En réponse à la question concernant l'alerte, je dirai que nous disposons de la technologie. Il n'y a pas de budget à la défense pour cela, nous n'avons pas pu l'intégrer, mais le Brexit va peut-être pouvoir nous aider dans la mesure où aujourd'hui, c'est Airbus Defence and Space qui pilote un projet regroupant une dizaine de partenaires dont certains au Royaume-Uni. C'est un segment de l'alerte, mais nous ne savons pas trop ce que cela va donner. Il y a peut-être une opportunité, avec l'aide de l'Europe, de développer et de financer un tel système d'alerte. Pour l'instant c'est un choix qu'on pousse au sein de la défense, qui serait très intéressée, mais il y a clairement un problème budgétaire.
Concernant la rivalité des entreprises entre elles, par exemple la compétition entre Thales et Airbus Defence and Space : ce n'est pas un problème de grands corps, car le PDG d'Airbus, Tom Enders, est un ancien militaire allemand, un pilote, qui n'est pas issu des grands corps. C'est quelqu'un de très pragmatique, que les Allemands appellent l' « Américain ». Le problème, c'est qu'il a une vision très mondiale et pas forcément attachée au territoire.
Cela peut être préjudiciable aux deux bouts de la chaîne, donc pour les sous-traitants, qui hésitent à dire les choses trop ouvertement. Dans sa contribution, figurant dans le deuxième tome de mon rapport, la société Sofradir dit clairement être obligée d'avoir deux chaînes de produits redondants, car leurs deux donneurs d'ordre le lui demandent, avec parfois des aides publiques sur ces deux chaînes, alors qu'une seule chaîne de produits serait peut-être plus compétitive et permettrait une mutualisation de la contribution publique. Si elle ne procède pas de la sorte, le risque existe que l'un des donneurs d'ordre s'adresse à une ETI, une entreprise étrangère à la France, voire étrangère à l'Europe, ce qui s'est déjà produit ; on a des exemples avec les Américains.
Concernant la préférence européenne, l'exemple de l'Allemagne est intéressant : pour lancer un satellite de défense, il y a deux ou trois ans, elle a fait appel à SpaceX. Je me souviens, dans la dernière réunion ministérielle, avoir fait écrire au bas d'un acte (proceeding) qu'il fallait étudier la préférence européenne, mais c'est une bagarre terrible car les institutions européennes ne veulent pas que l'on écrive ça. La DG Concurrence en Europe a très bonne presse car elle veut infliger une amende à Google, c'est très bien, mais pour le reste, je suis effarée.
La création d'ASL (Airbus Safran Launchers) a été décidée avec Jean-Paul Herteman, le PDG de Safran, et avec Tom Enders, qui était représenté par Marwan Lahoud.
Cela a été décidé avec l'accord du CNES, d'Arianespace et du Gouvernement. Il y a eu une annonce à l'Élysée en 2014. La validation par l'Europe, qui voulait s'assurer que nous n'allions pas créer un important nouveau monopole, a pris deux ans.