Merci de vous être emparés de ce sujet capital, qui sert de lien à la création française et internationale, comme le rappelaient les précédents orateurs.
Nous sommes tous d'accord pour dire que le préalable à cette modification de la chronologie des médias est la mise en place d'une lutte efficace contre le piratage, sans laquelle nous n'aurons pas de résultats.
La vidéo physique et dématérialisée a bénéficié d'une importante évolution de sa fenêtre, puisque la salle de cinéma a abandonné deux mois d'exclusivité lors des précédentes négociations en 2009, sa fenêtre passant de six à quatre mois mais le marché de la vidéo physique a continué à s'écrouler, sans que celui de la vidéo dématérialisée n'ait pris le relais.
Je tiens à affirmer haut et fort que la salle de cinéma représente un rempart contre le piratage. Il n'y a de copies piratées qu'en cas de mise en ligne d'un fichier numérique. Les films français ne sont en effet quasiment pas piratés pendant leur période d'exploitation en salle. Raccourcir cette fenêtre reviendrait donc à mettre une copie pirate sur le marché.
Notre message principal consiste à dire que le problème de l'adaptation de la chronologie des médias n'est plus celui de la salle. Elle a tout donné. Elle est à quatre mois, et a perdu les deux tiers de sa fenêtre en quinze ans. Comme les autres diffuseurs, elle bénéficiait de douze mois. Nous sommes passés à six mois, puis à quatre mois. Tous les autres opérateurs ont vu leur fenêtre maintenue dans la durée.
Je me permets une boutade : si tout le monde réduit sa fenêtre à quatre mois, comme les salles, la SVàD va parvenir à seize mois ! Or je ne pense pas que le fait de réduire d'un mois la fenêtre des salles - ce qui amènerait la SVàD de 36 à 35 mois - règle le problème de la chronologie des médias. Nous pensons que la problématique de la chronologie des médias n'est plus une problématique de la salle, mais bien de l'exploitation des oeuvres dans la filière.
Oui, les salles de cinéma se portent bien. Oui, elles sont aujourd'hui les principaux financeurs du cinéma français, mais tout cela n'est acquis que grâce à des d'investissements importants de notre filière, aux côtés des auteurs et des créateurs, dans des oeuvres toujours plus diverses, que les salles de cinéma s'entendent pour projeter dans les meilleures conditions possibles, et dans leur grande diversité. Seule la salle de cinéma expose toutes les oeuvres.
On peut aussi se demander pourquoi la vidéo n'expose que 20 % de films français, contre entre 35 % et 40 % de parts de marché pour les oeuvres françaises en salle. Rappelons que la salle de cinéma fait remonter au cinéma français près de 400 millions d'euros par an grâce à la billetterie. Il faut donc la protéger.
On parlait d'expérimentations. Il y a eu des expérimentations au niveau de la Commission européenne, et c'est justement parce qu'elles n'ont rien donné qu'elles ont été arrêtées. Aujourd'hui, le Day and Date est un faux débat. Il faut laisser sa fenêtre d'exclusivité à la salle de cinéma qui, présente sur tout le territoire, joue un rôle social et culturel de proximité.
Soyons clairs : nous ne sommes pas particulièrement privilégiés. Les Allemands ont une fenêtre à six mois, les Britanniques ont, comme la France, une fenêtre à quatre mois, et tous les autres pays européens sont compris entre quatre et six mois. Ces chiffres émanent de la Fédération internationale de la vidéo.
La fenêtre des salles est également la seule qui bénéficie d'une dérogation conforme au droit européen. Aujourd'hui, un quart des films peut prétendre à obtenir une dérogation. Ce sont certes les plus faibles, mais ceux-là pourraient sortir à trois mois. Pourtant, personne ne saisit l'opportunité. On peut se demander pourquoi...
Lors de nos premiers tours de table, nous avons réalisé une avancée très importante en nous mettant d'accord pour porter ce chiffre à 50 %. La moitié des films pourraient donc obtenir une dérogation à trois mois, contre 25 % dans les autres cas.
Enfin, je voudrais combattre les idées reçues à propos des salles de cinéma françaises. On nous dit que 80 % des entrées se font au cours des six premières semaines d'exploitation. C'est vrai, mais les 20 % restants sont réalisées sur les territoires. Toutes les salles ne sortent pas tous les films au cours de la première semaine. La moitié des établissements, en France, sont des mono-écrans, inscrits dans un territoire de proximité, et passent les films, en moyenne, en huitième semaine. Si vous réduisez la fenêtre des salles, vous fragilisez ce réseau de proximité, qui a un rôle social et culturel.
Nous sommes bien sûr d'accord pour travailler avec tous les partenaires de la filière sur une modification de la chronologie des médias, notamment pour discuter et améliorer la dérogation, qui ne fonctionne pas actuellement, mais nous vous demandons d'être vigilants : la salle de cinéma reste aujourd'hui un pilier fondateur de notre industrie. Elle défend les oeuvres, les présente, et il faut éviter de la fragiliser.