Intervention de Jean-Michel Counillon

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 12 juillet 2017 à 14h35
Chronologie des médias — Audition conjointe de représentants des télévisions gratuites

Jean-Michel Counillon, secrétaire général, TF1 :

Xavier Couture et moi partageons une analyse globale sur le piratage et sur l'exploitation du cinéma sur les grandes chaînes en clair. TF1 est le deuxième financeur de cinéma parmi les chaînes en clair, avec une autre logique économique que France TV, ce qui induit des positions différentes dans le débat complexe sur la chronologie des médias. France TV contribue plus que TF1 au financement du cinéma mais surtout, il répartit ses apports entre des films très divers ; TF1 concentre ses 46 millions d'euros d'investissement sur 17 films, car il doit rentabiliser toute diffusion... et ce dans un environnement règlementaire de financement du cinéma qui date des années quatre-vingt-dix, autant dire le crétacé supérieur de l'audiovisuel.

Pour nous, la chronologie des médias, c'est une organisation temporelle de l'exploitation des films qui repose sur la complémentarité des fenêtres eu égard aux modalités de financement. Il faut se poser le problème des modalités, précisément. TF1 finance et exploite des films dans le cadre restrictif du décret de 1990, et se heurte à l'arrivée de nouveaux acteurs, à la concurrence des Gafa, à la multiplication des chaînes, à la numérisation de la TNT, aux nombreuses exploitations en amont sur les fenêtres payantes... Si bien qu'un film, quelle que soit sa performance sur TF1, a une marge négative, avec des modalités aussi restrictives qu'en 1990. C'est pourquoi nous nous sommes adressés à l'ensemble de la profession, estimant qu'il fallait adresser un message clair aux pouvoirs publics et appeler à une refonte des modalités de financement du cinéma par les chaînes en clair.

Nous proposons de faciliter les opérations de financement, qui se feraient non plus par chaîne, mais par accord de groupe. Toutes les chaînes de la TNT auraient la possibilité de contribuer à une modalité de financement inédite, avec pour effet de mieux faire circuler les films d'une chaîne à une autre, mais également de mieux les amortir en aménageant plusieurs diffusions sur une fenêtre préfinancée. Ce système impliquerait aussi le versement d'un bonus au cinéma ou la multiplication du nombre de fenêtres de diffusion quand le film est acheté pour TF1 et finalement diffusé sur une chaîne de la TNT.

Aujourd'hui, plusieurs chaînes de télévision en clair peuvent financer le même film, en achetant plusieurs fenêtres simultanées, ce qui est préjudiciable à la diversité. Le système de groupe unique en clair évite ces effets pervers.

Une chose est sûre, la chronologie des médias doit s'adapter à la profusion des exploitations. Un film arrive 28 mois voire 36 mois après sa sortie sur une chaîne en clair. Entre-temps, il a été piraté, et il a été extrêmement regardé. Quant au système de télévision de rattrapage de Canal +, c'est en réalité une fenêtre SVOD ouverte à 12 mois.

Si nous ne modifions pas les modalités de financement du cinéma pour les chaînes en clair, je ne suis pas favorable à une nouvelle chronologie des médias. Nous perdons déjà de l'argent avec le système d'amortissement actuel. Introduire de nouveaux acteurs entre la sortie en salle et la fenêtre en clair est pour nous inacceptable. Il faut donc redéfinir les modalités de financement du cinéma, avec un système de financement par groupe et un meilleur amortissement. Alors, et seulement alors, nous serions ouverts à une modification de la chronologie. France Télévisions a une contrainte de diversité à honorer. Nous, nous avons une contrainte d'amortissement. C'est ce qui nous différencie.

Deux aspects fondamentaux de la régulation doivent également être modifiés. La France est le seul pays où des secteurs sont encore interdits à la publicité télévisuelle : on ne peut rien dire des promotions dans la grande distribution, ou sur le cinéma lui-même. Aujourd'hui, le cinéma ne peut toujours pas faire de publicité sur les chaînes qui le financent : c'est absurde ! Nous demandons aussi une troisième coupure publicitaire pour les films d'une durée supérieure à 1 heure et 45 minutes. À l'heure actuelle, nous n'avons droit qu'à deux.

De grâce, donc, ne dissociez pas la chronologie des médias du financement du cinéma. Si vous les découplez, vous créerez des ruptures économiques qui auront de graves conséquences.

Nous avons entendu dire que Canal+ voulait avancer la fenêtre payante à six mois après la sortie en salles. C'est une proposition à étudier : une première fenêtre payante à 12 mois après l'ouverture à six mois proposée, cela fait 18 mois, plus une deuxième fenêtre à six mois pour que les chaînes en clair puissent systématiquement ouvrir leur fenêtre à 22 mois, sans aucune autre variable d'ajustement.

Pour ce qui concerne le SVOD, je ne suis pas favorable à l'ouverture avant 36 mois. Avec sa télévision de rattrapage, Canal+ ouvre en réalité à 12 mois. Nous ne voulons pas qu'il ouvre à six mois.

Par ailleurs, tous les autres acteurs, Netflix, Amazon, par exemple, ne sont pas vertueux. Il n'y aucune raison de faire bouger la chronologie pour ces gens, qui ne sont même pas établis sur le territoire français. La fenêtre à 36 mois nous protège contre ces acteurs, que j'appelle des pirates.

Pour ce qui est la proposition de France Télévisions d'ouvrir la vidéo à l'acte dans nos fenêtres, elle est intéressante. Mais alors, il faudrait que cela soit à notre profit exclusif.

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