Intervention de Martine Lombard

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 19 juillet 2017 à 9h30
Couverture numérique du territoire — Table ronde

Martine Lombard, membre du collège de l'autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) :

L'Arcep est très heureuse d'avoir été invitée devant votre commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, que nous savons très impliquée sur la question de l'aménagement numérique du territoire. Ses rapports de novembre 2015 et mai 2017 en sont la preuve.

La connectivité des territoires est l'axe d'action prioritaire de l'Arcep, raison pour laquelle elle s'engage dans la promotion de l'investissement et de l'innovation, moyens privilégiés d'accélération de la connectivité mobile des territoires.

Nous partageons totalement vos objectifs et nous comprenons l'insatisfaction et la colère des Français encore mal couverts par les réseaux de télécommunications, notamment en zone rurale. Je pense en particulier à ceux dont le débit fixe est inférieur à 1 mégabits par seconde : comment une entreprise peut-elle faire quoi que ce soit avec un tel débit ? Comment les particuliers peuvent-ils accéder à des services pourtant essentiels ? Cette question est parfois vitale.

Bien souvent, on nous reproche de ne pas aller assez vite, et nous assumons cette critique. Pour aller plus vite, nous devons nous montrer inventifs, d'où l'importance de la table ronde organisée aujourd'hui.

Permettez-moi de dresser tout d'abord un bref état des lieux des déploiements.

En ce qui concerne le réseau fixe, les opérateurs ont fait le choix d'une technologie ambitieuse, moderne, pérenne : la fibre optique. C'est une technologie qui, telle un porte-avions, peut mettre un peu de temps à se mettre en mouvement ; mais, telle un porte-avions, une fois lancée, elle avance de manière très sûre. A terme, le plan France très haut débit doit concerner 33 millions de lignes : en zone très dense, la couverture est largement avancée. Sur 6 millions de lignes concernées, 4,5 millions sont d'ores et déjà éligibles, avec trois opérateurs présents. Douze millions de lignes, situées dans des zones moins denses - les fameuses zones AMII - ont fait l'objet d'une convention entre Orange, SFR et l'État. Enfin, sur les 15 millions de lignes situées en zones d'initiative publique, deux millions ont déjà pu être déployées. L'effort d'investissement, considérable, commence à produire ses effets : ne lui coupons pas les ailes ! Cependant, il apparaît nécessaire de s'appuyer sur un mix technologique pour raccourcir les délais de mise en oeuvre du plan : il est impensable d'attendre fin 2022 pour la couverture du territoire, et il faut donc envisager des solutions transitoires pour les zones où les débits sont particulièrement insuffisants.

En ce qui concerne le réseau mobile, trois opérateurs ont annoncé qu'ils couvriraient 99 % de la population - et j'insiste sur ce terme - en 4G d'ici fin 2018. Ils seront donc en avance sur leurs obligations réglementaires. 99 % de la population, mais en réalité seulement 55 % du territoire. C'est conforme aux obligations réglementaires imposées aux opérateurs, ce qui signifie donc qu'il faudra peut-être, à terme, revoir les objectifs qui leur sont fixés.

Pour aller plus vite, il faudra faire preuve d'imagination !

Pour les zones blanches, ne jetons pas la pierre aux opérateurs ! Je le répète, ils respectent leurs obligations réglementaires, même si tout n'est pas parfait : suite au vote de la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, 541 communes ont été ajoutées aux 3 500 communes qui figuraient initialement dans le plan « Zones blanches centres-bourgs ». Aujourd'hui, il y manque toujours des pylônes... C'est un vrai souci. Par ailleurs, 1 300 zones d'intérêt économique devaient être couvertes d'ici 5 ans : c'est trop long ! Enfin, les élus locaux remontent de nombreux problèmes dans les zones grises, et nous n'avons toujours pas de solutions à leur proposer. D'où l'importance des chantiers qu'il nous reste à mener.

Le premier chantier concerne les cartes de couverture. Nous procédons actuellement à l'élaboration de nouvelles cartes de couverture. Les précédentes étaient binaires - on est couvert ou on ne l'est pas - et donc source de déception pour les élus locaux et la population, qui se sentaient floués. Les lois dites « Macron » et « Lemaire » ont fourni à l'Arcep les instruments juridiques lui permettant d'imposer de nouvelles obligations aux opérateurs en matière de cartographie de couverture. L'expérimentation menée en Nouvelle-Aquitaine a été très instructive : les cartes font désormais apparaître le degré de couverture. On peut constater que les zones dites « de couverture limitée », dans lesquelles la couverture en intérieur relève parfois du miracle, sont malheureusement étendues. Ces nouvelles cartes de couverture mobile, réalisées sur tout le territoire, seront rendues publiques en septembre et consultables sur le site monreseaumobile.fr. Dans un premier temps, elles ne concernent que les appels et les SMS, mais nous projetons de les étendre à la couverture « internet mobile ».

L'accélération du déploiement de la fibre est notre deuxième chantier. L'objectif est que tous les opérateurs puissent participer au déploiement de la fibre sur le territoire. Nous souhaitons également faciliter l'accès au génie civil, notamment dans les zones d'initiative publique. Ces mesures pourraient prendre la forme de nouvelles obligations pour l'opérateur Orange. Enfin, le développement d'un marché de masse de la fibre optique est essentiel pour les TPE et PME, qui n'ont aujourd'hui d'autre choix que de souscrire à des offres dédiées très onéreuses ou d'utiliser le réseau cuivre résidentiel. Nous avons donc demandé à Orange de créer une zone au sein de laquelle la qualité de service du FttH est renforcée.

Avec l'accord du gouvernement, nous allons accélérer les contrôles des zones AMII, afin de constater la réalité des déploiements et pourvoir répondre à ces questions importantes : qui fait quoi ? À quel moment ? Selon quel rythme ?

Autre chantier prioritaire : la transparence sur le réseau fixe. Comme c'est le cas pour le réseau mobile, chaque citoyen doit pouvoir savoir non seulement le débit dont il dispose, mais également les déploiements qui sont prévus dans sa zone géographique : opérateur, délais, objectifs de débits. Établir ces nouvelles cartes nécessite quelques instruments supplémentaires de la part du Gouvernement. Cela pourrait aboutir à la création d'une plateforme monreseaufixe.fr, sur le modèle de monreseaumobile.fr.

Dernier chantier, les licences mobiles. Lorsque des fréquences sont attribuées, une première logique peut-être de vouloir obtenir des recettes pour l'État par le paiement de redevances. L'attribution des fréquences de la bande 800 et 700 MHz ont respectivement généré 3,2 et 2,8 milliards d'euros de recettes pour l'État. Mais cet argent public pourrait servir à financer en tout ou partie l'aménagement numérique du territoire.

Sur le modèle suédois, nous pourrions créer des obligations supplémentaires pour les opérateurs au moment du renouvellement des licences des fréquences 900 MHz, 1 800 MHz et 2 100 MHz. Bien sûr, cela nécessiterait une négociation avec l'ensemble des opérateurs, sachant que, par exemple, Free n'a pas accès à toutes ces fréquences. Cependant, il s'agit d'un choix politique, et il ne relève par conséquent pas de l'Arcep.

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