Pour ma part, je ne dirais pas que le Qatar est dans le camp de l'Iran. En revanche, le Qatar fait très attention à ses relations avec l'Iran et a à coeur que celles-ci restent correctes, en raison de l'exploitation commune de ce champ gazier. On le voit clairement dans ce conflit.
Il n'est pas question de faire partir la population immigrée qui habite au Qatar. Sur 2,5 millions d'habitants, on compte à peu près 10 % à 20 % de Qataris. La main-d'oeuvre qui fait tourner le pays vient du sous-continent indien, c'est-à-dire de pays dans lesquels le besoin d'émigrer est tel que, quelles que soient les conditions de travail, cette population n'a pas d'autre choix que de rester, car il lui faut travailler. Quelle que soit la situation, même si le blocus engendre par exemple des augmentations de produits de première nécessité, elle n'aura même pas les moyens ou la liberté de partir. Le Qatar a d'autant plus besoin de cette main-d'oeuvre au regard de l'échéance de 2022.
J'en viens à la position de la France. Nous revendiquons, à l'évidence, de bonnes relations tant avec le Qatar qu'avec l'Arabie saoudite. Nous vendons de l'armement dans les deux pays. Le Qatar, traditionnellement, est un élément important de notre politique d'exportation d'armement. Les relations avec l'Arabie saoudite s'améliorent aussi. Cela dit, nous ne jouons pas dans la même cour que les Américains. Les montants annoncés après la visite de Donald Trump en Arabie saoudite - jusqu'à 300 milliards de dollars - sont sans commune mesure avec nos 10 milliards de contrats potentiels avec ce pays. Nous pouvons essayer de jouer un rôle pour l'apaisement de la situation, mais soyons réalistes : notre capacité d'influence sur les pays de la région est relativement limitée. Nous n'arriverons jamais, quelle que soit notre volonté, à avoir un rôle plus important. À en juger par les déclarations du nouveau Président de la République, la France essaye de rééquilibrer ses relations avec les deux pays : après une période « tout Qatar » et une période « tout Arabie saoudite », M. Macron entend aujourd'hui établir des relations renouvelées avec l'ensemble des États de la région. Dans ce cadre, nous avons la possibilité de dire certaines choses, mais notre influence reste limitée.