Intervention de Simon Sutour

Commission des affaires européennes — Réunion du 27 juillet 2017 à 8h35
Politique de coopération — Politique méditerranéenne de l'union européenne le cas de l'algérie : examen du rapport d'information de m. simon sutour

Photo de Simon SutourSimon Sutour :

Comme vous l'avez indiqué, monsieur le président, ce travail se situe dans une certaine continuité : notre commission a toujours jugé d'importance la politique de voisinage au sens large, particulièrement avec les pays de la rive sud de la Méditerranée. Y compris au niveau géostratégique, ainsi que l'on s'en rend compte aujourd'hui. En 2013, nous nous étions intéressés au Maroc et à la Tunisie, en 2014 à la Jordanie, en 2016 à l'Égypte et nous consacrons ce rapport 2017 à l'Algérie. Je forme le voeu que la commission dans sa nouvelle composition poursuive, à la rentrée, ce travail.

Lorsque nous avons engagé cette réflexion, nous pensions que l'Algérie, compte tenu de la rente pétrolière qui lui a longtemps assuré l'indépendance financière - même si la situation a, de ce point de vue, évolué - n'était guère demandeuse. Sur place, j'ai pu me rendre compte que la coopération est beaucoup plus développée qu'on ne l'imaginait. Et cela a des conséquences très positives. Venant d'une région toute proche, riveraine de la Méditerranée, j'en mesure tout le prix.

Les relations entre l'Algérie et l'Union européenne sont anciennes. Elles ont été établies dans la foulée de l'accession à l'indépendance. Un accord de coopération, d'une durée illimitée, destiné à contribuer au développement économique et social de l'Algérie, a ensuite été signé en 1976. Enfin, la déclaration de Barcelone en 1995 et la mise en place d'une véritable politique de voisinage ont permis la signature d'un accord d'association le 22 avril 2002, six ans après l'adoption d'un traité équivalent entre l'Union européenne et le Maroc.

Le texte vise en premier lieu le développement des échanges. La mise en place de l'accord a été accompagnée de financements européens. Les crédits accordés pour la période 2014-2020 sont ainsi compris entre 221 et 270 millions d'euros. Vous trouverez le détail de ces crédits dans le rapport. Un programme d'appui à la mise en oeuvre de l'accord d'association (P3A) a également été installé afin de multiplier les jumelages avec les États membres pour rapprocher la législation algérienne de l'acquis européen. Ces jumelages se font pour moitié avec la France, pour moitié avec d'autres pays, comme l'Allemagne, l'Italie ou l'Espagne. Ce programme, qui facilite, par exemple, les échanges entre fonctionnaires de différents ministères, fait évoluer les choses dans le bon sens. Pour m'être rendu dans les bureaux du P3A, je puis vous dire que ceux que j'y ai rencontrés sont compétents, motivés, et que le programme est très apprécié car il permet à ses responsables de voir comment les choses se passent en Europe.

La question énergétique - l'Algérie a toujours été un partenaire fiable pour l'Union, même durant la décennie noire, qui a fait des dizaines de milliers de morts - a, quant à elle, été l'objet d'un suivi particulier au travers d'un partenariat stratégique énergétique entre l'Union européenne et l'Algérie engagé en septembre 2013. On sait combien il est essentiel pour l'Union européenne d'assurer la diversité de son approvisionnement énergétique pour éviter la dépendance.

L'accord d'association devait permettre l'établissement progressif d'une zone de libre-échange entre l'Union européenne et l'Algérie, à l'issue d'une période transitoire de douze ans. Force est de constater que ce délai n'a pas été respecté - mais il est vrai que c'est le cas de nombreux accords d'association. L'Union européenne est certes le plus grand partenaire commercial de l'Algérie. La nature des échanges commerciaux laisse cependant apparaître une dissymétrie entre l'Algérie, État rentier n'exportant que ses hydrocarbures, et l'Union européenne, puissance commerciale au panel de produits plus développé.

Le gouvernement algérien a, dans ces conditions, rapidement estimé qu'une ouverture totale de ses barrières douanières pourrait fragiliser les productions du pays, principalement tournées vers le marché intérieur et contribuer à la dégradation de sa balance commerciale - qui se ressent aujourd'hui avec d'autant plus d'acuité que le prix du baril est bas. Il a ainsi gelé, en 2010, les concessions tarifaires accordées à l'Union européenne et introduit la règle du 49/51, qui impose au moins 51 % d'intérêts algériens dans les projets économiques impliquant des étrangers. Les autorités algériennes ont obtenu, dans la foulée, de reporter à 2020 l'ouverture totale de leur marché.

Cette réserve par rapport à l'accord européen peut étonner tant l'Algérie est surtout perméable aux importations chinoises, turques ou coréennes. Elle souligne surtout en creux l'incapacité à moderniser un modèle économique centré sur la production d'hydrocarbures qui représentent 27 % du PIB, 96 % des exportations, 49 % des recettes publiques mais seulement 2 % des emplois. Cette dépendance à la rente énergétique devient problématique face à la baisse du prix du pétrole. Les revenus tirés de l'énergie financent largement les dépenses publiques, importantes dans une économie en large partie administrée et subventionnée. Celles-ci, en augmentation constante depuis cinq ans, ne sont toutefois couvertes qu'à condition que le prix du pétrole dépasse 100 dollars. Or cette condition n'est plus remplie depuis la mi-2014 - on est aujourd'hui autour de 50 dollars.

La révision de la politique européenne de voisinage, en décembre 2015, a cependant contribué à conférer un deuxième souffle à la relation entre l'Union européenne et l'Algérie. Sans perdre de vue les objectifs, il s'agissait de se montrer plus pragmatiques. Le fait est que les contrôles sur les progrès relatifs aux standards de l'Union européenne et aux droits de l'homme ont pu être perçus comme une ingérence, si bien que les crédits n'étaient pas utilisés. La remarque vaut aussi pour l'Égypte, un pays où, au demeurant, les quelques millions d'euros venant de l'Union européenne font pâle figure au regard des milliards en provenance d'Arabie Saoudite, qui n'y met pas, de surcroît, les mêmes conditions... L'Union européenne privilégie donc, désormais, une approche moins incantatoire et plus pragmatique. Les autorités algériennes semblent, quant à elles, en demande d'un approfondissement de ces liens. Lorsque je me suis rendu sur place, j'ai été impressionné par la qualité de l'accueil qui m'a été réservé, comme parlementaire français. Mais j'ai aussi senti que mes interlocuteurs jugeaient leur pays sous-estimé. Ils m'ont rappelé que l'Algérie était le plus grand pays d'Afrique. De fait, les autorités souhaitent que soient valorisés la position géostratégique du pays, dans un contexte régional tendu - la coopération avec l'Union européenne et surtout la France en matière antiterroriste est, il est vrai, excellente - et son apport à la politique énergétique de l'Union européenne. Elles entendent dans le même temps, que ce rapprochement puisse faciliter la modernisation annoncée de ses structures économiques. Sur ce volet cependant, on reste un peu dans le dialogue de sourds, car il faut faire comprendre à nos interlocuteurs, qui souhaitent davantage d'investissements de l'Europe et de la France, que l'État français ne donne pas d'ordres aux entreprises...

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