Intervention de Robert del Picchia

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 19 juillet 2017 à 10h00
Projet de loi autorisant la ratification du traité entre la république française et la république tchèque relatif à la coopération dans le domaine de l'exploration et de l'utilisation de l'espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Robert del PicchiaRobert del Picchia, rapporteur :

Monsieur le Président, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale le 26 janvier 2017, et autorisant la ratification du traité entre la France et la République tchèque relatif à la coopération scientifique et technique dans le domaine spatial à des fins pacifiques, signé à Prague en décembre 2014.

En effet, comme il n'existe pas d'agence spatiale tchèque à ce jour, il n'a pas été possible pour le CNES (Centre national d'études spatiales) de conclure, comme c'est de pratique courante, un accord de coopération spatiale avec son homologue étranger : il a fallu passer directement d'Etat à Etat.

Ce traité s'inscrit dans le contexte du partenariat stratégique franco-tchèque de juin 2008, qui vise à renforcer la coopération bilatérale dans les domaines stratégiques et notamment spatial. Le plan d'action de ce partenariat stratégique a d'ailleurs été renouvelé en décembre 2014, témoignant ainsi d'une relation bilatérale solide, reposant sur une sensibilité politique commune et des priorités européennes partagées (dans les domaines de la croissance, de l'emploi, de la sécurité et de la défense), à laquelle il convient d'ajouter des échanges économiques substantiels. En 2015, la France était ainsi le 2ème investisseur en République tchèque, avec 500 entreprises et 100 000 emplois pour un chiffre d'affaires estimé à 13 milliards d'euros, et son 5ème partenaire commercial (environ 10 milliards d'euros d'échanges). La France est aussi le 3ème partenaire scientifique de la République tchèque derrière l'Allemagne et les États-Unis. L'excellence de la recherche tchèque est reconnue au niveau mondial, notamment dans les domaines de la physique, de la chimie et de la biologie et la part du PIB que ce pays y consacre est passée, en dépit de la crise, de 1,35 % en 2008 à 1,88 % en 2012, soit un niveau proche de la moyenne européenne.

Ce traité s'explique par les ambitions spatiales affirmées par la République tchèque depuis son accession à l'Agence spatiale européenne (ASE), en 2008. Plaçant le domaine spatial au coeur de sa présidence de l'Union européenne (organisation d'un Conseil Espace) en 2009, ce pays s'est aussi doté, en 2010, d'un Plan national de l'espace (révisé en 2014), présentant sa stratégie pour le développement des capacités de son industrie et du monde universitaire dans le domaine spatial, notamment par le biais de coopérations internationales. Enfin, en 2010, Prague a été choisie, pour accueillir le siège de l'Agence du Global Navigation Satellite System européen, la GSA, qui supervise le programme européen de navigation par satellites Galileo, entré en service fin 2016. Forte d'une longue tradition d'utilisation de l'espace à des fins scientifiques, la République tchèque se présente comme un nouvel acteur spatial de l'Europe centrale et orientale. Elle considère désormais l'espace comme pouvant servir de tremplin pour stimuler la compétitivité de son économie. Pour le moment, faute d'avoir un programme spatial national, le développement du secteur spatial tchèque est surtout lié aux politiques spatiales européennes ainsi qu'aux stratégies et programmes de l'Agence spatiale européenne et de l'Union européenne.

Pour mémoire, la collaboration spatiale franco-tchèque a débuté en 2011, avec le lancement de la mission Taranis (Tool for the Analysis of Radiation from LightNIng and Sprites), pour l'étude des phénomènes orageux dans la couche atmosphérique terrestre comprise entre 20 et 100 km d'altitude. Ce programme associe des laboratoires français (LPC2E et IRAP) et l'Université Charles de Prague. Par ailleurs, le CNES et la GSA européenne disposent d'un accord de partenariat pour la fourniture de service d'EGNOS (European Geostationary Navigation Overlay Service), dont l'objet est d'améliorer les performances du GPS.

Voyons maintenant le contenu de ce traité. De facture classique, il vise à créer les conditions favorables à une coopération au sens large dans le domaine spatial. D'ordre scientifique, technique et industriel, la coopération portera principalement sur le domaine de la recherche spatiale, de la formation d'étudiants, de la réalisation et de l'exploitation de systèmes spatiaux, du développement d'applications spatiales et de services associés. Elle se fera dans le cadre des ressources budgétaires existantes et pourra prendre la forme de consultations, de coordination de stratégies, d'échanges d'informations et de données, d'échanges d'étudiants. Des échanges d'étudiants sont déjà possibles dans le cadre du « Master in Space Science and Technology » entre l'Université Paul-Sabatier Toulouse III et la Czech Technical University de Prague. L'accord favorise des échanges d'experts et de chercheurs, la réalisation de projets conjoints et l'élaboration conjointe de propositions dans le cadre de programmes européens. Plusieurs axes de coopération sont envisagés - dans le cadre bilatéral, dans le cadre de programmes spatiaux de l'Union européenne et de l'Agence spatiale européenne et sur les activités de recherche et développement.

Le traité sera mis en oeuvre par le CNES et par le ministère tchèque des transports. Son application fera l'objet d'une coordination par le biais d'un comité mixte coprésidé, qui se réunira en principe annuellement. Le Traité prévoit également l'échange de personnels, la protection des données échangées - la République tchèque fait partie des pays assurant une protection suffisante au regard de la CNIL - un mécanisme courant de renonciation mutuel à recours en responsabilité pour des dommages causés par la mise en oeuvre d'activités dans le domaine de la coopération, y compris à l'égard de tiers, le contrôle des exportations selon la règlementation nationale applicable, une exonération douanière classique, qui permettra d'exonérer les matériels importés depuis un pays tiers à l'UE et dédouanés par l'un des deux pays puis expédiés sur le territoire de l'autre. Enfin, comme il est d'usage, une annexe définit les règles applicables en matière de propriété intellectuelle.

En conclusion, je recommande l'adoption de ce projet de loi. Si la France est le premier État à conclure un accord de coopération spatiale avec la République tchèque, de nombreuses collaborations et coopérations très satisfaisantes ont déjà eu lieu entre des acteurs institutionnels, académiques et industriels tchèques et d'autres États membres, pour la mise en oeuvre des activités menées au sein de l'Agence spatiale européenne. Ce Traité, qui ne nécessitera aucune modification de notre législation interne, constituera ainsi un outil important de notre diplomatie spatiale, en direction notamment des nouveaux États membres de l'Agence spatiale européenne et ouvrira la voie à d'éventuelles coopérations pour l'industrie spatiale française.

Enfin, la République tchèque a fait savoir qu'elle avait accompli l'ensemble de ses procédures internes de ratification.

L'examen en séance publique est prévu le jeudi 20 juillet 2017, selon la procédure simplifiée, ce à quoi je souscris.

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