Intervention de Jean Bizet

Commission des affaires européennes — Réunion du 13 juillet 2017 à 9h10
Institutions européennes — Audition de M. Alar Streimann ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire d'estonie en france

Photo de Jean BizetJean Bizet, président :

En votre nom à tous, je veux saluer M. Alar Streimann, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire d'Estonie.

Monsieur l'Ambassadeur, nous sommes très heureux de vous accueillir aujourd'hui au Sénat. Votre pays vient de prendre pour la première fois la présidence de l'Union européenne. Nous sommes persuadés que vous saurez conduire cette présidence avec détermination et vous souhaitons un plein succès.

Les défis sont nombreux, à commencer par la négociation du Brexit. Ici, au Sénat, nous avons exprimé des convictions fortes et défini des lignes rouges. Nous pensons qu'un échec des négociations est possible. Nous serons très vigilants sur le maintien de l'unité et de la cohésion des 27 États membres. Nous demandons que les parlements nationaux, qui devront ratifier le futur accord, soient informés et consultés. Enfin, nous estimons qu'un État ne peut prétendre obtenir plus d'avantages en étant en dehors de l'Union européenne qu'à l'intérieur, et que les quatre libertés fondamentales sont indissociables. Nous voulons un dialogue constructif avec ce grand pays dont nous déplorons la décision. Mais nous devrons rester fermes pour défendre les intérêts de l'Union.

Votre présidence devra également gérer la crise des réfugiés, qui demeure aiguë. Nous voulons une réponse humaine, conforme aux valeurs de l'Union, mais qui soit aussi réaliste. L'Union doit maîtriser ses frontières extérieures, notamment à travers Frontex, qui a réalisé de grands progrès. Elle doit lutter contre les trafiquants qui s'enrichissent sur la misère humaine. Elle doit aussi amplifier les partenariats avec les pays tiers concernés. Nous devons être solidaires avec nos amis italiens et grecs qui se trouvent en première ligne. Les rapports de M. Reichardt et de M. Leconte sur ce point sont éclairants et malheureusement inquiétants.

La sécurité est un autre enjeu majeur. Face à la menace terroriste, l'Union doit jouer tout son rôle en appui des États membres. Il faut développer l'échange d'informations entre les services spécialisés et assurer le contrôle des entrées et des sorties de l'Espace Schengen. Nous attendons par ailleurs des initiatives fortes sur l'Europe de la défense. C'est en ce sens que nous soutenons la création d'un fonds européen de défense doté de 500 millions d'euros.

Nous attendons beaucoup de votre présidence pour faire progresser le marché unique du numérique. Nous connaissons votre expertise en ce domaine, l'Estonie, à l'instar des autres Pays baltes, étant très en avance sur nous. Je veux aussi attirer votre attention sur le défi de l'intelligence artificielle. La commission des affaires européennes a souhaité s'y engager avec acuité dès la rentrée, car elle sera au coeur de la digitalisation de l'économie et de la mutation de l'ensemble de l'économie mondiale. L'Europe ne doit pas être en retard par rapport aux États-Unis et les fameux GAFA - Google, Apple, Facebook et Amazon. Elle doit donc promouvoir ses normes dans ce domaine.

Votre présidence devra poursuivre l'édification de l'Union de l'énergie. Nous venons d'adopter une position sur cette question. Il faudra aussi réorienter la politique de la concurrence de façon que les entreprises puissent conquérir de nouveaux marchés à l'échelle tant européenne que mondiale. Notre commission a longuement examiné ce sujet, car la politique de la concurrence est une compétence exclusive de l'Union depuis un demi-siècle. Les règles doivent évoluer, mais nous avons du retard, car le temps économique va beaucoup plus vite que le temps politique. Il serait bon d'inciter Mme Vestager à modifier sa vision du concept de marché pertinent ou de position dominante.

Nous voulons que les accords commerciaux avec le reste du monde soient équitables et bénéfiques pour tous. L'Union ne doit pas hésiter à mettre en place des instruments de défense commerciale, chaque fois que ses partenaires ne respectent pas la règle du jeu. Elle doit aussi combattre l'extraterritorialité des lois américaines, qui constitue une violation du droit international. À ce propos, le Sénat américain vient de prendre une décision sur les entreprises qui seraient impliquées de près ou de loin dans le dossier du North Stream 2. Nos amis américains ne devraient pas interférer dans des dossiers privés, même s'ils sont au coeur de la réindustrialisation de l'Europe. Malheureusement, les concepts de confiance et de réciprocité en matière d'accords commerciaux internationaux sont loin d'être la règle. Nous sommes donc extrêmement sourcilleux sur ce point.

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