Nous sommes très attachés à la chronologie des médias, qui organise la contribution du financement et l'exposition des oeuvres. Nous tenons également à ce mécanisme dans un cadre d'accords interprofessionnels.
Le cinéma est un sport d'équipe : faire signer toute la filière autour d'une organisation collective et commune me paraît constituer le signe du bon fonctionnement de notre métier. Il faut continuer sur ce mode. C'est ainsi que nous avons toujours fonctionné. Nous avons il y a peu signé des accords sur la transparence qui ont été difficiles à faire aboutir. Cependant, nous avons démontré notre volonté commune sur ce point.
Nous considérons que l'on doit travailler à la modernisation de la chronologie des médias.
On parle beaucoup de numérique. J'ai beaucoup d'amis dans la musique, ils sont aujourd'hui chômeurs pour une grande part. Le numérique entraîne la destruction de beaucoup de valeurs. Notre métier a la chance de disposer d'une organisation collective en matière de financement de la diversité. Nous y sommes très attachés, qu'il s'agisse de documentaires à 400 000 euros ou de films à 6 millions d'euros.
Je suis très attaché à tout ce qui se passe en salle, dans les régions. On dit qu'il existe plus de 6 000 écrans en France, même dans des endroits très lointains, qui accueillent des festivals du documentaire.
La salle est protégée du piratage. En tant que producteurs, réalisateurs, scénaristes, nous ne sommes favorables ni au raccourcissement des délais ni aux expérimentations. Je pense qu'elles ont été déjà tentées dans des régions où n'existe pas de salle. Quand on ouvre des salles en Guadeloupe ou en Nouvelle-Calédonie, on découvre qu'il existe un public. Je produis des films pour le cinéma, qu'il s'agisse d'oeuvres à 6 millions d'euros ou à 500 000 euros. Ce sont ces films qui ont besoin de temps et qui mettent longtemps à rencontrer leur public. La salle est donc très importante. C'est en outre l'essence même de notre métier, car c'est une expérience collective. Le cinéma est avant tout formidable dans une salle. Il est intéressant de visionner des films sur une tablette, mais le désir n'est pas le même. Ce n'est en tout cas pas l'essence de mon métier.
Cet attachement n'empêche pas de penser à l'avenir. Nous sommes ainsi favorables au dégel de la VàD, qui nous paraît très important. Le marché du DVD a non seulement chuté, mais lorsqu'on réalise des ventes identiques en numérique et en DVD, ce dernier rapporte trois fois moins. Certes, le numérique, c'est l'avenir, c'est formidable, c'est jeune, mais il représente une grande destruction de valeurs pour notre métier. Il faut demeurer vigilant, car le danger pèse sur tout le monde, techniciens, producteurs, auteurs, réalisateurs. J'en profite pour dire que les producteurs indépendants sont aux côtés des auteurs dans leurs discussions avec Canal+...
Nous soutenons évidemment les fenêtres glissantes - dont nous sommes d'ailleurs plus ou moins les inventeurs - mais dans un cadre strictement suivi. Il peut aussi se trouver des cas ou les fenêtres de préachat ou d'achat de chaînes payantes n'ont pas été pré-vendues ou vendues, mais il faudrait s'assurer que, si les fenêtres glissent, ce n'est pas au détriment des auteurs et des producteurs.
Il nous semble très important de mener des réflexions sur la chronologie des médias en tenant compte de la contribution effective des diffuseurs sous forme de préachat, d'investissement par abonné, du nombre d'oeuvres financées et de clauses de diversité. De nouveaux opérateurs arrivent et sont heureux de préacheter cinq films pour vendre leur abonnement, mais leur idée est de bénéficier du système sans y contribuer. C'est très dommageable pour toute la filière...
Nous ne sommes favorables ni au Day and Date ni à la géolocalisation. Notre système est organisé de manière assez complexe. Dès qu'on modifie quelque chose, cela a des conséquences sur le reste. Il faut donc être assez prudent.
En revanche, ce marché de 213 millions de spectateurs en salle est très attractif. C'est ce qui attire beaucoup de ceux qui ont envie de diffuser quand ils veulent des films fabriqués avec l'argent des autres. Ne soyons donc pas naïfs !