Intervention de Dominique Martin

Commission des affaires sociales — Réunion du 1er août 2017 à 14h30
Audition de M. Dominique Martin candidat à la direction générale de l'agence nationale de sécurité du médicament

Dominique Martin, directeur général de l'ANSM :

Je ne pense pas que l'augmentation de moyens soit systématiquement la réponse à apporter. En revanche, je suis préoccupé par l'impossibilité d'une projection pluriannuelle. Lorsque j'étais directeur de la branche accidents du travail-maladies professionnelles, la programmation budgétaire se faisait sur trois ans, et j'obtenais de ne faire diminuer les effectifs qu'à partir de la deuxième année. Dans le cadre de l'Agence, nous sommes en rythme annuel, avec en outre une baisse des moyens financiers et des investissements informatiques. C'est la difficulté la plus saillante. La responsabilité d'un opérateur est aussi de se montrer raisonnable ; en revanche, pour travailler avec des effectifs moins nombreux, il faut développer des outils informatiques, donc des moyens d'investissement. On ne peut faire mieux avec moins que si l'on a le temps de s'organiser.

Deuxième préoccupation, la question de l'Europe. Notre poids à ce niveau est très en deçà de ce qu'il devrait être, ne serait-ce qu'au point de vue des effectifs. Pourtant, notre agence était, il y a une dizaine d'années, dans les tout premiers rangs. Mais depuis, les arbitrages budgétaires ont privilégié les procédures de sécurité au plan national, au détriment de l'échelon européen. Or l'EMA verse une redevance de 9 millions d'euros par an aux agences nationales au titre de leur activité au bénéfice des procédures européennes, qu'il conviendrait de sanctuariser. Dans ce domaine, un euro investi en rapporte trois ou quatre : c'est une dépense rentable. L'enjeu est par conséquent juridique : comment sanctuariser les effectifs dédiés à l'activité européenne ? C'est à ce niveau que se traitent, pour l'essentiel, la sécurité, les autorisations et la nouveauté.

Notre activité de contrôle est très importante. Nous avons prononcé à ce jour une quinzaine de sanctions financières atteignant jusqu'à 10 % du chiffre d'affaires du produit considéré - récemment, une amende de 250 000 euros a été infligée. Plusieurs dizaines de décisions d'arrêt de commercialisation sont prises chaque année ; toutes sont consultables sur le site de l'ANSM. Plus de 700 inspections annuelles sont conduites dont 10 % hors d'Europe, notamment en Chine, en Inde ou au Brésil, où la matière première est produite. Des centaines de contrôles sont conduits dans nos laboratoires, qui libèrent 40 % des lots de vaccins européens et 50 % des vaccins en France. C'est un contrôle à la fois documentaire et qualitatif.

Quant à mon apport personnel, j'estime que l'ANSM a besoin d'ouverture - avec les risques que cela comporte... Nous avons mis en place, pour évaluer le dispositif Essure de contraception définitive, un comité d'experts qui s'est réuni publiquement, en présence d'une quinzaine de journalistes, pour auditionner les industriels et les spécialistes gynéco-obstétriciens. C'est le genre d'action que je veux développer. Un membre de l'Agence s'est rendu aux États-Unis pour observer la conduite des publics hearings - les auditions publiques - par la Food and Drug Administration (FDA). Les assemblées parlementaires nous donnent un exemple à suivre en la matière.

J'estime, monsieur Savary, que l'ANSM ne doit pas freiner la recherche sur les maladies neuro-dégénératives, notamment Alzheimer, par des délais trop longs d'autorisation d'essai clinique. Nous rendons ces autorisations en soixante jours - ce qui est le délai réglementaire - mais nos collègues belges le font en quinze jours. Les innovations dans le secteur des maladies neuro-dégénératives font l'objet d'autorisations centralisées au niveau européen, et non national. En revanche, les essais cliniques se déroulent dans un cadre national. L'Agence doit alors jouer un rôle de facilitateur du développement des essais cliniques, tout en garantissant leur sécurité.

Les autorisations temporaires d'utilisation (ATU), délivrées en phase 3 voire en phase 2, permettent de gagner du temps sur l'autorisation de mise sur le marché et de donner un accès précoce à des médicaments innovants.

Nous n'avons pas, monsieur Barbier, de difficultés particulières avec les pharmaciens - le Conseil national de l'ordre aussi bien que les syndicats. Je rappelle que la décision sur la codéine a été prise par la ministre de la santé, et que l'Agence n'y a eu aucune part. En réalité, c'était déjà un produit listé, mais avec une exonération pour certains produits présentant des doses faibles de la substance. La récente décision l'a replacée dans la catégorie des médicaments sur prescription, en liste 1 ou en liste 2 en fonction du produit, quelle que soit la quantité contenue.

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