Je vous prie d'excuser M. Michel Delebarre, qui ne peut être des nôtres aujourd'hui. Je dois aussi le remercier pour sa confiance, puisqu'il m'a demandé de présenter aujourd'hui en notre nom commun la proposition de résolution qui traite de l'ensemble des thématiques majeures formant l'ossature du paquet « Énergie propre pour tous les Européens », que je désignerai sous l'appellation plus ramassée de « paquet hiver ».
J'ai déjà eu l'occasion de souligner l'ampleur exceptionnelle de ce paquet, concrétisée par quelque 5 000 pages de communications, analyses de l'existant, propositions de directive ou de règlement et études d'impact. Dans cet amoncellement de textes, on peut heureusement trouver trois lignes directrices : tout d'abord, la lutte contre le changement climatique ; ensuite, la place respective des pouvoirs politiques et des purs mécanismes de marché ; enfin, les rôles dévolus respectivement aux États membres et aux institutions de l'Union.
Nous parvenons progressivement à une Union européenne de l'énergie. Lorsque j'en parlais avec feu M. de Margerie, il n'y croyait pas. Aujourd'hui, le concept tend à prendre corps.
Depuis l'accord de Paris conclu le 12 décembre 2015 dans le cadre de la COP 21, la réduction des émissions de gaz à effet de serre est au premier plan des préoccupations environnementales. Dans le paquet hiver, la Commission européenne ne traite ce sujet majeur que sous l'angle des sources renouvelables d'énergie.
Je rappellerai aujourd'hui la conclusion de mon analyse du 16 février, lors de la présentation de la première résolution européenne, centrée sur le développement des énergies renouvelables et les mécanismes de capacité. Tout d'abord, la filière électronucléaire n'émet pas plus de gaz à effet de serre que l'électricité obtenue à partir de sources renouvelables. Ensuite, les sources intermittentes doivent être explorées de façon à en assurer la maîtrise technique, mais il est essentiel de contenir leur place dans l'ensemble du mix énergétique en attendant que le stockage et le déstockage soient opérationnels à grande échelle, à des coûts convenables. Je suis désolé du retard de la mise en oeuvre et des surcoûts de l'EPR. La question, éminemment politique « Quid de l'évolution et du remplacement des 58 centrales ? » devra être posée. Au-delà des sommes dépensées, c'est leur acceptation sociétale qui est loin d'être acquise. Je précise que 96 % de l'uranium utilisé pour faire fonctionner les centrales font l'objet d'un recyclage. Enfin, les moyens thermiques peuvent être améliorés, comme ils l'ont déjà été de façon permanente, afin de réduire encore leurs émissions de CO2. Pour combattre l'évolution du climat, faire évoluer les filières fossiles peut être plus économique et tout aussi efficace à court et moyen termes que modifier le mix au profit de filières encore immatures, qui, au fil du temps, mûriront. On l'a vu avec le photovoltaïque, dont les coûts ont fortement baissé.
Quelle place pour les pouvoirs publics et les purs mécanismes de marché, dénommés « energy only » ? Les mécanismes de capacité méritent d'être signalés en premier lieu, puisque ce thème a déjà été évoqué le 16 février. Je rappellerai que ces mécanismes trouvent une large part de leur justification dans l'essor constaté de l'énergie obtenue à partir de sources intermittentes. Cette énergie fatale perturbe le fonctionnement normal des marchés par excès brutal de l'offre. Elle déstabilise les autres producteurs d'électricité, ce qui menace la sûreté d'approvisionnement. Dans ce contexte, les mécanismes de capacité sont indispensables à la pérennité de l'approvisionnement dans des conditions économiquement acceptables. J'ai souvent posé la question de l'évolution énergétique de l'Allemagne. La décision de Mme Merkel, au lendemain de la catastrophe de Fukushima, de se concentrer sur les énergies renouvelables et d'abandonner le nucléaire sans concertation avec la France est troublante. C'est un pari excessivement lourd financièrement, avec des subventions supérieures à 22 milliards d'euros par an. Faute d'acceptation sociétale des lignes à très haute tension en Allemagne, l'éolien, très développé dans le nord du pays, ne peut approvisionner directement le sud du pays. D'où l'inondation des réseaux électriques polonais, tchèques, belges et luxembourgeois. Plus besoin de ligne intérieure, cela peut revenir dans le sud par l'extérieur. C'est malicieux ! Mais ce n'est pas l'Europe de l'énergie que nous souhaitons.
Favorable au principe « energy only », la Commission européenne veut miser sur des hausses illimitées sur les marchés de gros afin d'adresser aux investisseurs un signal-prix suffisamment ample pour assurer en permanence l'approvisionnement du marché. Ce faisant, elle néglige totalement l'importance des prix pour les consommateurs professionnels, a fortiori pour les particuliers. Il y a là un enjeu politique majeur. Michel Delebarre et moi-même ne pouvons souscrire à cette orientation.
Il en va de même pour la suppression pure et simple des tarifs réglementés de vente, souhaitée par Bruxelles. C'est pourquoi nous approuvons l'idée d'un tarif de référence élaboré par l'Autorité de régulation et économiquement contestable, qui serait obligatoirement proposé par l'opérateur historique et qui pourrait aussi l'être par ses concurrents. Nous avons organisé une longue audition avec le président de la Commission de régulation de l'énergie (CRE), M. Carenco.