Intervention de Corinne Bouchoux

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 5 juillet 2017 : 1ère réunion
Examen du rapport d'information « femmes et agriculture »

Photo de Corinne BouchouxCorinne Bouchoux, co-rapporteure :

C'est à moi qu'il revient de conclure cette présentation à sept voix pour vous parler de la nécessité de renforcer la reconnaissance des agricultrices, afin qu'émergent des modèles auxquels les jeunes filles peuvent s'identifier.

Nous avons constaté dans le cadre de la table ronde du 30 mars sur l'enseignement agricole et la formation des agricultrices, et cela a été confirmé lors du déplacement à Toulouse sur ce thème, que les stéréotypes dans le monde agricole sont encore en action. Les jeunes filles ne sont pas incitées à choisir des filières majoritairement masculines. Pour faire simple : aux garçons la production, aux filles les animaux et les services !

Or, cette répartition sexuée des filières est porteuse d'inégalités, puisqu'on constate que l'insertion professionnelle des jeunes filles de l'enseignement agricole est moins aisée que celle de leurs homologues masculins.

Pour lutter contre les stéréotypes et susciter des vocations d'agricultrices chez les jeunes filles, nous recommandons de les sensibiliser à la diversité des métiers agricoles dès le collège. Nous préconisons aussi de développer les bonnes pratiques visant à faire découvrir les métiers de la production agricole aux filles (et ceux de services aux garçons). Enfin, il nous paraît décisif de travailler sur les supports de communication présentant les débouchés de l'enseignement agricole, en veillant à ce que, par le vocabulaire et les images choisis, ils « parlent » aux jeunes filles comme aux jeunes garçons (recommandation n° 34).

Lutter contre les stéréotypes passe aussi par une intensification de la sensibilisation et de la formation de la communauté éducative et des familles aux enjeux de la féminisation de l'agriculture (recommandation n° 35) et par une valorisation des initiatives ayant pour objectif de favoriser l'égalité entre les filles et les garçons dans l'enseignement agricole (je citerai notamment le réseau Insertion-égalité).

Ensuite, une excellente façon de renforcer la reconnaissance des femmes dans l'agriculture consiste à mettre à l'honneur des agricultrices, dans le cadre de remises de prix ou de trophées. Nous avons été favorablement impressionnés par la mise en place de prix dans plusieurs territoires, qui ont été mis en valeur lors du colloque du 22 février dernier et sont présentés en détail dans le rapport : le prix des agricultrices de Lorraine, le prix de l'installation des femmes en agriculture de la Lozère, le prix des femmes en agriculture dans l'Eure, et j'en oublie sans doute...

Nous attachons beaucoup d'intérêt à de telles initiatives exemplaires, car ces prix sont susceptibles de créer des modèles à destination des plus jeunes et de rendre le métier d'agricultrice attractif et enviable pour les femmes.

Nous recommandons donc la poursuite et la généralisation à toutes les régions des « prix femmes en agriculture ». Ces manifestations pourraient se tenir de façon opportune, soit le 15 octobre à l'occasion de la Journée internationale de la femme rurale, soit, plus classiquement, le 8 mars (recommandation n° 36).

Je voudrais également citer la manifestation organisée par Jeunes agriculteurs : « Graine d'agriculteurs - Les trophées de l'installation » qui, sans réserver un trophée spécifique aux femmes, a permis de mettre à l'honneur, au cours de ses dernières éditions, plusieurs jeunes agricultrices (souvenons-nous par exemple de Marie-Blandine Doazan, présidente de Jeunes agriculteurs de Haute-Garonne, finaliste de l'édition 2014 de Graines d'agriculteurs - Les trophées de l'installation, présente au colloque du 22 février et lors du déplacement en Haute-Garonne).

Au-delà de ces prix, il faut développer ce que nous appelons une « communication positive ». Dans cette logique, nous souhaitons que les organisateurs de salons, événements et manifestations diverses autour de l'agriculture veillent à éviter de ne s'adresser qu'au public masculin et à insérer des portraits et témoignages d'agricultrices dans leurs supports de communication (recommandation n° 37).

Sur ce point, je citerai une initiative pilote : le programme « Femme et homme en agriculture » de la Chambre d'agriculture des Ardennes, qui nous a été présenté au colloque du 22 février par l'exploitante d'une ferme équestre pédagogique et d'un camping à la ferme, membre du Bureau de la Chambre d'agriculture des Ardennes et référente de ce projet.

Cette initiative a d'ailleurs été inspirée par le groupe « Égalité-parité : agriculture au féminin » de la Chambre d'agriculture de Bretagne, dont la très dynamique présidente a participé au colloque du 22 février et a permis à mes collègues co-rapporteur-e-s de passer une journée extrêmement édifiante en Bretagne. Il s'agit là d'une réalisation exemplaire, car nous savons bien que la mise en place de réseaux féminins est un élément essentiel de l'autonomie professionnelle des femmes, de la diffusion de bonnes pratiques, de prise de confiance en soi et de mentoring. Notre recommandation n° 38 vise donc à encourager la diffusion de tels réseaux dans d'autres régions.

J'en viens maintenant à la question, centrale, de la place des femmes dans la gouvernance agricole, qui fait l'objet des recommandations n° 39 et 40. Pour aller à l'essentiel, je me bornerai aux chambres d'agriculture : la loi du 4 août 2014 prévoyait, je cite, « au moins un candidat de chaque sexe par groupe de trois », ce qui devait permettre l'élection d'un tiers de femmes à peu près. La moyenne nationale est de 27 %. Cette proportion reflète la part des cheffes d'exploitations dans la population agricole.

Or, un fait que nous connaissons bien : les Bureaux des chambres d'agriculture (CA), qui n'ont fait l'objet d'aucune contrainte législative, sont quant à eux restés très majoritairement masculins...

C'est pourquoi nous proposons que cette proportion d'un tiers, qui existe déjà pour les membres des chambres d'agriculture et, depuis la loi d'avenir pour l'agriculture, pour les SAFER, s'étende aux présidences de commissions et aux Bureaux des chambres d'agriculture.

Nous faisons la même recommandation à l'égard des instances dirigeantes des syndicats agricoles. Christiane Lambert nous l'a dit elle-même : elle a été élue par un Conseil d'administration où siègent 17 % de femmes. Chez Jeunes agriculteurs, on compte deux femmes pour les 37 membres du Bureau et du Conseil d'administration (soit 5,4 %). La Confédération paysanne et la Coordination rurale semblent pour leur part se rapprocher de notre objectif.

Quant aux coopératives, nous avons eu des témoignages de femmes qui peinent à s'y faire écouter, mais nous ne disposons pas de données chiffrées suffisamment précises sur leurs instances de gouvernance. La dernière recommandation (n° 40) suggère donc l'établissement de statistiques sur ce point et invite les coopératives à associer les femmes à leurs structures de décision, à raison d'un tiers.

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