Je vais m'efforcer, tout en vous livrant quelques éléments sur le budget 2018, d'apporter réponse à vos questions - en indiquant d'emblée que pour la dernière d'entre elles, il s'agira encore d'interrogations plutôt que de réponse.
Le projet de budget pour 2018 établit les crédits de la Défense à 34,2 milliards d'euros, en progression de 1,8 milliard sur le projet de loi de finances initiale pour 2017. Pour le ministère des Armées, ils seraient de 34,4 milliards hors pensions, puisque s'y ajoutent 190 millions de cessions, notamment immobilières, parmi lesquelles les cessions parisiennes que vous avez évoquées.
Il s'agit là d'une hausse exceptionnelle, trois fois supérieure au budget précédent, qui porte notre effort de défense de 1,77 % à 1,82 % du PIB. Ce budget de « remontée en puissance », pour reprendre les termes de la ministre, constitue la première marche vers l'objectif de 2 % du PIB à l'horizon 2025.
J'articulerai mon propos autour de trois points, le programme 212, puis les crédits du titre II, avant de me centrer sur quelques politiques menées à partir du programme 212, parmi lesquelles celle des systèmes d'information et la politique immobilière.
Trois programmes sont placés sous la responsabilité du secrétaire général pour l'administration. Le programme 212, assurant une fonction administrative de soutien à l'ensemble du ministère, regroupe les fonctions d'administration et de soutien, mutualisées, mais aussi, depuis 2015, les crédits du titre II, gérés dans une relation la plus étroite possible avec les armées, pour répondre à leurs besoins. Hors dépenses de personnel, ces crédits progressent de 2,145 milliards à 2,559 milliards, soit une augmentation de 20 %, destinée à répondre aux besoins de notre politique immobilière, dont votre commission a souligné les difficultés. Le secrétaire général a la charge, enfin, du compte d'affectation spéciale, pour 140 millions d'euros.
Pour mener à bien cette mission, le Secrétariat général pour l'administration dispose d'un effectif en légère hausse, qui passerait de 14 897 en 2017 à 15 043 en 2018, dont 75 % de civils, parmi lesquels 275 apprentis, et 25 % de militaires. Ces chiffres n'incluent pas les effectifs du service militaire volontaire, dont l'expérience a été reconduite jusqu'au 31 décembre 2018 : c'est un service à compétence nationale, rattaché au ministère de la Jeunesse, qui a été créé au printemps, en l'attente, avant tout transfert, d'avoir pu tirer les conclusions de l'expérimentation et décider du maintien ou non du dispositif.
Les crédits du titre II, hors caisse des pensions et opérations extérieures, s'élèvent à 11,976 milliards, dont 11,6 milliards en crédits budgétaires auxquels s'ajoutent des crédits non budgétaires, parmi lesquels l'attribution de produits du service de santé des armées, pour 290 millions. Ces crédits augmentent de 257 millions d'euros par rapport à 2017.
En 2018, le plafond des effectifs du ministère s'élèvera à 274 586 ETPT (équivalents temps plein travaillé), dont 77 % de militaires et 23 % de civils. Ce schéma d'emploi se traduit par une augmentation de 500 postes, hors service industriel de l'aéronautique, où l'on enregistre également des créations de postes. Ces créations sont le résultat de plusieurs décisions prises au cours de l'année 2016. Le Conseil de défense du 6 avril 2016 avait ainsi décidé de la création de 200 postes pour répondre aux besoins des unités opérationnelles, de la cyberdéfense et du renseignement. Dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances, 300 postes ont ensuite été validés dont 150 destinés à la sécurité-protection, 50 aux services de renseignement, 75 pour lisser la « copie » demandée au service du commissariat des armées, et 17, enfin, en soutien aux exportations.
Ce schéma d'emplois, positif, se traduit cependant par des plus et des moins : 86 ETPT en moins pour les effectifs militaires, avec une baisse du nombre de sous-officiers militaires du rang mais une augmentation de 503 emplois d'officiers, pour répondre aux besoins en matière de renseignement et de cyberdéfense. L'évolution est analogue pour les effectifs du personnel civil, avec 391 emplois de catégorie A supplémentaires, pour répondre aux mêmes besoins, essentiels. Au total, le ministère sera encore, en 2018, un recruteur important, avec plus de 24 000 recrutements, dont plus de 3 000 personnels civils.
Ce budget comporte un certain nombre de mesures catégorielles - ce qui rejoint votre question sur les ressources - à hauteur de 136,5 millions d'euros, consacrés, pour 124 millions, à l'extension en année pleine de mesures déjà actées l'an dernier, à la poursuite du plan parcours carrière rémunérations, qui s'applique aux personnels tant civils que militaires, pour quelque 88 millions, à quoi s'ajoutent 12,2 millions en mesures nouvelles.
