Intervention de Fatiha Dazi-Héni

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 28 juin 2017 à 10h00
Audition sur la crise diplomatique dans le golfe

Fatiha Dazi-Héni, responsable de programme à l'Institut de recherches stratégiques de l'Ecole militaire (IRSEM) et maître de conférences à l'Institut d'études politiques (IEP) de Lille :

Les incidences économiques sont très importantes. Je souhaite revenir sur la complexité et l'interdépendance de ces économies, qui sont très mondialisées. Qatar Airways est l'une des plus grandes compagnies aériennes au monde : 90 % de ses vols sont détournés à cause de l'interdiction des vols depuis l'Arabie saoudite. Ne parlons pas de Dubaï où trente-trois vols par jour sont prévus d'habitude. Finalement, le Qatar est tout aussi sanctionné que Dubaï.

Les effets collatéraux de ce blocus contre le Qatar touchent également les autres économies du Golfe, notamment l'économie émiratie. La bourse de Dubaï a dévissé de plus de 8 %après le déclenchement de cette crise, contre 11 % pour celle de Doha.

Le Qatar, qui est le plus grand exportateur de gaz, exporte vers les Émirats arabes unis jusqu'à Oman, grâce à son célèbre gazoduc : 40 % du gaz vient du Qatar, lequel, jusqu'à présent, n'a pas voulu fermer les vannes, alors qu'il aurait pu prendre des mesures de rétorsion. En effet, Oman est un allié objectif de Doha dans le blocus anti-Qatar.

Certes, les Iraniens et les Turcs essayent de compenser le manque d'approvisionnement vers le Qatar, mais les Koweïtiens et les Omanais n'ont pas rompu leurs relations. Ce sont les Émiratis les plus vociférants dans ce blocus. Il n'est qu'à lire la presse émiratie de ce matin : ceux qui continueront à aider le Qatar seront sanctionnés commercialement par les émirats. À qui s'adresse cette nouvelle exigence : aux voisins immédiats ? Aux pays occidentaux ?

Les incidences sont tout autant économiques que géopolitiques. La communauté internationale a très massivement réagi contre ce blocus, sauf Trump qui s'est distingué par quelques tweets intempestifs. Toutefois, le secrétaire d'État et le ministre de la défense américains sont tout à fait contre ce blocus, qui est extrêmement gênant par exemple pour les opérations américaines destinées à la lutte anti-Daech. Ne parlons pas de la Chine et de la route de la soie. À l'échelon international, il est compliqué de voir que ce blocus va s'éterniser.

Cependant, dans la mesure où les exigences de l'Arabie saoudite et surtout des émirats ne penchent pas vers une désescalade, on voit mal comment sortir de cette impasse. Cette situation est encore plus complexe dans un contexte de lutte anti-Daech : Daech est presque défait sur le terrain, mais sa capacité de nuisance à l'extérieur peut se reporter sur les pays de la péninsule. Il n'est qu'à voir l'attentat retentissant de Daech en Iran. C'était la première fois que cela se produisait.

Ce blocus n'arrange personne et commence à se retourner contre ses instigateurs.

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