Intervention de Philippe Madrelle

Réunion du 2 octobre 2017 à 15h00
Allocution de m. le président d'âge

Photo de Philippe MadrellePhilippe Madrelle, président :

… désormais entrée en vigueur depuis le début de cette année, ne doit pas distendre ce lien, mais être un gage d’approfondissement du travail de nos assemblées.

Plusieurs réformes majeures sont également annoncées, comme la réduction du nombre des parlementaires, à propos de laquelle il faudra s’interroger consciencieusement, pour garantir une représentation juste et cohérente de nos territoires, ou encore l’octroi d’une part plus grande aux débats en commission pour l’adoption de textes législatifs.

Par ailleurs, nos méthodes de travail évoluent. Les nouvelles technologies modifient profondément les conditions d’exercice du mandat parlementaire, et les citoyens expriment le souhait qu’elles soient utilisées davantage afin de mieux les associer aux travaux législatifs.

Notre assemblée représente nos territoires et tous les élus qui travaillent localement à leur équilibre. Lorsque j’étais à la tête du département de la Gironde, j’ai réalisé l’importance déterminante du rôle des politiques d’aménagement et de solidarité mises en place par des institutions de proximité comme le conseil départemental : il y va de la survie de nos territoires ruraux ! Et ce n’est pas un hasard si la Conférence nationale des territoires convoquée par le Président de la République le 17 juillet dernier s’est déroulée au Sénat et a suscité d’inévitables espérances au sein de notre assemblée. Il a été notamment question de « laisser respirer les territoires » : nous avons tous conscience qu’il y a urgence à prendre en compte la lassitude et les attentes des élus locaux, qui animent dans la proximité les cellules de base de la République et de notre démocratie représentative.

Dans notre monde globalisé, nous avons à faire face à des défis mondialisés immenses, accentués et aggravés par la crise de confiance envers la représentation parlementaire et le monde politique. Face à de tels défis, il faut savoir être « arbre et pirogue », comme disent les Africains, « ouvert aux vents du large et enraciné dans un terroir nourricier ».

En tant que Girondin, vous me permettrez de me référer à Montesquieu, pour qui le bicamérisme est une condition essentielle de l’équilibre des pouvoirs. Il ne faut pas oublier que, dans notre pays, le bicamérisme résulte d’une conquête révolutionnaire visant à s’opposer au pouvoir absolu ; c’est d’ailleurs la marque des régimes démocratiques !

Il est dans la nature des partis politiques et de la compétition électorale de chercher à enchaîner les victoires électorales et à concentrer le maximum de pouvoirs. Il doit être dans la sagesse des institutions de faciliter le pluralisme du débat et de l’expression politique.

De ce point de vue, depuis l’inversion du calendrier électoral, qui évite les cohabitations, mais assure, à l’Assemblée nationale, une majorité mécanique à l’exécutif, l’inertie des scrutins sénatoriaux, fondés sur un corps électoral déterminé par les élections locales antérieures, est devenue une précieuse garantie de pluralisme.

Cette année électorale, particulièrement riche en scrutins, ne s’est pas spécialement caractérisée par la routine, mais par un renouvellement spectaculaire, et profond, de l’Assemblée nationale qui a bousculé et rebattu les cartes du paysage politique national.

Dans un tel contexte, le Sénat de cette nouvelle mandature sera, fort de son expérience et d’un moindre renouvellement, un auxiliaire précieux et expérimenté de l’Assemblée nationale, plus que jamais garant d’une continuité républicaine constructive.

Cette assemblée n’est pas l’assemblée assoupie ou conservatrice que décrivent des détracteurs qui sont souvent ceux, alternatifs au gré des alternances, qui s’accommodent mal du partage du pouvoir.

Ce n’est pas l’assemblée courroie de transmission du Gouvernement, mais l’assemblée de l’approfondissement du travail législatif, qu’elle enrichit de son pouvoir d’amendement, de sa sagesse foncière et d’un sens primordial de l’intérêt public. Moins exposée aux sujétions politiques, moins contrainte par les disciplines partisanes, du fait que l’Assemblée nationale s’impose à elle en dernière instance, elle n’est pas un lieu de postures ou de témoignages, mais un lieu de travail serein et sincère, dont la valeur essentielle est le respect : respect des principes de la République, respect du Gouvernement, respect du pluralisme et de la diversité idéologique, et surtout respect des collègues et de leurs expressions ou opinions, en toutes circonstances.

Vous le savez, mes chers collègues, la permanence du Sénat a souvent été remise en cause, mais force est de constater que cette maison des équilibres des pouvoirs et des territoires est toujours là, et bien là !

Défenseur des collectivités territoriales, le Sénat a montré à maintes reprises son rôle d’approfondissement du travail parlementaire et de réflexion, notamment sur les grands textes de société et de défense des libertés publiques et individuelles.

Je repense avec beaucoup d’émotion à ce moment exceptionnel de la vie du Sénat où un ancien garde des sceaux, notre ancien collègue Robert Badinter, a réussi à convaincre la Haute Assemblée de faire adopter l’abolition de la peine de mort.

On peut également imaginer que le pouvoir d’amendement du Sénat va jouer un rôle non négligeable lors du prochain examen du projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme. Les sénateurs relaient ces préoccupations tout en s’attachant à défendre la représentation des pluralismes.

Le Sénat, mes chers collègues, a toujours su faire la place à la confrontation et au respect des idées. Le Sénat est garant de notre démocratie ; l’existence du bicamérisme est un antidote à toute forme de populisme et d’extrémisme, ces maux qui, dans certains pays, menacent la cohésion sociale et la construction européenne.

Dans notre monde globalisé et en ce premier tiers du XXIe siècle, l’Europe n’a plus le choix ! Plus que jamais, elle doit s’unir pour exister et défendre les idéaux de ses Pères fondateurs, en réaffirmant son attachement à ces valeurs communes que sont la démocratie, la liberté et la paix !

Seule une Europe forte et souveraine pourra nous permettre de répondre aux défis que sont le changement climatique, la nécessaire protection des biens communs, une gestion humaine et solidaire des migrations, le progrès social, la sécurité de nos territoires. La vision prophétique de François Mitterrand est toujours d’actualité : « La France est notre patrie, l’Europe est notre avenir » !

Je ne doute pas que le Sénat saura, une fois de plus, relever ces défis, et je vous souhaite à toutes et à tous un plein succès dans l’exercice de votre mandat sénatorial. Je vous fais confiance, mes chers collègues, pour avoir à cœur, dans cet hémicycle, de « prendre la mesure des tremblements du monde », comme le dit si bien le poète-philosophe Édouard Glissant !

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