Intervention de Jean-Noël Cardoux

Commission des affaires sociales — Réunion du 26 juillet 2017 à 9h05
Situation des urgences hospitalières en liaison avec l'organisation de la permanence des soins — Examen du rapport d'information

Photo de Jean-Noël CardouxJean-Noël Cardoux, rapporteur :

Le financement est également le principal frein au déploiement de la télémédecine.

Introduite dans le code de la santé publique par la loi HPST de 2009, la télémédecine offre un potentiel considérable pour les zones sous-dotées, comme nous avons pu le constater dans le Loiret, au cours d'une démonstration sur le fonctionnement d'un chariot de télémédecine. Celui-ci fait intervenir un infirmier ou auxiliaire médical pour l'examen physique du patient, tandis que le médecin n'est mobilisé à distance que pour le temps qui exige son expertise et ses compétences. La démonstration était particulièrement impressionnante.

En matière de télémédecine, l'expérimentation prévue par les lois successives (lois de financement de la sécurité sociale pour 2014, puis pour 2017) n'a eu que des effets dilatoires sur le déploiement de ces techniques, alors que la dernière convention médicale s'est engagée sur la prise en charge de deux types d'actes dans les EHPAD.

Nous avons été pour le moins surpris, lorsque le directeur général de la Haute autorité de santé nous a indiqué que le critère d'évaluation des actes de télémédecine était la durée de vie des patients pris en charge de cette manière par rapport aux autres patients. Ce critère n'a pas plus de sens pour la télémédecine que s'il était appliqué à une consultation ordinaire. Il ne s'agit plus d'évaluer les apports de la télémédecine, mais bien de définir comment doit intervenir sa prise en charge.

Là encore, il ne s'agit pas d'une réponse unique, mais d'un outil dont il ne faut plus retarder le déploiement.

Nous en terminerons avec le levier considéré comme le plus efficace par nos différents interlocuteurs, celui qui consiste à tisser un lien entre un futur médecin et un territoire au cours de sa formation, via des bourses d'études et des stages.

Nous avons pu le constater au cours de nos déplacements, les installations de professionnels sont toutes issues d'histoires personnelles : le hasard d'un remplacement, la découverte d'un territoire au cours d'un stage, le retour dans sa famille, le suivi d'un conjoint...

La loi HPST a créé le contrat d'engagement de service public afin d'inciter les étudiants et internes en médecine à s'installer en zone sous-dotée. L'aide est importante, 1 200 euros par mois, mais le bilan reste modeste malgré le volontarisme des ARS ; le nombre de ruptures de contrat va croissant (15 en 2015), les allocations étant remboursées en fin d'études malgré le montant élevé des pénalités prévues en pareil cas. Les étudiants reprochent au dispositif son manque de lisibilité - ils ne savent pas sur quelle zone ils s'engagent - et la faiblesse de l'accompagnement : ils n'ont parfois aucun contact avec l'ARS pendant la durée du contrat.

Il nous semble qu'il faut personnaliser et accompagner davantage cet engagement, qui ne doit pas être une simple bourse d'études. Dans les conditions actuelles, on comprend que les étudiants hésitent. Il faut vraiment faire du sur-mesure dans ce type de dispositif.

Enfin, le développement des stages de médecine générale en ville est une impérieuse nécessité. Introduit il y a 20 ans dans le deuxième cycle des études médicales, pour une durée de trois mois, il n'est pas encore généralisé.

Le soutien au recrutement de maîtres de stage et la valorisation de cette fonction nous semblent indispensables, de même que la généralisation et l'augmentation de la durée du stage de médecine générale au cours de l'externat. Certains assouplissements semblent également nécessaires, notamment sur la possibilité d'agréer des lieux de stage hors de la zone de rattachement de l'université dans les zones « frontière ». Il nous a semblé absurde qu'un étudiant venu de Reims ne puisse pas effectuer son stage dans l'Aisne, alors que peinent à y venir les étudiants de la faculté d'Amiens.

En conclusion, même si nous n'avons pas identifié de grande mesure phare susceptible de résoudre à court terme tous les problèmes de démographie médicale, les leviers d'incitation au développement de l'offre de soins dans les zones sous-denses existent. Ils appellent, de la part des pouvoirs publics et des territoires, souplesse et imagination, sans nécessairement chercher à reproduire l'existant.

Le modèle du médecin de campagne dévouant sa vie à ses patients plus de 70 heures par semaine est sans doute en voie de disparition, mais il peut être remplacé par un autre modèle pluriprofessionnel en réseau et pour partie à distance, sans sacrifier pour autant les besoins de santé des populations.

Il reste que la politique sanitaire ne peut répondre isolément à l'ensemble des défis d'aménagement du territoire dans notre pays. Elle doit s'inscrire dans un plan d'ensemble pour les zones qui comportent bien d'autres facteurs de fragilité.

Voici, monsieur le président, mes chers collègues, les principales observations et recommandations que nous souhaitions vous présenter.

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