C'est un plaisir de me retrouver devant vous. Je reprendrai l'exposé que j'ai déjà fait devant les députés, puisque je ne change pas de propos selon les interlocuteurs ! La stratégie économique et fiscale définie par le Président de la République et le Premier ministre pour le quinquennat se fonde sur une analyse de la situation et des grands enjeux qu'elle comporte pour l'économie française.
Nous vivons une révolution technologique sans précédent, qui bouleverse l'évolution de la productivité, le rythme de la croissance et jusqu'à la conception même du travail dans les pays avancés. Il s'agit de la révolution numérique, qui est celle des données, et surtout de l'intelligence artificielle. Elle recompose entièrement notre vision de l'économie.
En même temps, nous observons le retour de la croissance, même si celle-ci reste fragile. Mais j'ai pu physiquement constater en accompagnant le Président de la République au G20 de Hambourg l'irruption de rivalités commerciales sans précédent. Qu'il s'agisse d'acier, d'énergie ou d'agriculture, leur brutalité est inquiétante, puisqu'elle augure un regain de protectionnisme et donc une diminution des échanges commerciaux internationaux.
Dans ce contexte, la France tire à peu près son épingle du jeu mais, depuis vingt ans, elle fait moins bien que tous ses partenaires européens. Je trouve insupportable de voir notre nation, qui a tant d'atouts, obtenir de moins bons résultats que ses voisins, qu'il s'agisse de finances publiques, de taux de chômage ou de croissance. Nous souffrons de l'obsolescence de notre modèle économique, qui doit être repensé et dépassé.
L'objectif du Président de la République est d'accomplir la transformation économique qui nous permettra d'avoir autant de croissance que les autres et de faire baisser le chômage aussi vite qu'eux. Telle est mon ambition de ministre de l'économie et des finances. Mon action s'organisera autour de trois piliers.
D'abord, transformer en profondeur notre économie. Les réformes sporadiques sont inutiles : nous devons accomplir une vraie transformation. C'est d'ailleurs le mandat que les Français ont donné au Président de la République. Pour cela, nous renforcerons l'investissement dans l'innovation. C'est la clef : dans l'agriculture, avec l'agriculture de précision, bien connue de François Patriat, l'utilisation des intrants ou les nouveaux modes de culture ; dans l'industrie, dont l'avenir réside dans la robotisation et une meilleure exploitation des données par l'intelligence artificielle. D'aucuns craignent que les robots ne détruisent des emplois. C'est l'inverse qui est vrai : nous avons 100 robots pour 10 000 emplois en France contre 350 en Allemagne, où le taux de chômage est plus bas que chez nous. L'enjeu n'est donc pas de repousser la robotisation mais de former les salariés à en vivre. Cela impose d'investir davantage.
Nous avons manqué la révolution des logiciels il y a vingt ans et ce sont les GAFA qui en ont pris la plus large part. Nous pouvons réussir la révolution des données, et devenir l'État européen le plus avancé dans leur maîtrise et dans l'exploitation de l'intelligence artificielle, en partenariat avec nos voisins, et notamment avec l'Allemagne. L'histoire des précédentes révolutions industrielles montre que ce n'est pas parce que nous avons pris le train avec retard que nous ne pouvons pas arriver premiers... Il ne tient qu'à nous de devenir la première puissance industrielle européenne !
Il importe notamment de transformer notre marché du travail. C'est l'engagement de Muriel Pénicaud. Son projet de loi d'habilitation et les ordonnances qui suivront articuleront mieux accords d'entreprise et accords de branche, simplifieront le dialogue social et sécuriseront les relations de travail en plafonnant les indemnités prud'homales. Pour nos PME, c'est vital. Il s'agit d'une réforme pour l'emploi.
