Nous avons souhaité, avec notre collègue Patrick Chaize, organiser cette table ronde pour faire un point sur l'état du déploiement des réseaux fixes et mobiles, car il s'agit d'un sujet auquel notre commission est très attachée. La question de la couverture numérique est un sujet essentiel pour les habitants et pour les élus locaux, en particulier dans les territoires ruraux.
Nous nous situons à un moment charnière puisque nous sommes à mi-chemin de la mise en oeuvre du plan France très haut débit. Nous avons également atteint plusieurs échéances fixées par la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dites « loi Macron », en matière de téléphonie mobile. Enfin, nous sommes au début d'un nouveau quinquennat.
Les plus optimistes diront qu'il y a matière à se réjouir, puisque le seuil de 50 % de la population couverte en très haut débit a été atteint en 2017. Certains diront que les opérateurs ont tenu leurs engagements en matière de téléphonie mobile, d'autres ajouteront que la première obligation de couverture de 40 % des zones rurales en 4G à échéance janvier 2017 a été tenue.
Cependant, la réalité est plus contrastée. La Commission européenne a récemment rappelé que la France se situait au 27ème rang des pays de l'Union européenne en matière d'accès au très haut débit.
S'agissant des zones définies par l'appel à manifestation d'intentions d'investissements de 2010 (« zones AMII »), les conventions qui devaient être signées avant la fin de l'année 2015 ne le sont que dans 57 % des territoires, et lorsqu'elles sont signées mais non respectées, il n'existe aucun dispositif de sanction. Sur les 3 405 communes situées en zones AMII, le déploiement n'a réellement commencé que dans 652 communes, et il n'y a que 480 communes pour lesquelles les travaux ont commencé à plus de 50 %. Cela montre qu'il existe un problème quant à l'obligation de complétude qui incombe aux opérateurs.
En ce qui concerne les réseaux d'initiative publique (RIP), la situation est différente d'un département à l'autre ; elle dépend de l'implication des territoires, de leurs moyens financiers ou encore des technologies déployées. Les collectivités territoriales réalisent un effort considérable pour développer ces réseaux, alors même que leurs dotations baissent et que le soutien financier de l'État est long à venir. Enfin, les annonces récentes faites par SFR d'un déploiement de la fibre optique sur tout le territoire, sans recours au financement public, sèment le doute dans un certain nombre de RIP.
En matière de téléphonie mobile, la situation est pire que pour les réseaux fixes : les usages progressant plus vite que l'augmentation du nombre de pylônes, la couverture se dégrade de manière objective sur certains territoires. Le plan de résorption des zones blanches de 2003 n'a toujours pas été totalement mis en oeuvre. L'objectif de couverture des communes en 2G à l'échéance du 31 décembre 2016 n'a pas été atteint. 550 communes ne sont toujours pas couvertes, d'après les chiffres publiés par l'Arcep en mai 2017.
Je suis conscient que l'État a une grande part de responsabilité dans cette situation, puisqu'il n'a pas financé l'installation des pylônes pour permettre aux opérateurs d'étendre leur couverture.
Le Président de la République a, dans ses récentes déclarations, promis une accessibilité complète en téléphonie mobile 3G et 4G. J'espère qu'il ne s'agira pas une fois de plus d'une annonce non suivie d'effet. S'agissant des réseaux fixes, le Président de la République a également annoncé une accélération du calendrier du déploiement en avançant l'échéance de 2022 à 2020. Mais son annonce a suscité une certaine inquiétude puisqu'il a mentionné le haut débit comme le très haut débit, et qu'il a indiqué que la fibre ne pourrait pas être installée partout. J'ai lu l'intervention d'Antoine Darodes dans la presse hier qui a indiqué que ce nouvel objectif pour 2020 d'un « très bon débit pour tous » ne serait qu'un point d'étape par rapport à l'ambition de 2022 sur le très haut débit, qui resterait inchangée.
Dans une proposition de loi adoptée en février 2012, le Sénat avait posé le principe d'un bon haut débit pour tous en fixant un objectif de 2 mégabits d'ici fin 2013 et de 8 mégabits d'ici fin 2015.
Par ailleurs, dans un rapport d'information intitulé « Couverture numérique des territoires : veiller au respect des engagements pour éviter de nouvelles désillusions », nous avions rappelé avec Patrick Chaize que l'objectif fixé par le plan France très haut débit sur l'accélération de la couverture en haut débit n'était pas en voie d'être atteint.