Pour nous, le problème, ce n’est pas que les parlementaires travaillent et que la session s’allonge, c’est que le Gouvernement choisisse le cœur de l’été pour s’exonérer du contrôle de l’opinion publique sur un sujet qui nous paraît très important. Après un examen précipité et souvent chaotique, nous sommes donc aujourd’hui parvenus à la fin du processus législatif sur ce projet de loi ordinaire qui traite de probité et d’exemplarité des élus.
Si cette exigence est juste et nécessaire, impérieuse même, ce texte, malheureusement, n’est qu’un énième coup d’épée dans l’eau : la portée de ses mesures n’est pas à la hauteur des enjeux, et le système libéral continue de répandre de l’immoralité dans notre société.
L’indécente plus-value de la ministre du travail à l’orée d’un plan social chez Danone jette gravement l’opprobre sur nos travaux et sur la légitimité de ce gouvernement à ériger la confiance comme modèle d’action politique.
Je ne reviendrai pas ici sur les multiples démissions gouvernementales, toutes dues à ce qu’on appelle pudiquement « les affaires », mais je reste malheureusement persuadée qu’il faudra plus que ce texte pour ramener le peuple vers la politique.
Le désamour entre un peuple et ses représentants ne vient pas principalement de ce que sont ces derniers, mais du système lui-même, qui permet que le pouvoir soit capté par une élite, qui permet que la politique soit asservie aux intérêts de la finance mondialisée. Un pouvoir qui n’est pas guidé par l’intérêt général et la réponse aux besoins, mais par d’autres objectifs relevant d’intérêts privés.
Le nouveau Président de la République, fraîchement sorti de l’ENA, repéré lors des travaux de la commission Attali pour devenir banquier d’affaires avant de revenir dans les allées du pouvoir, symbolise à lui seul le mélange entre intérêt privé et public. Argent et pouvoir font toujours bon ménage.
Alors oui, les gens n’y croient plus, et que leur dire ? Depuis des décennies, la confiance est ébranlée par la parole non tenue, par les promesses qui n’engagent que ceux qui y croient. Les rendez-vous électoraux sont des mascarades de démocratie où la puissance de l’argent défend ses intérêts, que ce soit par la voie des médias dont elle est propriétaire ou encore par le financement des campagnes électorales. Et malheureusement, ce sont toujours les mêmes politiques qui sont menées, à rebours des intérêts populaires, alimentant le bataillon des abstentionnistes.
Une politique de classe, où la démocratie est réduite à portion congrue, où les efforts sont demandés aux plus fragiles, comme c’est le cas avec la baisse des APL, les aides personnalisées au logement, où les cadeaux sont pour ceux qui en ont déjà trop, par exemple avec l’exclusion des revenus financiers pour l’ISF, l’impôt de solidarité sur la fortune.
Nous sommes très loin d’un pouvoir par et pour le peuple, comme la Constitution nous y oblige. Tant que la politique ne permettra pas de dessiner un « en commun » pour l’ensemble de nos concitoyens, un projet fondé sur la possibilité d’un progrès partagé, on continuera d’alimenter la défiance et la colère. C’est malheureusement inévitable.
Nous regrettons donc le contenu limité de ce texte, qui se résume en quelques mesures dont le relent antiparlementariste est assez déplaisant. Ce serait tellement plus facile de réduire le Parlement à un rôle de godillot de la majorité présidentielle, ou de faire en sorte qu’il écrive la loi et contrôle le Gouvernement dans les sous-sols ou dans les greniers, loin du regard et de l’écoute de nos concitoyens, par exemple en arrêtant de retransmettre sur une chaîne de télévision publique nos séances de questions d’actualité au Gouvernement, comme le préconise le président de l’Assemblée nationale…