Enfin, l'universalisation du régime d'assurance-chômage, l'unification des régimes de retraite promise par le Président de la République, la modernisation de l'école et le renforcement de la formation professionnelle sont autant de clefs de la transformation économique de notre pays. Pour moi, la grande question économique, c'est l'éducation. En transformant notre système éducatif, en développant l'apprentissage, en valorisant l'alternance, en augmentant le nombre d'ingénieurs, de codeurs, d'informaticiens, de personnels formés à l'utilisation et à la réparation des robots, nous atteindrons le plein-emploi et réussirons la révolution technologique. En 2018, une loi simplifiera la vie des PME pour développer un tissu de Mittelstand équivalent à celui qu'on observe en Allemagne. J'engagerai en septembre la cession d'actifs de l'État dans certains secteurs concurrentiels afin d'alimenter un fonds de dix milliards d'euros pour l'innovation de rupture.
Deuxième pilier : réduire nos déficits pour respecter nos engagements européens. Gérald Darmanin vous présentera l'état de nos comptes publics. Notre niveau de dépenses publiques est supérieur de dix points à la moyenne européenne : 56,4 % du PIB contre 46,4 %. Si c'était efficace, nous aurions la croissance la plus forte et le taux de chômage le plus bas. Or notre taux de chômage est parmi les plus élevés et notre croissance est plus éloignée de notre croissance potentielle que ce n'est le cas chez tous nos partenaires. La réduction des déficits est essentielle pour la crédibilité de notre parole en Europe. Nous voulons que l'union monétaire devienne une vraie union économique, avec un budget pour la zone euro, un fonds monétaire européen - au lieu de laisser le FMI intervenir dans la zone euro au mépris de notre souveraineté - des capacités d'investissement et un ministre des finances de la zone euro. Mais ces propositions françaises ne seront audibles que lorsque nous serons sortis de la procédure pour déficit excessif que nous traînons depuis neuf ans et que nous nous montrerons capables de tenir nos engagements européens. Le poids de la parole de nos autorités politiques dépend directement de notre crédibilité en la matière.
Troisième pilier : alléger les prélèvements obligatoires. En cinq ans, nous réduirons la dépense publique de trois points et le niveau des prélèvements obligatoires, d'un point. Faut-il d'abord réduire les dépenses, ou tout faire en même temps ? Le Président de la République et le Premier ministre ont opté pour la seconde option, et je les soutiens entièrement : c'est ainsi que nous créerons le choc de confiance dont le pays a besoin.
Nous baisserons donc les impôts de 11 milliards d'euros en 2018. D'abord, par souci de stabilité fiscale, nous ne remettons pas en cause la baisse de 7 milliards d'euros décidée par le précédent Gouvernement. L'augmentation du taux du CICE, de 6 % à 7 %, sera maintenue, pour un coût de 4 milliards d'euros, tout comme le crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires, pour 500 millions d'euros. L'extension du crédit d'impôt sur les services à la personne, qui y donne accès aux familles les plus modestes, et coûte un milliard d'euros, sera aussi maintenu. Ajoutons le contrecoup des mesures d'acompte pour 2017, soit un milliard d'euros supplémentaires, et nous arrivons à 7 milliards d'euros de baisse d'impôt pour les ménages, décidées par nos prédécesseurs, et que nous maintenons intégralement.
Nous y ajoutons, dès 2018, l'allègement de la taxe d'habitation, pour un montant de 3 milliards d'euros, et la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune, remplacé par un impôt sur les valeurs immobilières, pour un coût de 3 milliards d'euros. Le prélèvement forfaitaire unique coûtera un milliard d'euros, mais simplifiera la fiscalité de l'épargne, ce qui nous rendra plus attractifs pour les investisseurs tout en étant plus juste envers les ménages. Enfin, nous mettrons en place une fiscalité énergétique et écologique consistant à rapprocher le prix du diesel de celui de l'essence, pour deux milliards d'euros, et nous alourdirons la fiscalité sur le tabac de 500 millions d'euros. Solde net : 11 milliards d'euros de baisses d'impôts pour 2018. C'est considérable. Le sens de ces mesures est de soutenir les entreprises pour qu'elles créent plus d'emplois. Cadeaux fiscaux ? Sortons de ces préjugés ! Nous ne faisons de cadeaux à personne, mais nous souhaitons rendre nos entreprises plus compétitives pour qu'elles créent de l'emploi. Nous allégeons la pression fiscale sur des ménages qui n'en peuvent plus. Et nous réorientons la fiscalité dans un sens écologique. Vous voyez que notre cap est clair !