Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai plaisir à me retrouver aujourd'hui devant vous, puisque vous êtes saisis des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi pour la confiance dans la vie politique.
Je tiens à saluer M. le président Bas, rapporteur de la CMP, qui a présenté les points d’accord ayant permis aux deux assemblées de converger sur le projet de loi ordinaire. Cela n’a pas été possible, monsieur le président, vous l’avez souligné, sur le projet de loi organique, que vous examinerez en nouvelle lecture après-demain. Les points de vue étaient trop divergents entre l’Assemblée nationale et le Sénat sur la suppression de la réserve parlementaire pour qu’un accord puisse être trouvé. Nous reviendrons sur ce point de manière sereine, avec nos arguments respectifs, lors de l’examen du projet de loi organique en nouvelle lecture.
En ce qui concerne le projet de loi ordinaire, chaque assemblée a pu faire un pas l’une vers l’autre, ce qui est pour moi un grand motif de satisfaction. C’est dans ce genre de circonstance que l’on mesure réellement ce qu’est un travail parlementaire constructif, effectif, fondé sur des convictions solides de part et d’autre, mais aussi sur le respect et l’écoute mutuels, donc sur la volonté de légiférer positivement.
Tout d’abord, plusieurs dispositions qui, pour le Gouvernement et l’Assemblée nationale, paraissaient se situer hors du champ initial de la réforme n’ont pas été réintroduites en CMP. Elles concernaient pour l’essentiel la fonction publique.
Le Gouvernement avait fait valoir, suivi en cela par l’Assemblée nationale, que le périmètre originel du projet de loi n’incluait aucune thématique relative à la fonction publique. Nous avions également ajouté qu’une loi très récente, celle du 20 avril 2016 relative à la déontologie des fonctionnaires, venait seulement d’entrer en vigueur et qu’il nous semblait plus pertinent d’évaluer les conséquences des dispositifs que cette loi proposait avant de légiférer à nouveau. Le Gouvernement avait défendu cette position, et la CMP n’a pas rétabli ce type de disposition.
La CMP, vous l’avez souligné, monsieur le président, a toutefois adopté un article 2 ter E demandant au Gouvernement un rapport sur le remboursement des frais de scolarité pour les anciens élèves de plusieurs grandes écoles lorsque ceux-ci n’effectuent pas la totalité des années de travail qu’ils doivent au service de l’État. L’intérêt d’une disposition prévoyant la remise d’un rapport se rapportant à un sujet qui est déjà réglé par voie de décret n’est pas apparu déterminant au Gouvernement. Toutefois, bien entendu, nous prenons acte du choix qui a été effectué par la CMP.
Il en est de même de deux autres dispositions. La première, vous l’avez rappelé, monsieur Bas, concerne les frais de réception et de représentation des membres du Gouvernement. Il semble au Gouvernement que cette disposition est surabondante, puisque, comme j’ai pu l’indiquer en première lecture, les dépenses liées aux fonctions ministérielles, telles que les frais de représentation ou de réception, sont déjà soumises au contrôle que vous souhaitez voir instaurer, que ce soit par le contrôleur budgétaire et comptable du ministère ou, in fine, par la Cour des comptes.
Quant à la création par décret en Conseil d’État d’un registre des déports pour les ministres, j’ai eu l’occasion de montrer que ces derniers étaient déjà soumis à un mécanisme rigoureux de déport par décret. Ce dispositif a d'ailleurs trouvé à s’appliquer pour l’actuel Gouvernement. La CMP a souhaité maintenir un tel mécanisme qui, de mon point de vue, pourrait poser des difficultés au regard du principe de secret des délibérations du conseil des ministres. Il appartiendra au Conseil constitutionnel, s’il est saisi, d’en apprécier la constitutionnalité, et nous saurons qui, de l’un ou de l’autre, avait raison sur ce point.
En toute hypothèse et au-delà de nos points de vue juridiques différenciés, le Gouvernement prend acte des dispositions qui ont été adoptées par la CMP et respecte évidemment sa volonté.
L’essentiel, madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, est bien que les deux assemblées aient pu se rassembler autour des points forts de ce texte, qui sont au nombre de six – c’est bien le chiffre que vous avez annoncé, monsieur le président de la commission.
Le premier point fort s’attache à l’inéligibilité des personnes qui commettent des crimes ou des délits. La commission mixte paritaire a repris le dispositif voté par les deux assemblées en le renforçant. La liste des délits conduisant à l’inéligibilité automatique, sauf décision contraire du juge, a été élargie, notamment en reprenant des propositions du Sénat.
