Intervention de Stéphane Lacroix

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 28 juin 2017 à 10h00
Audition sur la crise diplomatique dans le golfe

Stéphane Lacroix, professeur associé à l'Ecole des affaires internationales de Sciences Po (PSIA) et chercheur au Centre d'études et de recherches internationales (CERI-Sciences Po-CNRS) :

Je commencerai par évoquer la réalité du soutien financier politique au salafisme djihadiste. Il s'agit d'une question compliquée. L'Arabie saoudite a une politique de soutien clair au salafisme, qui est liée à des équilibres internes, notamment au pacte entre la monarchie et le clergé. Ce salafisme exporté est quiétiste et non-djihadiste, ce qui peut malgré tout poser problème dans certains pays où il est en rupture avec la culture religieuse majoritaire. Les Saoudiens consacrent des milliards de dollars au prosélytisme. C'est inscrit dans l'ADN de leur système.

Se pose ensuite la question du soutien à différents groupes politiques. Daech a fait des vidéos contre la monarchie saoudienne. Par conséquent, les Saoudiens ne vont pas se tirer une balle dans le pied en soutenant ceux qui veulent leur mort. Il en est de même pour les Qataris. Il est vrai que, dans ces sociétés, les rapports entre le politique et les acteurs religieux sont assez complexes. En Arabie saoudite, par exemple, les acteurs religieux peuvent jouir d'une certaine autonomie permettant à certains d'entre eux de soutenir de manière relativement indépendante des groupes qui ne sont pas dans la ligne officielle. La pluralité est donc plus importante que l'on ne l'imagine.

Ces jeux d'équilibre permettent à des groupes qui ne partagent pas la ligne officielle de faire parvenir un soutien à l'étranger. Le Qatar et l'Arabie saoudite ont été rappelés à l'ordre et ont pris un certain nombre de mesures pour contrôler plus efficacement ces financements. Ceux-ci sont aujourd'hui beaucoup plus contrôlés qu'au début de la crise syrienne où le « tous contre Bachar » empêchait qu'on y regarde de trop près. On note donc une reprise en main aussi bien en Arabie saoudite qu'au Qatar.

Le rapprochement entre les Émirats et Israël est relativement ancien. Les Émirats entretiennent des relations assez étroites avec Israël, même si elles ne sont pas reconnues comme telles : beaucoup se passent à Washington. Ainsi, l'ambassadeur émirien à Washington a été très proactif avec les avocats d'Israël à Washington. La logique du « tous contre l'Iran » favorise un rapprochement des Émirats et, dans une certaine mesure, de l'Arabie saoudite avec Israël. Israël n'est donc pas la pomme de discorde.

Le Qatar a été le premier à nouer des relations avec Israël, même s'il restait officiellement un soutien à la cause palestinienne tout en se posant en médiateur. Dans les deux camps, ces pays ont des relations plus fortes avec Israël que la majorité des pays arabes. Israël a bien compris qu'il avait une carte à jouer dans cette politique du « tous contre l'Iran » et un rapprochement s'est opéré de fait.

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