Monsieur le président, mes chers collègues, nous regroupons dans un seul rapport l'examen de deux projets de loi tendant à autoriser l'approbation de deux accords signés en 2014 - on voit que le calendrier s'accélère, ce qui est une bonne chose -, relatifs aux services de transport aérien, conclus respectivement avec la République des Philippines et l'Union des Comores. Ces textes ont une portée essentiellement technique ; je vous propose donc de nous en tenir aux grandes lignes et aux points essentiels.
Je commencerai tout d'abord par présenter le cadre juridique de ces deux accords, qui visent à mettre en place entre la France et chacun des États concernés un cadre juridique bilatéral, conforme à la fois aux normes internationales régissant le secteur aérien et au droit européen.
Ils ont été négociés, côté français, par la direction générale de l'aviation civile (DGAC), en suivant un modèle-type élaboré par les autorités françaises, à partir du modèle d'accords bilatéraux sur les services aériens proposé par l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI).
Les deux accords consacrent tout d'abord la possibilité d'exploiter, respectivement avec chacun des pays concernés, les quatre premières « libertés de l'air » telles que définies par l'OACI. Il s'agit :
- de la liberté de survol ;
- de la liberté d'escale non commerciale ;
- de la possibilité de débarquer du trafic - passagers, fret et courrier - en provenance de l'État dont l'aéronef a la nationalité, sur le territoire de l'autre Partie ;
- et de la possibilité d'embarquer du trafic sur le territoire de l'autre Partie, à destination de l'État dont l'aéronef a la nationalité.
Dans l'accord avec les Philippines, les droits de trafic dits de « 5ème liberté », qui existaient en vertu d'un accord bilatéral précédent signé en 1968, ont été confirmés et maintenus dans le nouveau cadre juridique. Ces droits de trafic de 5ème liberté permettent à une compagnie désignée par les autorités françaises d'opérer entre la France et les Philippines une escale sur un point intermédiaire en étant autorisée à y débarquer et à y embarquer des passagers.
Les accords excluent en revanche l'exercice des 8ème et 9ème libertés, c'est-à-dire le transport par une compagnie à l'intérieur d'un État étranger, dit « cabotage ».
S'agissant du droit européen, les arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne de 2002, dits « Ciel ouvert », confirmés par un Règlement de 2004, ont consacré l'application des principes de libre concurrence et de libre-établissement.
En conséquence, dans chaque accord, une clause dite « de désignation », permet aux parties de désigner plusieurs transporteurs aériens autorisés à exploiter les routes spécifiées par l'accord.
La France peut ainsi désigner des compagnies aériennes françaises ainsi que toute compagnie établie en France, sous contrôle effectif d'un État membre de l'Union européenne, et détenue directement ou par participation majoritaire au sein de l'Union européenne ou de l'Association européenne de libre-échange.
Les clauses types imposées par le droit européen, incluent par ailleurs la liberté pour les compagnies désignées de recourir à un prestataire de leur choix pour les services d'assistance en escale.
Outre ces 2 clauses types, exigées par le droit européen, les autres clauses sont également classiques. Elles incluent :
- le principe d'égalité de traitement entre compagnies ;
- la liberté pour une compagnie d'établir des agences commerciales sur le territoire de l'autre Partie, et de procéder à des transferts internationaux de recettes ;
- la liberté de fixation par les transporteurs de leurs tarifs.
Les accords prévoient par ailleurs des exemptions de droits sur différents biens et services. Ces exemptions n'impliquent aucun changement de législation car elles sont toutes déjà prévues par le Code général des impôts.
Enfin, les accords incluent les dispositions les plus récentes du droit international et du droit européen relatives à la sécurité et à la sûreté des vols.
En vertu d'une procédure de « notification » applicable en l'espèce, la Commission européenne s'est prononcée sur les deux accords examinés, les jugeant conformes au droit européen.
J'en viens maintenant aux effets de ces accords sur les liaisons aériennes avec les deux pays concernés.
Les accords n'ont pas vocation à susciter de grands changements à court terme. Leur principal effet est de renforcer la sécurité juridique des transporteurs et donc de pérenniser les services aériens existants entre la France et les deux pays concernés. En pratique, il s'agit de permettre aux compagnies nationales, dont Air France, d'assurer ces liaisons et de renforcer durablement nos liens avec les deux pays.
S'agissant des Philippines, il n'existe plus de services directs avec la France depuis 2004. Philippine Airlines avait suspendu sa desserte en 1998 et Air France a arrêté en 2004 de desservir Manille directement.
