Intervention de Antoine Darodes

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 19 juillet 2017 à 9h30
Couverture numérique du territoire — Table ronde

Antoine Darodes, directeur de l'Agence du numérique :

Je commencerai par rappeler l'état d'avancement du plan France très haut débit. Il s'agit d'un vaste plan d'infrastructures qui représente 20 milliards d'euros d'investissements d'ici 2022, dont plus de 90 % de la valeur reste en France puisque ce plan mobilise essentiellement de la main d'oeuvre locale et des équipements produits dans notre pays. L'objectif du plan est que 100 % des locaux soient couverts en très haut débit d'ici fin 2022 - le très haut débit étant étendu comme un débit supérieur à 30 mégabits par seconde.

Lors du lancement de ce plan en 2013, le taux de couverture en très haut débit était de 27 %. L'objectif d'un taux de couverture de 50 % fin 2017 a été atteint avec un peu d'avance. Mais on peut considérer que le plus facile a été fait, et que désormais le plus dur est devant nous.

Pour atteindre l'objectif de 100 % de couverture en très haut débit, ce plan entend mobiliser toutes les technologies disponibles. Il repose essentiellement sur le déploiement de la fibre optique, qui est la technologie d'avenir. Toutefois, il est illusoire de penser que l'on pourra fibrer l'ensemble des locaux d'ici 2022. Il conviendra donc de recourir à un mix technologique, en particulier dans les zones rurales, où le plan prévoit que 50 % de la couverture soit assurée par la FttH, et que le reste de la couverture soit assuré par un réaménagement du réseau cuivre ainsi que par des technologies hertziennes, satellitaires ou terrestres.

Le chiffre de 50 % des locaux actuellement couverts en très haut débit cache une réalité différente selon que l'on considère les zones urbaines, dont les deux tiers sont couverts, ou les zones rurales, dont seul un tiers est couvert en très haut débit.

Mais les déploiements sont en marche et s'accélèrent : en 2014, un million de prises FttH ont été raccordées en France ; en 2016, ce chiffre était de deux millions. Et la tendance actuelle est de 2,5 millions de prises raccordées par an, ce qui représente 10 000 prises raccordées chaque jour ouvré.

Les zones d'initiative privée, qui couvrent 55 % des locaux, représentent l'essentiel de ces déploiements : sur les deux millions de prises FttH raccordées en 2016, 1,8 million étaient situées dans ces zones. Les raccordements ont été essentiellement réalisés par deux opérateurs : Orange pour plus de 90 %, de ces déploiements, et SFR, pour moins de 10 %. Afin de sécuriser les engagements des opérateurs dans ces zones, les collectivités territoriales peuvent conclure, avec les représentants de l'État et les opérateurs, des conventions de programmation et de suivi des déploiements, qui permettent notamment de gérer les cas de carence de l'initiative privée. Ces conventions ne sont pas contraignantes, mais elles fonctionnent, comme cela a été démontré dans la métropole de Lille. Ce dispositif peut être amélioré, notamment en réduisant les délais de constat de carence afin de trouver des solutions alternatives plus rapidement.

De telles conventions ont été signées pour plus de 55 % des locaux situés en zone AMII, et elles sont en cours de négociation pour 40 % des locaux. Nous travaillons actuellement avec les opérateurs sur les 5 % des locaux qui ne sont pas encore concernés, afin de s'assurer que, d'ici la fin de l'année, tous les locaux soient couverts par une convention signée ou en cours de négociation.

S'agissant des zones d'initiative publique, le rythme de déploiement est plus lent. Construire un projet de RIP est long, car cela implique de faire des choix difficiles, notamment budgétaires, de définir des priorités de déploiement, le mix technologique retenu, puis de passer les marchés publics, de conduire les études de terrain avant, enfin, de lancer les travaux. Trois à quatre années sont nécessaires, et ce délai est largement incompressible.

Néanmoins, plus de 80 projets sont en cours qui vont permettre de réaliser plus de 9,5 millions de prises FttH dans les zones rurales ; 5 millions de prises font aujourd'hui l'objet d'un contrat signé. L'État apporte un soutien à ces projets publics à hauteur de plus de trois milliards d'euros. Par ailleurs, on constate dans ces zones depuis quelques mois une forte amélioration des conditions de financement privé. Cette attractivité des RIP s'explique par leur cadre stable, qui protège l'investissement privé et public.

L'objectif du plan France très haut débit de 100 % de couverture en 2022 est maintenu. Lundi dernier, le Président de la République a annoncé un objectif intermédiaire d'accès au bon ou très bon haut débit pour tous d'ici 2020. Il s'agit d'un nouveau défi, qui procède d'un diagnostic qui a montré que cinq millions de locaux n'ont pas accès à un débit des 8 mégabits par seconde, un niveau pouvant être considéré comme le seuil élevé du bon haut débit.

La « lame de fond » du déploiement FttH va permettre de couvrir une partie de ces locaux, mais il conviendra également de recourir à d'autres solutions technologiques, en mobilisant mieux le réseau cuivre, le satellite - les nouvelles générations de satellites apporteront du bon haut débit grâce à des capacités cinquante fois supérieures à celles dont on dispose aujourd'hui -, les boucles locales radio - l'Arcep va ouvrir de nouvelles fréquences en septembre pour développer cette nouvelle solution technologique - les déploiements 4G, ou d'autres solutions.

Nous avons trois ans pour relever ce défi, et il faudra donc s'appuyer sur la dynamique actuelle en l'amplifiant. Pour obtenir ces investissements des opérateurs, l'État devra contractualiser avec eux. Heureusement, les opérateurs sont des organismes rationnels, voire pavloviens, et il pourra être simple d'obtenir des engagements de leur part.

En ce qui concerne la couverture mobile, je rappelle que l'Agence du numérique a la responsabilité de la plateforme « France mobile », qui permet aux élus locaux de faire remonter les problèmes de couverture qu'ils rencontrent. 4 000 requêtes ont ainsi été remontées à ce jour, qui révèlent l'existence de problèmes de couverture tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des locaux. Il conviendra donc de développer la convergence entre le fixe et le mobile afin de résoudre ces difficultés. La 4G fixe peut être une solution aux problèmes observés sur le fixe, de même qu'une bonne connexion fixe peut améliorer la couverture mobile à l'intérieur des bâtiments, grâce notamment à ce que l'on appelle la « voix sur wifi ».

Quant au fonds d'investissement de 50 milliards d'euros, il pourra intervenir en complément des initiatives privées, en fonction de ce que les opérateurs proposeront.

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