplir des conditions minimales de surface. Or, bien souvent, les surfaces exploitées par les femmes sont inférieures à celles exploitées par les hommes. Plusieurs des agricultrices rencontrées ont indiqué n'avoir pu bénéficier des aides en raison de trop faibles surfaces ;

- deuxièmement, le critère de l'âge limite, fixé à 40 ans, pour prétendre à ces aides, peut pénaliser les femmes dont les projets d'installation sont, comme on l'a vu, souvent plus tardifs que pour les hommes. Ainsi, elles ne représentaient en 2010 que 24 % des installations des moins de 40 ans, et leur âge moyen à l'installation était de 31 ans contre 29 ans pour les hommes.

Pour prendre en compte ces spécificités, nous proposons de mettre à l'étude une évolution des critères d'attribution de la DJA, de façon à les rendre plus compatibles avec le profil des agricultrices : je vous invite à lire la recommandation n° 1.

Nous préconisons aussi de mieux faire connaître le Fonds de garantie à l'initiative des femmes (FGIF) ainsi que les plateformes de dons ou de prêts en ligne, qui peuvent permettre de diversifier les financements (recommandation n° 4).

Plus généralement, nous souhaitons que, dans le cadre de la réforme de la PAC, la dimension de l'égalité entre femmes et hommes soit intégrée avec la plus grande vigilance dans tous les mécanismes d'aides (recommandation n° 3).

S'agissant de l'accès aux terres, il semblerait que les propriétaires agriculteurs à la retraite ne soient pas toujours enclins à louer ou céder leurs terres à une femme, comme l'a dit Brigitte Gonthier-Maurin. Nous recommandons donc une étude systématique sur les difficultés à l'installation et la mise en place de référent-e-s auxquels les nouveaux agriculteurs et agricultrices pourraient s'adresser en cas de problème (recommandation n° 7, 2ème et 3ème paragraphes).

Nous préconisons aussi une diversification de la composition des instances statuant sur l'attribution des terres ou des aides (recommandation n° 2).

Nous avons également noté toute l'importance des stages à l'installation dispensés dans les Centres de formation professionnelle et de promotion agricole (CFPPA) pour les jeunes femmes qui souhaitent s'installer après un premier parcours professionnel et qui ont souvent un niveau de diplôme élevé, sans avoir suivi de formation agricole. C'est nécessaire pour leur permettre d'obtenir la capacité agricole qui conditionne les aides. Nous sommes allés au CFPPA de Nyons, dans la Drôme, où la proportion de stagiaires femmes est de 60 %. Nous réaffirmons donc le rôle central des CFPPA (recommandation n° 6).

Enfin, le rapport aborde le sujet de la transmission en soulignant l'intérêt des stages « Reprise d'exploitation agricole » et des initiatives comme les « pépinières », qui permettent l'expérimentation des projets en conditions réelles, avant l'installation (recommandation n° 5).

J'en viens maintenant à la problématique de l'articulation des temps professionnel et personnel. C'est toute la question de l'accès aux services de remplacement, notamment en cas de maternité.

La proportion d'agricultrices recourant au Service de remplacement en cas de maternité est aujourd'hui de 58 %, ce qui reste assez bas. Quatre raisons principales sont ressorties des témoignages : le manque d'information ; le coût du remplacement ; l'inadéquation, voire la carence de l'offre ; et les réticences psychologiques à laisser l'exploitation à des tiers. Les mêmes raisons expliquent peu ou prou le recours encore insuffisant des agricultrices au Service de remplacement pour prendre des congés, suivre une formation ou exercer des responsabilités professionnelles ou syndicales.

Nous recommandons donc d'améliorer la communication sur le Service de remplacement et de sensibiliser les agricultrices aux bénéfices du remplacement (recommandations n° 13 et 14).

De plus, nous préconisons de renforcer l'information des agricultrices sur leurs droits en matière de congé maternité (recommandation n° 9).

En outre, il est évident qu'une bonne articulation des temps professionnel et personnel passe par une offre suffisante de solutions de garde pour les jeunes enfants en milieu rural (recommandation n° 10).

Le développement de politiques enfance et jeunesse au niveau local, en zone rurale, nous paraît également important (recommandation n° 11).

Enfin, nous avons été sensibles à une revendication des agricultrices portant sur la mise en place d'un congé enfant malade (recommandation n° 12).

Je passe la parole à Françoise Laborde qui va vous présenter la problématique des statuts et des revenus des agricultrices.

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