Cela n'empêche pas l'existence de services aériens indirects, via notamment les accords de partage de codes, encadrés par l'article 13 de l'accord aérien. Une place peut être achetée à une compagnie aérienne pour un vol qui sera opéré par une autre compagnie aérienne sous un numéro de vol ou un code différent. Il convient de noter que les autorités philippines restent très prudentes sur les conséquences que peuvent avoir de tels accords commerciaux. Elles ont refusé que les partages de codes soient permis entre les compagnies des deux pavillons et des compagnies de pays tiers. En effet, pour les autorités philippines, une telle possibilité pourrait conduire à concentrer des flux de trafic vers quelques grosses plateformes de correspondances dans des États tiers entre la France et les Philippines, au détriment de la possibilité d'établissement de liaisons directes - ce qui est souhaité localement.
Malgré l'absence d'une clause générale autorisant le partage de codes avec des transporteurs de pays tiers, les Philippines ont autorisé, à titre exceptionnel, la possibilité, pour Air France, de poser son code sur les vols entre la France et Manille via Amsterdam opérés par KLM, cette dernière opérant en propre et en direct le segment Amsterdam Manille.
Enfin, comme l'indique l'annexe « tableau des routes » de l'accord aérien, la France peut librement désigner, au choix, comme points intermédiaires ouvrant aux droits de trafic de 5ème liberté, deux points au Moyen-Orient/Golfe, trois points dans le sous-continent d'Asie du Sud, quatre points en Asie du Sud-Est, un point en Thaïlande et enfin, comme points au-delà, quatre autres points en Asie du Sud-Est. Des dispositions réciproques existent dans le tableau des routes du pavillon philippin.
S'agissant de l'Union des Comores, la liaison entre Paris et Moroni a été exploitée par Air France jusqu'au début des années 1990. Sur les cinq dernières années, on a pu constater que la demande de services aériens pour le long courrier se concentre sur les quelques mois de la haute saison - juillet, août et début septembre -, ce qui ne rend pas économiquement viable un vol régulier tout au long de l'année. Aujourd'hui, aucune compagnie désignée des deux pavillons ne dessert en propre et en direct le territoire des deux parties. La desserte des Comores depuis la métropole emprunte des voies indirectes, principalement via nos départements ultramarins - La Réunion et Mayotte - ou des pays étrangers - Madagascar et le Kenya.
Le transport aérien international entre la France et les Comores n'est actuellement régi par aucun accord bilatéral. Ce nouvel accord, conforme au droit communautaire, contient l'ensemble des dispositions actuelles nécessaires à l'exploitation des services aériens entre les deux pays, encadrés notamment par des clauses de sécurité et de sûreté. Les principes et le droit de la concurrence sont préservés, tant en termes de désignation des compagnies pour l'exercice de services aériens, qu'en matière de dispositions commerciales, tarifaires ou encore de services d'assistance en escale.
Je voudrais maintenant dire un mot sur les conséquences de cet accord pour Mayotte.
Grâce à un dialogue politique renforcé depuis 2013 sur cette question, avec notamment la création d'un « Haut conseil paritaire », une route régionale a pu être établie par l'accord aérien. Elle permet aux compagnies désignées des deux pavillons d'organiser des dessertes entre Mayotte et les Comores, dans un cadre juridique sécurisé. Les autorités aéronautiques des deux parties se sont par ailleurs entendues pour ne pas limiter les services aériens sur cette route régionale, en laissant les compagnies des deux pavillons libres de développer leurs services. Enfin, du fait de sa proximité géographique et du développement de liaisons entre Dzaoudzi et la métropole, Mayotte est un nouvel axe pour assurer la liaison indirecte entre les Comores et la France métropolitaine, offre alternative aux correspondances effectuées au Kenya ou à Madagascar par les compagnies étrangères, et complémentaire aux vols transitant par La Réunion, améliorant ainsi tendanciellement les parts de marché des compagnies du pavillon français.
En conclusion, les deux accords sont de nature à pérenniser nos liaisons aériennes et donc nos échanges économiques avec les deux pays concernés, dans des zones stratégiques pour l'influence française, respectivement l'Asie du Sud-Est et l'océan Indien.
Ces textes recueillent l'approbation des compagnies concernées et n'appellent pas de modification de la législation.
À ce jour, ni les Philippines, ni les Comores, n'ont achevé leur procédure de ratification.
Je vous propose donc d'adopter ces deux projets de loi, et de permettre leur examen demain en séance publique, selon la procédure simplifiée, ce à quoi je souscris.