Comme la CMP l’a souhaité, faisant en quelque sorte la synthèse des débats parlementaires, ce qui est d’une certaine manière son office, il est désormais clairement prévu l’obligation pour tout prétendant à une élection de posséder un casier judiciaire B2 vierge de toute peine d’inéligibilité prononcée pour des crimes ou pour l’ensemble des délits qui sont visés par le texte que vous avez adopté. C’est un apport positif de la CMP, qui concrétise un engagement pris par le Président de la République devant les Français, tout en assurant, vous l’avez dit, monsieur le président de la commission, la constitutionnalité de sa mise en œuvre, ce qui relève de notre responsabilité.
Le deuxième point concerne la prévention des conflits d’intérêts pour les parlementaires. La définition du conflit d’intérêts est adaptée à la réalité du mandat parlementaire, et un mécanisme de déport est prévu dans le respect de l’autonomie des assemblées.
L’interdiction des emplois familiaux apparaît également comme un point important du texte. Là encore, un accord s’est dessiné sans heurts entre les deux assemblées, au-delà d’une petite péripétie vite oubliée. C’est un acquis attendu par les Français, qui n’acceptent plus désormais une telle pratique.
Parallèlement, je tiens à le souligner parce que l’initiative leur en revient, le Sénat et l’Assemblée nationale ont trouvé ensemble une voie essentielle pour améliorer la situation des collaborateurs parlementaires, dont le rôle et l’efficacité sont reconnus par tous. Les dispositions que vous avez inscrites dans la loi constituent, de ce point de vue, un socle solide pour progresser dans ce domaine.
Le quatrième apport du texte tend à la suppression de l’IRFM et à la mise en place, M. le président Bas l’a rappelé, d’un mécanisme approprié de contrôle des frais de mandat des parlementaires.
Nous avions déjà beaucoup progressé avec votre rapporteur lors de la première lecture, et c’était un motif de satisfaction, chacun, je crois, ayant compris les préoccupations de l’autre. La commission des lois de l’Assemblée nationale a approfondi le travail que nous avions engagé, aboutissant à un accord qui me semble équilibré et qui, tout à la fois, introduit la rigueur des contrôles et garantit la souplesse de la mise en œuvre nécessaire au fonctionnement de la vie parlementaire, dans le respect de l’autonomie des assemblées.
Le projet de loi ordinaire prévoit aussi, et c’est le cinquième grand axe de ce texte, les conditions dans lesquelles le Président de la République et le Premier ministre peuvent, avant la nomination d’un membre du Gouvernement, vérifier qu’il ne se trouve pas en situation de conflit d’intérêts, qu’il est en règle sur le plan fiscal et que son casier judiciaire B2 est vierge. Le texte ne concerne donc pas seulement les parlementaires, comme j’ai pu l’entendre trop souvent au cours des dernières semaines. Cette exigence avait été en particulier portée par votre rapporteur. Elle est désormais satisfaite.
Le texte contient, enfin, des dispositions renforçant le contrôle des ressources des partis politiques et des candidats, ainsi que celui des prêts qui leur sont accordés. Parallèlement, avec le médiateur du crédit et la banque de la démocratie, sera facilité l’accès au financement bancaire des partis et des candidats, afin de renforcer le pluralisme de notre vie politique. Là encore, nous avons pu avoir des désaccords ponctuels, mais le texte adopté par la CMP est très satisfaisant.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, au-delà des débats, au-delà de la confrontation nécessaire et utile que nous pouvons avoir entre des points de vue politiques ou juridiques, nous avons pu observer un mouvement vers un objectif commun tendant à renforcer la confiance dans la vie politique. C’est le fruit d’une ambition partagée et des bonnes volontés que j’évoquais devant vous en première lecture. Votre rapporteur faisait d'ailleurs état, à ce moment-là, d’un mouvement fédérateur.
Que le Sénat et l’Assemblée nationale aient pu s’accorder est, je crois, un signal positif pour nos concitoyens. Il témoigne de l’esprit de responsabilité des parlementaires, de leur volonté de répondre aux attentes des Françaises et des Français, qui appellent à plus de transparence et d’éthique dans les pratiques politiques.
Au nom du Gouvernement, je tenais très sincèrement à vous en remercier, mesdames, messieurs les sénateurs, en particulier M. Philippe Bas, votre rapporteur, qui n’a ménagé ni son temps ni son énergie pour aboutir à ce résultat positif, gage d’une confiance partagée.