Intervention de Xavier Turion

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 11 octobre 2017 à 11h00
Audition de Mm. Jean-Marc Huart directeur général de l'enseignement scolaire et xavier turion adjoint au directeur général au ministère de l'éducation nationale

Xavier Turion, adjoint au directeur général de l'enseignement scolaire :

D'un point de vue technique, cette rentrée scolaire a été préparée par le gouvernement précédent. Preuve en est le volume des emplois créés, soit 10 800 au total, dont 4 311 professeurs dans l'enseignement du premier degré et 4 400 professeurs dans l'enseignement du second degré, auxquels s'ajoutent un peu moins de 2 000 emplois dans l'administration et le secteur médico-social.

Le nouveau ministre a fortement imprimé sa marque en prenant de nombreuses dispositions nouvelles pour traduire la priorité qu'il entend accorder à l'enseignement du premier degré et la nécessité de soutenir avec force les élèves les plus fragiles. Le dédoublement des classes de CP en réseaux d'éducation prioritaire renforcés (REP+) et l'assouplissement des rythmes scolaires ne sont que des mesures parmi d'autres. Il faut aussi mentionner la mise en place des stages de réussite et le dispositif « Devoirs faits », qui devrait entrer en vigueur après les vacances de la Toussaint, l'assouplissement de la réforme du collège, les mesures en faveur des élèves en situation de handicap ou encore la formation continue des professeurs.

Le dédoublement des classes de CP en REP+ se justifie par le fait que, au sortir de l'école, 18 % des élèves ne maîtrisent pas les bases de la langue française et 28 % d'entre eux n'ont pas acquis les fondamentaux en mathématiques et en sciences. Ces proportions sont considérablement plus élevées en éducation prioritaire, d'où la nécessité d'y concentrer les efforts en agissant dès le CP. Le coût de cette mesure budgétaire n'est pas négligeable, puisque qu'elle devrait mobiliser, à terme, plus de 11 000 professeurs.

Tout récemment et alors que les opinions divergeaient sur le sujet, une étude de l'Institut des politiques publiques a montré que le dédoublement des classes avait des conséquences réelles en matière d'apprentissage, même lorsque les professeurs n'étaient pas accompagnés.

A la rentrée 2017, pas moins de 3 111 classes de CP ont été dédoublées en REP+, avec des effectifs réduits à 12 élèves pour 2 000 d'entre elles et de 13 à 15 élèves pour les autres. La mesure a bénéficié du soutien des collectivités locales, qui ont procédé aux aménagements structurels nécessaires. Parmi les professeurs affectés dans ces classes, 89 % d'entre eux ont une ancienneté supérieure ou égale à trois ans, ce qui est remarquable.

Cette mesure a été permise par des créations d'emplois et par un redéploiement de postes affectés au dispositif « Plus de maîtres que de classes » : sur les 3 087 emplois mobilisés par ce dispositif, 820 ont été consacrés au dédoublement des classes de CP en REP+. Lorsque les classes n'ont pu être dédoublées, les responsables académiques ont recouru au co-enseignement. Le dispositif « Plus de maîtres que de classes » continue d'exister et sera évalué parallèlement à la mise en place des CP dédoublés.

L'étude scientifique que j'ai mentionnée précise que le dédoublement doit s'appuyer sur une pédagogie renouvelée, structurée, progressive et explicite. Voilà pourquoi nous avons souhaité fixer au sein des programmes des repères annuels de progression, avec pour objectif de personnaliser davantage les apprentissages. Le ministre rencontre ces jours-ci les inspecteurs de l'éducation nationale de circonscription pour leur présenter l'ensemble des mesures qui touchent à l'enseignement du premier degré. Les professeurs disposent désormais d'un espace numérique grâce auquel ils peuvent mutualiser leurs ressources et échanger entre eux. Des évaluations nationales exhaustives sont organisées à l'entrée du CP. Ces dernières ayant donné lieu à des appréciations parfois négatives, notamment de la part de la communauté scientifique, un nouveau protocole sera élaboré pour la rentrée prochaine.

