Je m'associe évidemment aux remerciements de mes collègues et je voudrais ajouter que nos déplacements sur le terrain ont été très bien perçus par nos interlocuteurs et interlocutrices, suscitant en même temps une forte attente quant à notre rapport : ne les décevons pas !
Je vais vous parler de nos propositions pour mieux prendre en compte la féminisation de la population agricole ; elles concernent plusieurs domaines.
Tout d'abord, des actions doivent être menées dès la formation, qu'elle soit initiale ou continue. Beaucoup de témoignages ont en effet souligné la difficulté pour les jeunes filles à trouver des stages ou à se faire recruter par des maîtres d'apprentissage, ou encore l'inadaptation de certains locaux à la présence de filles dans les filières les plus investies par les garçons. Je pense aux exemples développés au cours de la table ronde du 30 mars dernier, mais aussi aux obstacles évoqués par les jeunes stagiaires et élèves avec lesquelles nous nous sommes entretenues à Toulouse. C'est un constat que nous avons déjà dressé dans d'autres secteurs (on l'avait vu avec le rapport sur les femmes et l'automobile).
Nous estimons donc nécessaire que les structures destinées à héberger des jeunes filles, que ce soit dans les internats de l'enseignement agricole ou lors de stages ou de formations en alternance, soient conçues de la manière la plus adaptée possible.
Dans cette perspective, nous encourageons une politique concertée d'aménagement des lieux d'accueil (écoles et entreprises) et, le cas échéant, l'attribution d'aides spécifiques pour contribuer à la mise en place de ces équipements.
Enfin, nous préconisons de prendre en compte la présence de jeunes filles dans la mise en place de structures d'accompagnement social au sein des internats de l'enseignement agricole (infirmerie et assistance sociale). Les syndicats de l'enseignement agricole public présents à la table ronde du 30 mars dernier ont en particulier regretté le nombre insuffisant d'infirmiers et l'absence d'assistant-e-s sociales (recommandation n° 25).
Par ailleurs, les témoignages que nous avons recueillis au cours de nos auditions et déplacements ont mis en avant le besoin de formations en mécanique pour favoriser l'autonomie des futures agricultrices sur leurs exploitations, notamment pour celles qui, ne venant pas du milieu agricole, n'ont pu acquérir de compétence en ce domaine dans l'exploitation familiale.
Nous recommandons donc que des stages et ateliers, notamment de mécanique, puissent être systématiquement proposés aux élèves de l'enseignement agricole ou aux stagiaires de la formation continue (recommandation n° 26).
Faire en sorte que les agricultrices soient plus à l'aise dans leur métier passe aussi par une généralisation de l'ergonomie des outils et matériels agricoles pour les adapter à la morphologie féminine et par le développement d'une offre de vêtements mieux conçus pour les femmes. Nous en avons parlé en Bretagne et en Vendée ! Je vous renvoie sur ce point aux recommandations n° 28 et 29.
Prendre en compte la féminisation de la population agricole, c'est aussi permettre aux agricultrices d'accéder davantage à la formation continue, indispensable pour les aider à prendre confiance en elles et à acquérir de nouvelles compétences, alors qu'elles sont aujourd'hui davantage contributrices que bénéficiaires au fonds VIVÉA. Cela implique de trouver des solutions aux blocages qui les empêchent de se former et qui tiennent essentiellement au coût de la formation et aux modalités d'organisation.
Pour cela, nous considérons avec intérêt les propositions en faveur d'une organisation des stages davantage compatible avec d'importantes contraintes horaires (réduction du temps de présence, séquences de formations à distance) et nous recommandons la mise à l'étude, par la MSA, de chèques emplois services prépayés pour financer le recours à une aide à domicile pendant le temps d'absence lié à la formation (recommandation n° 27).
En outre, il nous semble fondamental de mieux intégrer les enjeux de la santé des femmes dans l'exercice de la profession agricole. Plusieurs témoignages ont évoqué la question de la santé des agricultrices enceintes et les risques qui peuvent exister pour l'enfant, pendant la grossesse, en cas d'exposition de l'agricultrice à des pesticides ou à des maladies touchant les animaux.
Nos recommandations sur la santé (nos 30 à 32) concernent donc en particulier la santé maternelle et infantile : mise en oeuvre d'une évaluation des conséquences de la manipulation de tous les produits (pesticides...) et médicaments vétérinaires utilisés dans l'agriculture et l'élevage et diffusion de ses conclusions ; formation et sensibilisation de tous les professionnels concernés sur les précautions à adopter lors de la manipulation de ces produits ; mise à l'étude d'un congé pour grossesse pathologique ; formation des agricultrices et futures agricultrices aux bonnes pratiques permettant d'éviter les troubles musculo-squelettiques (TMS) ; amélioration de l'offre de soins gynécologiques en milieu rural pour assurer à toutes le dépistage du cancer du sein ou du col de l'utérus...
Enfin, il faut aussi améliorer l'accueil des femmes victimes de violences en milieu rural. Ces violences ne sont pas plus importantes en proportion qu'en milieu urbain, mais elles sont souvent moins facilement dénoncées, d'autant que le réseau des associations spécialisées n'atteint pas toujours les régions rurales. En outre, les femmes sans statut sont dépendantes économiquement de leur conjoint, ce qui ne les incite pas à parler.
Nous saluons donc l'action de la MSA, qui a mis en place une cellule de crise et d'écoute dédiée aux violences faites aux femmes en milieu rural. Il convient que cette initiative fasse l'objet d'une large communication. Nous recommandons aussi la désignation et la formation de référent-e-s agissant comme les relais des associations spécialisées (recommandation n° 33).
Je laisse la parole à Corinne Bouchoux pour évoquer les moyens de susciter des vocations chez les jeunes filles, la valorisation du travail des agricultrices et leur accès aux responsabilités.