Intervention de Michel Billout

Commission des affaires européennes — Réunion du 6 juillet 2017 à 9h30
Élargissement — Relations entre l'union européenne et la turquie : rapport d'information de mm. jean-yves leconte et andré reichardt

Photo de Michel BilloutMichel Billout :

Les rapporteurs nous offrent une photographie des relations toujours complexes entre l'Union européenne et la Turquie et je comprends qu'ils aient du mal à conclure, parce que nous assistons à une gigantesque partie de poker menteur entre l'Union européenne et la Turquie. André Gattolin a employé le mot « sous-traitance » pour qualifier cette relation, je parlerai plutôt d'interdépendance, du point de vue économique - la Turquie a besoin du marché européen pour écouler une partie de sa production et l'Union européenne est fortement intéressée par le marché intérieur turc qui ne cesse de croître -, mais aussi du point de vue de la gestion des flux migratoires.

L'Union européenne dénonce la situation des droits de l'Homme en Turquie et le traitement des populations kurdes : l'armée turque a perpétré des massacres sur les populations civiles - un rapport d'Amnesty International indiquait que 500 000 Kurdes turcs avaient été déplacés en moins d'un an, après avoir vu leurs biens détruits ou confisqués. Une telle situation aux portes de l'Europe est gravissime, mais l'Union européenne ne peut agir avec toute la fermeté nécessaire, précisément en raison de l'interdépendance économique que j'évoquais et de celle que nous avons créée sur la question migratoire.

Le rapport rappelle que la mission commune d'information à laquelle j'ai participé avait estimé « qu'il était de l'intérêt de l'Union européenne de préserver l'accord conclu avec la Turquie » pour endiguer le flux de réfugiés. Notre conclusion était motivée par le fait que la Grèce n'était pas en mesure de supporter de nouveaux flux migratoires, mais nous indiquions que l'Union européenne portait la responsabilité de la situation de blocage en Grèce, du fait de la fermeture de la frontière des Balkans et d'une politique migratoire non assumée. Dans nos conclusions, nous déconseillions à l'Union européenne de conclure de nouveaux accords de ce type, mais elle poursuit dans cette voie, notamment avec la Libye. Du coup, des situations complexes se créent où l'Union européenne s'expose au chantage.

Cette évolution est très préjudiciable à nos relations avec la Turquie, qu'il faut maintenir, tout en exerçant des pressions si nous ne voulons pas abandonner nos valeurs. Comme le disait André Gattolin, les meilleures pressions seront économiques. Je m'interroge ainsi sur l'opportunité de la conclusion d'un accord douanier dans ce contexte : il me semble qu'il faut rester prudent. Si Erdogan s'est maintenu si longtemps au pouvoir, c'est grâce à une réussite économique dont les Turcs lui savent gré : continuer de l'aider économiquement, c'est l'aider à rester au pouvoir. Je ne suis pas certain que ce soit l'intérêt de l'Union européenne, du point de vue des relations bilatérales, mais aussi du point de vue de la situation globale de la région. La façon dont Erdogan gère la question kurde n'est pas un problème purement turc, c'est un problème mondial. Les Kurdes jouent un rôle extrêmement important dans la perspective du règlement du conflit en Syrie et en Irak et on ne peut pas simplement tenter de les rayer de la carte.

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