Depuis maintenant six ans, des discussions interprofessionnelles sont engagées afin de déterminer la façon dont il est possible de faire évoluer la chronologie des médias.
Pour notre part, nous ne sommes pas signataires de l'accord conclu en 2009. À l'époque déjà, nous trouvions cette chronologie anachronique et trop rigide. Elle n'offrait aucun point d'équilibre entre deux principes importants : assurer un meilleur financement des oeuvres en protégeant les financeurs et permettre l'accès du public le plus large possible aux oeuvres, en évitant de trop fortes discontinuités dans l'exploitation de celles-ci. C'est ici que le bât blesse.
Nous critiquons surtout les modalités pratiques de la chronologie des médias, qui existaient déjà en 2009 et qui perdurent alors que ces règles sont largement dépassées. L'anachronisme que nous dénonçons porte sur l'ensemble du délai couvert, qui va de zéro à 48 mois et ne correspond plus vraiment à l'évolution des usages et de la consommation des oeuvres. Or, on ne peut omettre le souhait des utilisateurs de disposer des oeuvres rapidement, compte tenu de la vitesse à laquelle les films sont exposés et font l'objet d'une rotation.
Cela ne correspond pas non plus au besoin d'attractivité des acteurs qui financent les films qu'ils diffusent.
Un des critères fondamentaux à la base de la chronologie des médias consiste à pouvoir bénéficier d'une certaine souplesse, afin de tenir compte de la vie et de l'économie des films. Un arrêt célèbre de la Cour de justice européenne avait, en 1985, validé la chronologie des médias française, jugeant qu'elle poursuivait un objectif culturel et était également proportionnée. À l'époque, il était possible d'avoir des sorties différenciées, notamment en vidéo, en fonction du succès d'un film en salle. Cette souplesse avait été reconnue et validée comme un critère important.
Nous pensons que la réflexion ne peut pas non ignorer les évolutions positives introduites au Sénat dans la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, avec la mise en place de l'exploitation suivie des oeuvres. On ne peut aboutir collectivement à un accord interprofessionnel sur ce sujet et se heurter à l'autre accord de 2009 qui organise les conditions d'une certaine forme de discontinuité dans l'exploitation. L'une des raisons essentielles pour lesquelles nous n'avions pas signé l'accord de 2009 réside dans le fait qu'un film qui n'a été ni préacheté ni acheté par une chaîne payante ou une chaîne diffusée en clair est interdit d'exploitation sur le territoire français entre dix mois et 36 mois après sa sortie en salle. La dernière proposition du CNC combinait des fenêtres coulissantes et des fenêtres glissantes pour éviter les discontinuités. Pour notre part, nous nous sommes déclarés assez sensibles à cette proposition, qui offrait une plus grande souplesse.
On offrait ainsi à Canal+ la possibilité d'exploiter les oeuvres six mois après leur sortie en salle, à condition de financer les films dans une certaine proportion. Mais c'était avant que Canal+ ne confirme son refus d'acquitter le paiement des droits d'auteur...
J'en profite pour vous remercier de votre vigilance à ce sujet. Un acteur qui bénéficie d'un avantage dans l'exposition ou d'une certaine forme de souplesse est forcément un acteur vertueux. Celui-ci ne peut se contenter de payer ses impôts et de respecter ses obligations, il doit également payer les droits d'auteur et respecter les engagements qu'il a signés. Nous sommes dans un État de droit où chacun doit respecter ses obligations. Si l'on n'est pas satisfait du contrat, on le dénonce. Pour l'instant, Canal+ n'en a dénoncé aucun. Il s'est contenté de ne pas payer, estimant que cela lui revenait trop cher. Les plateformes de VàD, qu'il s'agisse de Netflix ou d'Amazon, respectent scrupuleusement les contrats et paient les auteurs. Si des souplesses doivent être accordées aux plateformes de VàD pour une exploitation précoce des films, via des fenêtres glissantes ou des fenêtres plus courtes, les plateformes doivent respecter leurs obligations et se montrer vertueuses. Mais, du fait du délai de 36 mois, toutes les plateformes de VàD, vertueuses ou non, sont soumises à la même règle.
On vit un moment important dans la transition du paysage audiovisuel. L'enjeu est de pouvoir exiger des acteurs qu'ils respectent les obligations qui s'imposent normalement aux opérateurs de télévision ou de VàD. Il ne faut toutefois pas vouloir à tout prix insérer des acteurs dans un modèle contraignant sans créer les conditions de l'attractivité du modèle français.