Constatant que la réforme des rythmes scolaires avait créé des tensions dans certains territoires, le Président de la République a souhaité donner une liberté nouvelle aux acteurs, en impliquant les conseils d'école, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Le décret du 27 juin 2017 ouvre une possibilité de dérogation à l'organisation en quatre jours et demi qui constitue le droit commun. Cette souplesse accordée aux acteurs sur le terrain a été accueillie favorablement puisque 1,8 million d'élèves, soit 31 % d'entre eux, sont désormais scolarisés sur une semaine de quatre jours. 43,1 % des communes ont au moins une école ayant fait le choix de revenir à la semaine de quatre jours. Toutefois, les aides du fonds de soutien sont conservées pour les communes qui ont fait le choix de conserver la semaine de quatre jours et demi.

Le ministre a souhaité développer les stages de réussite, qui consistent en une mise à niveau de quinze heures organisée pendant les vacances scolaires. Lors de cette rentrée, le nombre de ces stages connaît une évolution favorable, puisqu'ils ont été organisés dans 8 700 écoles, bénéficiant à 83 200 élèves et mobilisant 14 100 professeurs.

L'assouplissement de la réforme du collège était une mesure attendue : les dispositions prises par le gouvernement précédent (interdisciplinarité, autonomie accrue des établissements, accompagnement personnalisé) ont été en grande partie conservées dans un cadre réglementaire moins rigide, notamment en ce qui concerne l'organisation et les thématiques des enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI). Chaque élève a l'obligation de suivre au moins un EPI au cours de sa scolarité au collège, les établissements restant libres d'en organiser davantage s'ils le souhaitent.

Un nouvel enseignement « Langues et cultures européennes » a été créé ; il est l'équivalent des sections européennes d'antan. Le ministre a souhaité permettre la création de classes bilangues, même en l'absence de continuité avec le primaire. L'horaire de latin et de grec a été renforcé sans que les élèves soient obligés de suivre l'EPI « Langues et cultures de l'Antiquité ». En cette rentrée, 16 % des collèges ont ouvert un enseignement « Langues et cultures européennes », dont 14 % dans le public et 21 % dans le privé. Pas moins de 22 % des collèges ont ouvert des classes bilangues, pour un enseignement de ces langues rétabli à 85 %. Concernant l'enseignement des langues et cultures de l'Antiquité, 20 % des collèges ont augmenté le volume horaire qui lui est consacré, pour un rétablissement à 57 %. Ces mesures ont remporté une adhésion assez forte dès cette rentrée, malgré la brièveté des délais. Elles devraient être renforcées l'an prochain.

Après les vacances de la Toussaint, tous les collégiens qui le souhaiteront auront la possibilité de faire leurs devoirs au sein de leur établissement, le volume horaire à dégager restant à la libre appréciation du chef d'établissement. Dans la plupart des cas, cela représentera environ une heure consacrée aux devoirs, quatre jours de travail par semaine. Cette heure ne sera pas forcément reléguée en fin de journée. Elle mobilisera les professeurs, mais aussi les assistants d'éducation, qui pourront ainsi se préparer à l'exercice du métier de professeur. Des jeunes issus du service civique apporteront aussi leur aide, d'où un doublement de leur recrutement de 10 000 à 20 000 pour cette rentrée. Les associations qui interviennent déjà dans les collèges, notamment l'Association de la fondation étudiante pour la ville (AFEV) et Zup de Co, seront également mobilisées.

Des moyens budgétaires importants y sont consacrés : 500 000 heures supplémentaires effectives (HSE) seront mises à disposition dès le 1er janvier 2018 dans les établissements dotés de toutes les ressources nécessaires. Des ressources numériques sont déjà constituées, notamment une banque numérique pour l'éducation développée l'an dernier et réalisée à 80 % par des éditeurs scolaires. Un dispositif de formation destiné aux jeunes issus du service civique, aux assistants d'éducation et aux personnes recrutées par les associations est en cours d'élaboration.

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