Pour le personnel militaire le montant est de 112 millions d'euros dont 101,4 millions consacrés aux mesures « parcours professionnels, carrière et rémunération » (PPCR). Pour le personnel civil, nous avons demandé un effort significatif en 2018, pour remédier à la concurrence dont nous souffrons, notamment en termes de mobilité. Une revalorisation du complément indemnitaire annuel (CIA) est prévue à hauteur de 8,8 millions d'euros, afin de porter les crédits à hauteur de 20 millions. Ce financement est indispensable pour répondre au décrochage interministériel constaté, en particulier pour les emplois de catégorie A, dans des métiers à compétences rares, notamment en matière de systèmes d'information.
Pour accompagner ce mouvement et gérer les flux très dynamiques qui caractérisent le ministère, nous avons besoin de leviers d'aide au départ - j'y insiste, car c'est un des points les plus discutés, en période de construction budgétaire, avec Bercy. Nous avons néanmoins considérablement diminué ce besoin, réduit de 70 % en six ans. Nous demandons, pour 2018, 722 pécules militaires, et un certain nombre d'indemnités de départ volontaire, dont 108 pour réduire les effectifs d'ouvriers de l'Etat.
Au-delà de cette transformation, le ministère s'est engagé, dès 2017, dans une démarche visant un rééquilibrage, dans les fonctions de soutien, entre personnel militaire et personnel civil. Cela correspondait à une demande forte des organisations syndicales. Le précédent ministre avait demandé un rapport au contrôle général des armées, sur lequel nous nous appuyons. En 2017, 305 postes tenus par des militaires ont été pourvus par des personnels civils. Ce sera poursuivi en 2018, à hauteur de 500 emplois.
Le ministère accueille, au demeurant, quelque 1 170 apprentis, et ce mouvement se poursuivra en 2018.
Un mot, enfin, des réservistes, indispensables au bon fonctionnement des forces armées et notamment à la mission Sentinelle. Les crédits, fixés à 113 millions d'euros en 2017, seront portés à 159 millions, pour une cible de 40 000 réservistes, l'objectif étant de renforcer la présence de réservistes sur le territoire dans le cadre de l'opération Sentinelle.
S'agissant du logiciel Louvois, j'estime que s'il reste des difficultés, la crise est désormais sous contrôle dans la mesure où 97 % des soldes calculées et versées en août, soit près de 190 000, le sont sous Louvois sans avoir à effectuer de corrections. Sur les 3 % restants, 2,8 % peuvent faire l'objet d'une correction manuelle avant le versement par Louvois et seuls 0,2 % continuent à poser des difficultés, et doivent faire l'objet de versements hors de ce logiciel. Si l'on peut donc dire qu'il demeure des difficultés, elles sont nettement moindres que par le passé. De fait, la tendance observée en août confirme celle observée depuis le début de l'année 2017. Nous avons renforcé sensiblement les effectifs, et du service du commissariat, et des services gestionnaires à Nancy, pour l'armée de terre, et à Toulon, pour la Marine. Les équipes sont fortement mobilisées, étant appelées à intégrer, tous les deux mois, de nouvelles versions pour tenir compte de l'évolution des mesures indemnitaires que j'ai évoquées.
Vous m'aviez demandé, l'an dernier, pourquoi le remboursement des indus n'était pas plus rapide. En août 2017, la somme des indus constatés depuis le début de la crise Louvois s'élevait à 534 millions d'euros. A la même date, 83% des indus, pour quelque 444 millions, avaient été notifiés. Je précise que les militaires concernés ont faculté de demander des délais de paiement, que nous accordons systématiquement. A ce jour, 64 % des indus, soit 344 millions d'euros ont été recouvrés, preuve que les personnels concernés ont reconnu ces indus. Nous avons toutefois abandonné, dans les procédures de recours, 15 % de ces indus, à hauteur de 78,5 millions d'euros, car ils ne pouvaient être clairement justifiés.
Il est prévu de déployer le logiciel Source Solde en 2018, dans la Marine, qui a souhaité que cela se fasse soit avant le plan de mutation annuelle de l'été, soit à l'automne - je pourrai vous en dire plus en fin d'année. La bascule devrait avoir lieu en 2019 pour l'armée de terre et en 2020 pour l'armée de l'air. Les essais de bon fonctionnement du nouveau calculateur sont actuellement réalisés « à blanc », afin de détecter les anomalies. Cette phase de solde à blanc, qui doit se terminer à la fin de l'année, sera suivie d'une phase d'analyse des restitutions financières et comptables. On entrera, ensuite, dans une phase dite de solde en double : les soldes des marins seront calculées à la fois sur Louvois et sur Source Solde, afin de mesurer les différences et détecter si elles résultent de données mal introduites ou de difficultés propres au calculateur. L'objectif est de vérifier l'ensemble des indemnités et primes. Dans l'analyse qui a été faite de la crise de Louvois, nous savons que celles-ci n'avaient pas toutes été vérifiées, notamment dans l'armée de terre. Nous avons donc bâti un schéma de contrôle avant bascule, la décision prise in fine devant être proposée à la ministre par le chef d'Etat major des armées, responsable militaire et de la condition du personnel, le délégué général pour l'armement, parce que le chantier Source Solde est conduit comme un programme d'armement par une équipe relevant de la direction générale de l'armement, et par le secrétaire général de l'administration, responsable des crédits de titre II et donc du paiement des soldes.
