Intervention de Céline Sciamma

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 12 juillet 2017 à 9h00
Chronologie des médias — Audition conjointe de représentants des producteurs créateurs exploitants et distributeurs

Céline Sciamma, réalisatrice et coprésidente de la Société des réalisateurs de films (SRF) :

La SRF est composée de 300 réalisateurs, qui vont du réalisateur de courts-métrages à Jacques Audiard.

La position que j'exprimerai est une position d'auteur, donc à ce titre très engagée. En effet, la chronologie des médias structure l'existence même de nos oeuvres, leur préfinancement, leur diffusion, leur exposition, la rémunération des droits d'auteur, la lutte contre le piratage. Nous sommes donc extrêmement vigilants. C'est un bel objet auquel on doit faire attention, mais qui doit absolument être repensé, réformé.

Nous défendons un secteur qui doit sortir des réflexes conservateurs, ce qui est toujours compliqué. Il existe une forme d'unanimité sur les principes, mais le diable se cache dans les détails...

Je partage l'idée que la lutte contre le piratage est le préalable à toute discussion. C'est en réformant la chronologie des médias qu'on luttera contre ce fléau.

Notre credo se fonde sur le fait qu'il faut absolument penser la place de chaque opérateur dans la chronologie des médias en fonction de sa contribution au financement de la création.

En ce qui concerne la vidéo, nous sommes favorables à un dégel total de la VàD et à une dérogation pour certains films en créant une commission de diffusion des films, sous l'égide du CNC, qui réunirait des représentants de la filière pour permettre d'assouplir la fenêtre des salles dans des conditions très encadrées. En tant qu'auteurs, nous aimons la salle. C'est pourquoi il faut être plus souple, afin que la salle et nos films ne meurent pas.

La salle ne remplit cependant pas toujours son rôle de prescription. 90 % des entrées pour les films français se font dans les cinq premières semaines d'exploitation. C'est une fenêtre que l'on peut donc assouplir sans la mettre en danger. Il convient d'expérimenter les nouvelles formes d'exploitation -les sorties simultanées, les sorties géolocalisées sur les territoires sur lesquels les films ne sont pas distribués, les sorties anticipées en vidéo- afin de créer des synergies marketing entre la salle et la vidéo et, surtout, en cas d'insuccès, faire en sorte que le film puisse être vu, sans jamais rompre la chaîne de l'exploitation des oeuvres.

Nous sommes, pour ce qui est des chaînes payantes, favorables à un avancement des fenêtres en fonction du montant de leur contribution financière au cinéma, à la fois pour privilégier les plus gros financeurs et inciter les autres, notamment les nouveaux entrants, à investir davantage, en combinant plusieurs critères pour organiser l'avancé des fenêtres, qui se fonde sur les accords que nous avons avec des diffuseurs comme Canal+ et OCS. Ces critères garantissent la vertu, une contribution calculée en pourcentage du chiffre d'affaires, un minimum garanti (MG) par abonné, un montant d'investissement en valeur absolue et une clause de diversité. Ils s'appliquent pour l'instant à Canal+, qui investit 150 millions d'euros dans le cinéma français, mais pourraient concerner de nouveaux entrants.

Nous sommes favorables à une avancée nette de la SVàD, peut-être à 18 mois. Il s'agit d'un relais économique important. Cette avancée s'assortirait de la contribution à la production cinématographique et d'un accord avec la profession.

Il existe un niveau très élevé d'attente du public. Il ne faut pas le sous-estimer. Les géants américains arrivent sur le marché français sans nous demander d'autorisation. Une réforme ambitieuse est donc nécessaire. Concernant les chaînes en clair, nous appliquons la logique de l'équilibre global. Si les chaînes payantes avancent, les chaînes en clair avancent également. Elles passeraient donc à 18 mois en cas d'accord avec la profession, ou à 20 mois par défaut. Nous sommes également favorables au principe des fenêtres glissantes.

Certains pensent que bouleverser la chronologie des médias revient à tuer la salle et mettre en danger l'exception culturelle. Nous pensons précisément l'inverse : il faut absolument repenser la chronologie des médias pour sauver notre modèle de l'obsolescence.

La France a toujours su inventer un système ingénieux, moderne et juste, comme pour les obligations de Canal+. Il est de sa responsabilité de continuer à le faire.

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