Intervention de Gérard Larcher

Réunion du 2 octobre 2017 à 15h00
Allocution de m. le président du sénat

Photo de Gérard LarcherGérard Larcher, président :

Je souhaite la bienvenue à nos nouveaux collègues. Nous sommes heureux de les accueillir dans cet hémicycle du Sénat de la République. Ils entrent dans une assemblée où le respect mutuel est une tradition, la dignité des débats une règle et la liberté de penser, de s’exprimer, notre nature.

Permettez-moi de vous faire part de ma nostalgie de ne pas revoir sur ces travées certains visages de collègues qui nous auront beaucoup apporté par leur présence, leur engagement, leur attachement à cette assemblée.

J’ai aussi une pensée particulière pour Nicole Bricq, à qui nous rendrons hommage la semaine prochaine.

Merci à toutes celles et à tous ceux qui, dans leur diversité, m’ont accordé très largement leur confiance. Je veux dire à mes collègues qui ont fait un autre choix que je serai le président de toutes les sénatrices et de tous les sénateurs : on le dit toujours ; moi, je souhaite le faire très concrètement.

Je voudrais saluer Éliane Assassi et Didier Guillaume, qui ont été candidats à cette élection. Je ne doute pas que nous continuerons à travailler ensemble comme nous l’avons fait par le passé.

Permettez-moi d’exprimer la solidarité de notre assemblée à nos collègues ultramarins et, à travers eux, à nos compatriotes durement touchés par la violence du cyclone Irma.

Je pense aussi à Marseille où, hier, le terrorisme a de nouveau frappé, à l’horreur de l’assassinat de deux jeunes femmes, dans cette guerre sournoise que nous livre l’État islamique. Jamais nous ne pourrons nous habituer à cette liste qui s’allonge, jamais nous ne pourrons oublier.

Je veux, au nom du Sénat tout entier, témoigner notre soutien aux membres des forces de sécurité qui assument, parfois au péril de leur vie, leur mission de protection de nos compatriotes, ainsi que notre solidarité aux familles endeuillées.

Il y a trois ans, je prononçais ici même mon discours de président de la nouvelle assemblée élue et j’utilisais ces mots : « Il faut relever le Sénat pour faire vivre le bicamérisme. C’est l’esprit de la feuille de route que je vous propose de suivre ensemble, nous, les 348 sénateurs. »

Nous avons, ces trois dernières années, beaucoup œuvré, tous ensemble, pour mieux faire la loi, mieux contrôler l’action du Gouvernement, mieux gérer et clarifier nos règles de fonctionnement interne.

Nous avons su faire mieux entendre – ce point est essentiel pour nous – la voix des territoires.

Nous avons collectivement restauré la pleine légitimité de notre assemblée et sa place dans le fonctionnement des institutions de la République.

Je vous remercie pour tout cela.

Le bicamérisme est un atout pour notre démocratie. Monsieur le doyen, vous l’avez souligné dans vos propos en faisant référence à Montesquieu. Le projet que je vous ai proposé repose sur deux principes qui me paraissent devoir structurer notre rôle : être garants de l’équilibre des pouvoirs, être garants de l’équilibre des territoires.

L’« horloge démocratique » de nos institutions ne peut être réduite à l’élection du Président de la République au suffrage universel direct, que suit l’élection des députés, laquelle n’est, depuis la réforme du quinquennat, que la « réplique sismique » de l’élection présidentielle.

L’équilibre des pouvoirs, indispensable au fonctionnement démocratique de la République, a besoin d’une voix différente : celle du Sénat. Parmi les sources qui fondent la légitimité de notre assemblée dans la Ve République, on peut citer ces mots prononcés par Charles de Gaulle lors de son discours de Bayeux : « Il faut donc attribuer à une deuxième assemblée, élue et composée d’une autre manière, la fonction d’examiner publiquement ce que la première a pris en considération, de formuler des amendements, de proposer des projets. Or, si les grands courants de politique générale sont naturellement reproduits dans le sein de la Chambre des Députés, la vie locale, elle aussi, a ses tendances et ses droits. »

Le Sénat est, à mes yeux, le stabilisateur institutionnel indispensable à une démocratie apaisée. Il protège les citoyens des lois de pulsion votées dans la précipitation, sous la pression populaire ou médiatique du moment, des excès éventuels de l’exécutif influencé par la proximité d’élections nationales ou par sa chute dans des enquêtes d’opinion.

C’est ce contre-pouvoir qu’incarne le Sénat. Un contre-pouvoir exigeant, qui n’est jamais un anti-pouvoir et qui sait s’opposer avec discernement, sans les excès des postures partisanes, qui n’ont jamais été dans sa nature. Notre ambition, ce doit être l’intérêt de la France.

La force du Sénat est aussi de savoir résister aux artifices temporaires de communication ou aux effets de mode qui parfois caricaturent le passé, idéalisent le présent et feraient croire qu’on passe soit de « l’ombre à la lumière », soit de « l’ancien monde au nouveau monde » !

Ce qu’il nous faut collectivement incarner, c’est l’efficacité au service de la France, le respect que nous devons aux élus locaux qui s’engagent chaque jour au service de nos compatriotes. C’est la vérité que nous devons aux Français, le redressement concret de notre pays, pour lequel, je le crois, nous serons toujours tous au rendez-vous.

Nous avons une responsabilité constitutionnelle spécifique.

Nous sommes les représentants des collectivités territoriales, les représentants des élus locaux.

Nous sommes les représentants de la France de la proximité, de la France du concret, de la vie quotidienne des Français dans chacune de leurs communes. Je n’oublie pas nos compatriotes établis hors de France, qui sont aux avant-postes pour incarner notre pays.

Le développement équilibré de nos territoires, que ce soit en métropole ou dans nos outre-mer, est indissociable de l’idée que nous nous faisons de la Nation et de son unité.

Nous ne pouvons accepter que des parcelles de France se sentent aujourd’hui oubliées, « à côté », que certains de nos compatriotes aient le sentiment de ne plus compter, et donc de ne plus être concernés. Mes chers collègues, vous le savez, la fracture territoriale est un poison lent qui mine notre pays et fissure notre modèle républicain.

Oui, nous devons réconcilier la France avec tous ses territoires. Et qui est mieux placé que nous, sénateurs, pour contribuer à l’atteinte de cet objectif ?

J’ai la conviction que le maillage territorial que représentent les élus locaux peut seul nous permettre de « reconnecter » tous les territoires à la République.

La fin du cumul des mandats, monsieur le doyen, est un défi. Par construction, elle fragilise le lien qui unissait le sénateur aux élus locaux. C’est ce lien direct qui contribuait d’ailleurs à en faire un législateur avisé et un contrôleur vigilant.

Je le dis très clairement, le sénateur d’octobre 2017 n’est plus le sénateur de juin 2017. Il va donc nous falloir exercer notre fonction de manière différente, pour prendre en compte les attentes des élus locaux avant comme après le vote de la loi et consolider ce lien de proximité, les consulter davantage et, pour ce faire, mettre en place ici un outil numérique de consultation permanente des élus locaux.

Le Président de la République souhaite, par ailleurs, réduire le nombre de parlementaires siégeant dans chaque assemblée. Pour ma part, je n’y suis pas a priori opposé, à une condition : le Sénat devra incarner, par sa composition, l’équilibre territorial et la diversité qui cimentent une nation.

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