Parallèlement, nous devons poursuivre le chantier de la nouvelle politique de rémunération des militaires. Le dispositif existant, qui repose sur plus de 170 indemnités et primes, doit impérativement être revu. Nous y travaillons en lien étroit avec le chantier interministériel de la réforme des retraites, qui inquiète beaucoup la communauté militaire. Les militaires sont principalement des personnels sous contrat de courte durée, qui bénéficient, du fait de leur engagement sur des théâtres d'opération risqués, de bonifications. Or, nous n'avons aucune assurance que dans le prochain régime, des dispositifs de bonifications pourront être maintenus et partant, que la logique de flux, indispensable à la gestion des armées, pourra être maintenue. C'est bien pourquoi l'exercice de réforme de la rémunération des militaires doit être conduit parallèlement à la réflexion sur l'incidence de la réforme des retraites pour les personnels militaires.
J'en viens aux grandes politiques du programme 212, en commençant par la politique immobilière, sur laquelle vous nous avez alertés, y compris dans un rapport récent. Nous nous efforçons, en 2018, d'apporter des éléments de réponse puisque sa dotation budgétaire augmentera, en 2018, de 404 millions d'euros en crédits de paiement pour s'établir à 1,744 milliard, contre 1,340 milliard en 2017. Ces chiffres prennent en compte l'ensemble des crédits en matière immobilière soit les crédits relatifs aux dépenses d'infrastructure, y compris ceux qui sont liés à la dissuasion et les crédits liés à la politique du logement. A ces crédits, s'ajouteront 140 millions d'euros que nous pourrons consommer sur le compte d'affectation spéciale. Cet effort est également marqué en matière d'autorisations d'engagement, à hauteur de 2,116 milliards, en augmentation de 23 %.
Ces crédits vont nous permettre de répondre à la nécessité d'accueillir les grands programmes d'armement. La dotation pour les dépenses d'infrastructure liées à ces programmes sera de 400 millions d'euros, en augmentation de 7 %, notamment pour répondre aux besoins d'accueil du Barracuda - un chantier dont vous avez pu mesurer l'ampleur, à Toulon, où l'on reconstruit l'ensemble des bassins, et auquel 170 millions seront consacrés -, au MRTT, pour 14 millions, au programme Scorpion de l'armée de terre, à hauteur de 39 millions, à la rénovation électrique, enfin, des ports de Brest et de Toulon, pour 5,5 millions et 11,5 millions respectivement.
Par ailleurs, 114 millions d'euros seront dévolus aux infrastructures liées à la dissuasion nucléaire, principalement pour des travaux à l'Île-Longue, et 364 millions seront dédiés aux opérations d'adaptation capacitaire - autrement dit l'infrastructure liée à la remontée en puissance de la force opérationnelle terrestre - et pour la mise en sécurité-protection de nos installations. Enfin, 878 millions d'euros seront consacrés au financement des infrastructures indispensables à l'activité des forces.
Vous m'avez interrogé sur les conditions de vie du personnel : 132 millions d'euros seront consacrés à l'amélioration des infrastructures de casernement et d'hébergement, soit une augmentation de 70 millions par rapport à 2017. Enfin, des crédits à hauteur de 144 millions d'euros seront consacrés au logement familial. La ministre donnera des éléments plus précis sur ce point lorsqu'elle présentera le plan Familles.
Il y a tant à dire et le temps est compté : un dernier mot, si vous me le permettez, sur des dépenses socialement importantes, liées à la reconversion du personnel. Nous y consacrerons 37 millions d'euros. Quant aux dépenses liées au chômage, que le ministère prend en charge durant les deux années qui suivent un départ, nous y consacrerons 150 millions d'euros. Si ces crédits sont en baisse, par rapport à 2017, de 3,5 millions, c'est que la dépense a diminué en 2017, mais nous ne savons pas encore si cela tient à la modification des règles d'indemnisation du chômage ou à un retour à l'emploi plus important. En tout état de cause, l'Agence de reconversion continuera de financer des formations. Nous accompagnerons ainsi environ 4 500 militaires l'an prochain.