Intervention de Maxime Saada

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 12 juillet 2017 à 14h35
Chronologie des médias — Audition conjointe de représentants des télévisions payantes

Maxime Saada, directeur général de Canal+ :

Au fond, nos positions, à l'exclusion de celle d'Altice, ne sont guère éloignées. Le CNC a cru qu'il pourrait régler tous les problèmes en discutant de manière bilatérale avec les acteurs du secteur ; je ne sais si c'était la meilleure méthode, mais je constate que malgré tous ses efforts, elle a échoué.

Nous ne sommes pourtant pas opposés à concéder aux chaînes hertziennes une augmentation du nombre de coupures publicitaires, ni à évoluer sur la question des jours interdits - à condition que nous obtenions à notre tour de nouveaux droits. Mais contrairement aux acteurs du cinéma, qui sont très nombreux, les diffuseurs et les financeurs sont bien plus faciles à réunir autour d'une table et il devrait être aisé de trouver un terrain d'entente.

L'attitude d'Altice y ferait toutefois obstacle. Une diffusion depuis le Luxembourg pour des raisons techniques ? Nous arrivons bien, tous autant que nous sommes, à diffuser depuis la France ! Altice préachète des films et les diffuse depuis le Luxembourg sur la fenêtre de Canal+ sans avoir pris aucun engagement en matière de soutien au cinéma français, tandis que nous consacrons, aux termes de l'accord interprofessionnel que nous avons signé, 12,5% de notre chiffre d'affaires à l'achat de films français et européens. Pourquoi un acteur dispensé d'un tel effort bénéficierait-il des mêmes avantages que nous ? Je ne pourrai pas laisser cette situation perdurer très longtemps.

Je comprends la demande d'Altice, nouvel entrant, de pouvoir proposer un service de SVoD dans la fenêtre de la télévision payante, mais je ne comprends pas les arguments qu'ils avancent pour l'étayer. Dès le 22 août, la plateforme Altice Studio pourra diffuser le film d'Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri dont nous parlions sans attendre les 36 mois réglementaires alors qu'elle n'aura en aucune façon participé au financement du cinéma ! Concurrencer ainsi des acteurs qui financent la création à hauteur de 220 millions d'euros par an sera destructeur de valeur, cela ne fait aucun doute. Si Netflix ou toute autre plateforme achetant des droits dans cent cinquante pays et dont l'abonnement coûte dix euros bénéficie demain de notre fenêtre, le cinéma disparaîtra totalement de Canal+, c'est une certitude absolue. Le risque pour le financement du cinéma français est majeur.

Je ne comprends pas non plus l'argument qui veut que le soutien à la SVoD ferait barrage aux acteurs asiatiques. Les principales plateformes sont américaines : Netflix a plus de 100 millions de clients, et la première plateforme en France n'est pas SFR mais Amazon ! On ne le sait pas encore car leur campagne de communication n'a pas démarré, mais les 3 millions de personnes abonnées à leur offre Prime bénéficient depuis deux mois de vidéos à la demande. Si on accédait à la demande de SFR, ces plateformes américaines en seraient les premières bénéficiaires, alors qu'ils ne contribuent en rien au financement de la création, ne paient aucun impôt en France et ne respectent aucun quota...

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